1. Définition

Le hardware désigne le plus couramment « les éléments matériels d’un système informatique » (Le Robert). Pour définir correctement le hardware il faut définir l’informatique :

« Science du traitement rationnel, notamment par machines automatiques, de l'information considérée comme le support des connaissances humaines et des communications dans les domaines technique, économique et social. »

Bulletin officiel de l'éducation nationale (BOEN), 26 février 1981, n^o\ ^8, cité par le CNRTL, TLFI, https://www.cnrtl.fr/definition/informatique

Le hardware est donc le matériel physique d’une machine de traitement des informations.

« Le hardware d'un système comprend les relations recherchées dans le champ. Les méthodes de traitement de l'information sont beaucoup plus efficaces quand le fonctionnement du matériel choisi correspond étroitement à celui des relations en cause. »

John Lionel, JOLLEY, Le traitement des informations, Paris, Hachette, 1968, p. 226.

2. De la langue d’origine au français

Le terme hardware est couramment utilisé en français et a donc été intégré comme tel sans changement de langue. On pourrait pourtant tenter de traduire le mot : il est la fusion de « hard » (dur) et « ware » (marchandise) et pourrait être littéralement traduit par : « article de métal, quincaillerie ».

« ce terme de hardware, qui signifie "quincaillerie" a été transposé mot à mot en français où il est devenu... quincaillerie. Pour ma part, je n’y vois pas d’objection, car quincaillerie est un mot bien français, encore que chez la plupart d’entre nous il évoque autre chose que des machines ou des équipements fixes ou mobiles. »

Paul, GELEFF, « De deux mots, il faut choisir... le meilleur. » dans Meta, vol.16, n°1-2, mars 1971, p. 74.

La traduction en français de « hardware » à « quincaillerie » semble logique, pourtant on ne l’utilise pas. Alors que l’anglais utilise sans soucis des termes industriels pour parler de l’informatique le français semble trouver ces termes désuets et ringards. Par exemple, dans la série Halt and Catch Fire (Cantwell & C. Rogers, 2014), les ingénieurs appellent la carcasse de l’ordinateur « the metal », terme que l’on retrouverait sans peine chez des ouvriers travaillant le métal. Une première explication de cette absence de traduction serait qu’en France, le matériel informatique doit paraître moderne et cette modernité vient d’ailleurs : des États Unis. Une deuxième pourrait venir du fait que l’ingénierie informatique étant un marché récent, qui apparaît dans une période de grande mondialisation, l’unification des appellations permet de simplifier l’organisation et la gestion de ce marché. De la même manière que les langages de programmation sont communs à tous pour pouvoir travailler de concert, cette unité se réalise aussi au niveau des composants.

3. Explicitation du concept et problématisation

Le concept de « hardware » ne peut être bien compris qu’en relation avec le « software » que l’on peut définir comme « l’ensemble des moyens d'utilisation, programmes, procédures, documentation d'un système informatique ».

« Les supports d'information, porteurs des enregistrements, et le matériel permettant de les conserver, les mouvoir, les marquer et les interpréter forment une part importante du système de traitement de l'information, dite "hardware". En regard, il y a l'ensemble des instructions pour l'arrangement, le rassemblement, le traitement et l'édition des informations enregistrées dans le matériel, dit "software". Hardware et software, matériel et méthode compose le système de traitement. Le moindre répertoire possède les deux, quoique le matériel soit très simple : une feuille de papier et un crayon, et que la méthode soit si évidente qu'elle ne soit jamais décrite. »

John Lionel, JOLLEY, Le traitement des informations, op. cit., « Méthode et matériel : "software" et "hardware" », p. 37.

Le hardware est le matériel destiné à recevoir les informations qui sont organisées par le software, la méthode. L'aspect physique de ce terme apparaît dans le fait qu'il est mémoire, support de l'information. Le concept de hardware est intéressant dans le cadre d'une analyse médiatique car il invite à voir les média sous un prisme particulier : comme vecteurs d'informations mais aussi comme vecteurs d'une méthode d'analyse et de manipulation des informations. En reprenant les termes de Jolley, un médium est à la fois hardware et software, et de manière indissociable puisque le hardware est conçu pour un software spécifique (et inversement) :

« Les méthodes de traitement de l'information sont beaucoup plus efficaces quand le fonctionnement du matériel choisi correspond étroitement à celui des relations en cause. »

John Lionel, JOLLEY, ibid, « Méthode et matériel : "software" et "hardware" », p. 40.

Le perfectionnement de la capture photographique est à la fois dû à un perfectionnement des méthodes de capture de la lumière (cellule photo-électrique) mais aussi à un changement drastique dans la manière de sauvegarder l'image (pellicule puis disque-dur). Le rapport de l'utilisateur au médium n'est plus le même, on peut photographier en plus grande quantité, on peut plus facilement les modifier, les manipuler : la photo devient plus accessible. L'argentique n'a pourtant pas disparu, elle offre un rapport au monde (et donc aux informations) différent, qui n'est pas dénué d'intérêt. Le médium argentique est resté et s'est différencié du médium numérique.

Kittler explique pourtant, dans un article intitulé « There is No Software1 », que cette distinction entre Hardware et Software n’a pas lieu d’être. En effet, la thèse de Church-Turing stipule que toute machine calculable, que l’on pourrait assimiler à l’ensemble hardware et software, peut être reproduit par une autre machine, le hardware peut se substituer à l’ensemble hardware et software précédent. Le software n’existant que dans un hardware spécifique, il n’est alors qu’une illusion, entièrement déterminée par le hardware. La thèse de Church-Turing s’appliquant à des machines théoriques, la seule réelle contrainte intrinsèque au hardware vient du fait qu’il est, par définition, physique. C’est seulement la technique qui détermine le hardware et donc le software.

L’intelligence artificielle est théorisée depuis les débuts de l’informatique théorique, bien que conceptuellement très puissante, elle demande un nombre de calculs et de mémoire si important que sa réalisation est restée longtemps impossible. De même qu’au début de l’informatique les ordinateurs mesuraient plusieurs mètres cubes, le matériel limite toujours les calculs réalisables sur machine, conduisant à l’apparition de l’algorithmique, une sous-branche de l’informatique qui étudie la complexité et donc la faisabilité réelle de programmes théoriques.

Le concept de hardware est donc pertinent et intéressant dans une analyse médiatique car il permet de comprendre le médium comme un système de traitement qui amène à « voir le voir » à la fois comme information et comme traitement et stockage de cette information. Cependant, comme Jolley l'évoque sans l'approfondir « le hardware d'un système comprend les relations recherchées dans le champ ». Le hardware, en plus de déterminer techniquement le traitement de l’information, contient plus qu'une simple interface destinée à accueillir et réaliser ce traitement. Son aspect purement technique et donc l’héritage, les méthodes qu’il emploie compte aussi en lui-même. Plus qu'un soucis d'utilisation, l'esthétique du hardware semble aussi importante. L'argentique, pourtant dépassé technologiquement en matière de photographie, continue d'être apprécié pour son esthétique. Les défauts de la pellicule, l'imprécision des capteurs ainsi que l’apparence générale de ce type d'appareil transportent une esthétique qui permet à ce hardware de continuer et d'être utilisé malgré sa mécanique datée.

Le hardware permet donc de penser le médium à la fois par les contraintes techniques auquel il est soumis mais aussi par le processus qui engendre ce dernier. En cela, et par l’aspect esthétique qu’il invoque, il offre une vision de choix sur le médium.

Corto Cristofoli, L3 Informatique, ENS de Lyon, supervisée par Occitane Lacurie, 2023-2024


  1. Kittler, Friedrich A.. "There Is No Software". The Truth of the Technological World: Essays on the Genealogy of Presence, Redwood City: Stanford University Press, 2014, pp. 219-229.