GARDOU, Charles, La société inclusive, parlons-en !, Toulouse, Érès, coll. « Connaissances de la diversité », 2012.

Dans le livre La société inclusive, parlons-en !, Charles Gardou dénonce les phénomènes qui, dans nos sociétés industrielles, provoquent des problèmes d’exclusion liés à la compétition sans merci et à la profusion de biens matériels au sein d’un contexte sociale tendue. Il critique ainsi la nature de notre société actuelle. En effet, celle-ci a, d’une manière souvent silencieuse, développé des maltraitances, des exclusions, des privations voire des obstacles/barrières à l’accès au patrimoine. Aujourd’hui, nous observons qu’en France comme pour d’autres pays étrangers, l’accès aux océans développe certes des commodités mais, surtout, des retenus/obstacles/ un renfermement.

Nous postulons volontiers qu’une réduction des inégalités se dessine. Pourtant cet ouvrage met en lumière la stagnation des inégalités voire, leur argumentation croissante. Un contexte qui amène Charles Gardou à analyser ce problème sous deux angles. D’abord il s’interroge à travers la question suivante : sur quels fondements une société inclusive peut-elle s’édifier1? Puis, dans un second temps, il propose une réfléxion autour du raisonnement suivant : en référence à quels principes et exigences renvoyant, pour une part, aux universaux de notre condition humaine et, pour une autre, aux biens communs à répartir avec équité2?

Charles Gardou souligne, à travers La société inclusive, parlons-en !, que nous sommes tous légataires, voire héritiers du patrimoine humain et social. Ces titres affirment ainsi que ces patrimoines n’appartient à personne. En somme, ce patrimoine, dont nous avons hérité, va de ce qui nous précède à l’héritage que nous construisons au jour le jour. Cependant, nombre de nos concitoyens se trouvent privés de ce patrimoine qu’il soit scolaire, professionnel, voire social (au sens large du terme, c’est-à-dire artistique, sportif...) Charles Gardou met donc en lumière à travers son ouvrage une sorte de captation.

Dans cet ouvrage, l’auteur justifie ainsi sa réflexion en cinq grandes étapes. Il soutient que nul n’a l’exclusivité du patrimoine humain et social. Deuxièmement, il affirme que l’exclusivité de la norme, ce n’est personne, et que la diversité, c’est tout le monde. Le troisième argument tient à l’idée qu’il n’y a ni vie minuscule ni vie majuscule. Le quatrième avance que vivre sans exister est la plus cruelle des exclusions. Pour finir, il souligne que tout être humain est né pour l’équité et la liberté3.

Charles Gardou, au cours de sa réflexion, esquisse des concepts clefs. Tout d’abord, l’idée du « partage patrimonial » fait écho à un patrimoine qui appartient à chacun, nous sommes tous possesseur d’un patrimoine. Cependant, une grande majorité d’entre nous ne semble pas avoir conscience de ce bien. Ensuite, l’auteur questionne la « hiérarchie sur des vies ». Ce concept renvoie au constat où certaines vies sont considérées comme minuscules et d’autres majuscules. Certaines vies sont ainsi célébrées, et d’autres sont déconsidérées. Charles Gardou va ensuite évoquer la « norme ». Aujourd’hui, ce concept fait loi dans notre société et fonctionne ainsi comme un filtre culturel qui exclut les personnes qui ne seraient pas conformes à elle. À travers cet ouvrage, l’auteur souligne notre nécessité à réinterroger, plus profondément, notre vision de la norme, qui n’est que culturellement construite. Les notions d’« équité » et de la « liberté » s’appuient sur deux questions principales. Les questions suivantes nous permettent d’éclaircir les notions : comment ceux qui connaissent la privation peuvent-ils aujourd’hui vivre en liberté dans une société qui appelle, qui invite et qui semble interdite aux plus démunis ou aux plus hérités ? Et, est-ce que nous pouvons continuer à fermer les yeux ou à minorer la profondeur des iniquités et des inégalités développées par notre société ?

Charles Gardou souligne une nouvelle posture vis-à-vis du design qui amène à « transformer notre culture pour faire advenir une communauté vraiment humaine, c’est ainsi autoriser les personnes en situation de handicap à exister au-delà des préjugés, en favorisant l’expression de leurs potentiels, de leurs désirs et de leur parole. Leur permettre à la fois de vivre et d’exister4. » Cette intention questionne : le design ergonomique peut-il être inclusif ? Et cet ouvrage permet de s’interroger sur la place et le statut de minorités tels que les handicapés, les personnes vulnérables et, plus largement, sur les phénomènes d’exclusions à travers le concept de société inclusive.

L’auteur écrit par exemple : « Le mouvement inclusif requiert de nouvelles Lumières pour se libérer définitivement de ce qui reste d’archaïsmes dans l’inconscient collectif, d’obscurantismes tenaces, d’impostures et de mystifications qui entourent le handicap. Le manque de savoirs objectifs, chose la mieux partagée en ce domaine, déforme le regard. [...] le premier rapport mondial sur le handicap le confirme : il crée des barrières à l’éducation, à l’emploi, à la participation et aux politiques sociales5. »

Il semble que le domaine du design, notamment ergonomique, peut dépasser ces barrières en faisant appel au mouvement inclusif. Par exemple, Le Dot Kiosk est né de l’idée d’affranchir la barrière, « barrier-free » signifiant « sans barrière ». Ce principe de kiosques est doté d'une interface utilisateur simplifiée pour faciliter son utilisation par des personnes de tous les âges et de toutes les nationalités. De plus, celui-ci permet de s’adapter à des différences de tailles physiques : une personne en fauteuil roulant, une personne de petite taille, et d’autres encores.

Ce propos nécessite tout de même de rester vigilant. Dans Le design comme lieu possible d’une fabrique poétique, Sophie Fétro analyse l’attitude consistant à s’affairer et nous met en garde6. L’invention d’un « tissu vivant » imprimé par une imprimante 3D, tout comme l’« émergence de la recherche en médecine personnalisée » consistent en des efforts louables. Mais ce n’est pas forcément le cas de toute invention liée au design ergonomique. Le design ergonomique n’est pas toujours inclusif.

Kang Hee LEE, Master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. GARDOU, Charles, La société inclusive, parlons-en !, Toulouse, Érès, coll. « Connaissances de la diversité », 2012, p. 13. 

  2. GARDOU, Charles, La société inclusive, parlons-en !, op. cit., p. 13. 

  3. Ibidem., p. 14. 

  4. Ibid., p. 120. 

  5. Id., p. 117. 

  6. Sophie FÉTRO, « Le design comme lieu possible d’une fabrique poétique », dans LARTIGAUD, David-Olivier, Objectiver, Saint-Étienne, Cité du design, ESAD, 2017.