DUNNE, Anthony, Hertzian Tales: Electronic Products, Aesthetic Experience, and Critical Design, Cambridge, The MIT Press, 2008.

DUNNE, Anthony, Contes hertziens : Produits électroniques, expérience esthétique et design critique (traduction possible car, à ce jour, l’ouvrage n’est pas publié en français).

Anthony Dunne fait des technologies électroniques et de l’expérience esthétique l’une des questions centrales de ses contes hertziens. Pour lui, les potentiels du design industriel doivent servir à améliorer la qualité de nos interactions avec notre environnement artificiel au quotidien, et non à subvenir aux simples besoins d’une société de consommateurs passifs. C’est avec cette ferme conviction que l'auteur s'intéresse à cette idée d’expérience esthétique du design ainsi qu’à ses relations poétiques et métaphysiques avec le milieu artificiel. Dès lors, Anthony Dunne se positionne dans une réflexion plus élargie dans laquelle il va tenter de questionner et de comprendre quel rôle l'esthétique des produits électroniques a dans notre quotidien.

Pour instruire cette problématique, Anthony Dunne propose une approche utilisant les objets électroniques et conceptuels comme moyens de provoquer une réflexion critique sur l'environnement artificiel qui nous entoure. Cette « omniprésence électronique » et artificielle que nous partageons alors en permanence peut nous enrichir au quotidien. L’auteur propose ainsi une « esthétique de l'utilisation » dans laquelle il développe l’idée d’une complicité avec le produit rendue possible par les technologies. Cette coopération pourrait, à l'avenir, améliorer l’impact social et l'expérience quotidienne.

Afin de mettre en œuvre cette approche, Anthony Dunne élabore sa démarche en trois temps principaux1 et ponctue également sa réflexion avec différentes phases de questionnement sur la fonctionnalité de ces objets ou encore leur statut conceptuel. La réflexion d’Anthony Dunne est essentiellement basée sur des hypothèses et une vision spéculative. Il offre un texte réflexif et narratif tout en proposant des projets pour stimuler la discussion sur la qualité de notre vie électronique. Il aborde d’abord une approche conceptuelle pour développer les possibilités esthétiques et fournir de nouveaux types d’expériences esthétiques. En offrant ensuite des propositions de projets, il mêle critique et optimisme en encourageant l’utilisateur à vivre de nouvelles situations narratives. L’espace hertzien permettrait alors de comprendre plus globalement les technologies et de mieux guider nos pratiques de conception.

En élaborant les concepts « d’esthétique de l'utilisation » et « d’expérience esthétique », Anthony Dunne se penche sur le design conceptuel et spéculatif, c’est-à-dire sur une sphère dans laquelle seraient imaginés des avenirs et de nouvelles perspectives à l'aide de technologies émergentes, ainsi que sur la notion d’espace hertzien. L’auteur suggère que cet espace de frictions invisibles, où se côtoient les êtres humains et les dispositifs électroniques et électromagnétiques, permet une compréhension plus globale des technologies. En effet, cette cohabitation entre l'homme et les produits électroniques permet d'interroger ce monde devenu hybride. Elle permettrait également au designer de mieux comprendre ses pratiques dans le but de mieux apprivoiser son environnement pour le rendre habitable. Il concentre davantage sa réflexion sur les dimensions esthétiques négligées de ces champs électromagnétiques et leur importance dans notre expérience quotidienne de « l’électrosphère ».

Comme Vilém Flusser dans la Petite philosophie du design2, Anthony Dunne recherche dans sa pratique du design une transparence, qu’elle soit formelle, sociale ou commerciale. Il souhaite briser cette vision opaque pour mieux signifier le design et la technologie en retrouvant des relations dépourvues de manipulation et de tromperie au sein de ses collaborations. Il s’agit aussi pour lui de concevoir des produits poétiques et d’offrir l'esthétique des expériences culturelles, sociales et psychiques à l’utilisateur dans son quotidien. Il cherche aussi le moyen d’envisager non seulement le design et les technologies dans leur application, mais aussi dans leur entière implication dans la société : Anthony Dunne prend dès lors la place d’un véritable designer engagé.

Margaux NGUYEN, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. Anthony Dunne procède en trois temps. Il commence par une évaluation des approches de conception déjà existante pour mieux optimiser et envisager de nouvelles possibilités esthétiques (p. 1-20). Il poursuit sa démarche avec une analyse relationnelle et comportementale des objets avec son utilisateur (p. 21-42 et p. 69-81). Il interroge enfin les rapports entre le milieu dans lequel vivent ces objets et sa dimension esthétique (p. 101-121) cf. DUNNE, Anthony, Hertzian Tales: Electronic Products, Aesthetic Experience, and Critical Design, Cambridge, The MIT Press, 2008. 

  2. Selon Vilém Flusser : « Un designer, c’est un comploteur perfide qui tend des pièges. […] Tel est le design le dessein fondateur de toute culture, de toute civilisation : tromper la nature au moyen de la technique, surpasser le naturel par l’artificiel. » FLUSSER, Vilém, Petite philosophie du design, Circé, 2002, p.8-9.