HARA, Kenya, White, Baden, Lars Müller Publishers, 2008.

HARA, Kenya, Shiro, Baden, Chuokoron-Shinsha, 2008.

Dans White, Kenya Hara questionne les origines de la sensibilité de l'esthétique japonaise qui produit la simplicité et recherche une forme de subtilité à travers le concept du « blanc ». Il se demande comment le lien entre le « blanc » et « vide » se construit et comment le vide se manifeste dans le design.

L'auteur démontre alors que le « blanc » ne se rapporte pas uniquement à la couleur, car nous devons le concevoir au sens large du terme. Pour cela, il parle de la relation intrinsèque qui lie le blanc au concept d'espace, plus précisément au vide. En réalité, le mot japonais « kuhaku » (空白) (vide) se compose du mot « shiro » (白) (blanc). L'auteur cherche à montrer que cette esthétique repose sur une question de spatialité qui se manifeste essentiellement par le vide.

Il commence son argumentation en parlant de la couleur en tant qu'expérience sensorielle. La couleur n'est pas uniquement visuelle, mais elle sollicite tous les sens, parce qu'elle possède des qualités matérielles qui lui sont inhérentes comme la gradation de la lumière, ou bien la texture1 de son support. Pour appréhender la couleur, il nous faut convoquer tous ses attributs. Cependant, en ce qui concerne le blanc, cette couleur est perçue à la fois comme une « absence et une présence de toutes les couleurs2 ». Ce qui nous amène à dire, à l suite de Kenya Hara, que le blanc convoque des principes temporels et spatiaux que l'on peut retrouver dans des concepts tels que le « ma » qui évoque la non-existence, le zéro. L'outil qui exprime cette idée se retrouve dans la blancheur du papier.
C'est pour cela que, dans un second temps, l'auteur présente ce médium comme ayant un rôle important, car non seulement il reflète l'essence du blanc par sa matérialisation (couleur et support), mais il renvoie aussi à l'idée du vide. Selon le designer, le papier représente le catalyseur de la créativité dans la mesure où sa blancheur permet de stimuler le processus mental de l'humain3; ce qui est comparé à la toile blanche du peintre.
Par conséquent, le vide provoqué par le support vierge est un moyen d'accéder à notre imagination car il ouvre le champ des possibilités.
En dernier lieu, Hara estime qu' en ce qui concerne le design, tout est question de méthode de communication. Pour cela, il s'appuie particulièrement sur la communication non verbale, très utilisée au Japon. Celle-ci se base essentiellement sur un langage gestuel qui permet de transmettre plus de choses que les mots. Le silence de la parole est remplacé par le signe. Pour le designer, le signe n'est qu'un réceptacle permettant à chacun d'élaborer sa propre interprétation. Par exemple, il prend le signe du drapeau japonais, son cercle rouge signifie au Japon l'harmonie. Toutefois, ce n'est pas le cas dans d'autres pays comme la Chine, où le signe rappelle les horreurs de la guerre perpétrée par cette nation. Le signe ne possède pas par essence une interprétation. Ce qui nous amène à dire, en suivant notre auteur, que lorsque nous présentons un objet, le message doit être compris par tous, sans passer par le langage (l'absence de parole), l'intention du concepteur doit être comprise.

Plusieurs notions sont traitées à travers l'ouvrage dont la notion de corporalité d'une couleur, qui nous permet de comprendre la matérialité de la couleur en en tant que rapport sensible et émotionnel qui ne peut être défait de ses qualités. La notion de vide qui est intrinsèquement liée au blanc en tant que principe spatial, c'est à dire, à la fois, matériel et immatériel. Ainsi, l'idée du signe nous montre que, en tant que designer, nous devons transmettre un message avec clarté.

À travers White, Kenya Hara souhaite véhiculer un message essentiel, celui de la simplicité qui intervient tant au niveau de la forme qu'au plan de la traduction d'une idée. Cette exigence est particulièrement reprise dans le domaine du graphisme, notamment dans l'école du Bauhaus qui a enseigné ce goût de produire des formes épurées et fonctionnelles. Le style typographique international suisse s'accorde aussi avec cette préoccupation de la lisibilité et d'harmonie, que l'on retrouve dans la recherche de composition grâce à l'emploi de la grille. Il n'est pas surprenant que ce modèle iconique, qui surgit dans les années 1930, ait toujours autant de succès aujourd'hui, utilisé par de nombreux designers pour les qualités que notre auteur contribue à cerner.

Keïza IBO, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. Kenya HARA, White, Baden, Lars Müller Publishers, 2008, p. 3. 

  2. Ibidem., p. 8. 

  3. Ibid., p.16.