1. Définition

« La fonction marketing a beaucoup évolué depuis les premiers jours de la révolution industrielle1 » : telle est l’indication que l’on trouve dans l’article « Histoire du marketing » de Ernest Richard. Si le marketing renvoyait en effet, à l’origine, à la vente, il ne saurait être réduit à cette simple définition aujourd’hui. Le Larousse en propose la définition suivante :

« Ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l'égard des biens et des services, et d'adapter la production et la commercialisation aux besoins ainsi précisés ».

Dictionnaire Larousse, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/marketing/49526, consulté le 12 novembre 2022.

De cette définition usuelle, plusieurs aspects importants du marketing ressortent. Le marketing se fonde sur l’analyse et les résultats d’enquêtes des besoins, désirs et attentes des consommateurs pour définir des actions et adapter son offre commerciale. Le marketing permet donc une étude efficace et rationnelle du marché, mais ne s’arrête pas là. Dans notre société économique moderne, le marketing devient aussi une aide à la décision. Il s’agit d’ « un ensemble d'opérations commerciales interdépendantes destinées à concevoir des produits et des services, à en établir les prix, à en assurer la réclame et la distribution en vue de satisfaire les besoins de clients actuels ou futurs ».

STANTON, William J., « Marketing in the Economy » dans Fundamentals of Marketing, 1964, réed. « Histoire du marketing » dans L’Actualité économique, Traduction de Ernest RICHARD, 1965, p. 461.

Le marketing détient donc un pouvoir décisionnel sur l’aspect financier des produits, qu’il s’agisse du prix de commercialisation du produit ou du prix de revient opérationnel de ce même produit. En effet, le marketing affecte également la production et le design industriel, comme l’indique Jean-Charles LEBAHAR :

« Le marketing intéresse le design au moins à deux titres. D’une part, il capte par ses analyses de clientèle certaines images d’un produit ainsi que les statistiques de sa consommation potentielle, dans une aire géographique donnée. De l’autre, il oriente par ses diagnostics la conception et la fabrication de ce produit vers une stratégie commerciale de vente et de promotion ».

LEBAHAR, Jean-Charles, Le design industriel : sémiologie de la séduction et code de la matière, Marseille, éd. Parenthèses, 1994, p. 89.

Le marketing dispose donc d’une forte influence sur le consommateur, sur le marché, mais aussi sur les aspects technico-économiques du produit de design industriel. Le marketing permet l’étude des besoins du consommateur sans omettre de sélectionner avec minutie les matériaux du produit de design pour un meilleur prix de revient.

2. De l’anglais au français

Le terme « marketing » est, en réalité, un emprunt lexical de l’anglais. Le terme est officiellement traduit en français par celui de « mercatique », mais son usage n’a pas fait l’unanimité dans la sphère professionnelle. Cet emprunt lexical conserve donc la même définition, comme l’indique le Cambridge Dictionary qui définit le marketing comme : « the business activity that involves finding out what customers want, using that information to design products and services, and selling them effectively2 ».

Dictionnaire Cambride Dictionary, [en ligne], URL : https://dictionary.cambridge.org/dictionary/english/marketing, consulté le 12 novembre 2022.

Dès le milieu du XXe siècle, apparaît une suite d’ouvrages tentant de définir et d’analyser le « marketing », que ce soit sous un aspect théorique, technique, économique, ou encore, social. Dans la plupart des cas, il est possible de retrouver le rôle qu’a le marketing aujourd’hui :

« Marketing, through its studies and research, would establish for the engineer, the designer and the manufacturing man what the customer wants in a given product, what price he is willing to pay, and where and when it will be wanted. Marketing would have authority in product planning, production scheduling and inventory control, as well as the sales distribution and servicing of the product3 ».

General Electric Company Annual Reports, “Service Highlights”, 1952, p. 22.

Cette définition reprend toutes les missions clés du marketing, à savoir l’étude des besoins du consommateur, l’influence du marketing sur la conception, la fabrication et la production des produits de design industriel, sans omettre son pouvoir décisionnel sur les prix et la commercialisation. De l’anglais au français, le marketing conserve ses fonctions et son universalité. Il apparaît comme un pilier dans la production de design industrielle, et les étapes qui régissent le marketing sont partagées de tous. Il s’agit donc d’une notion uniforme et inscrite dans la pratique.

3. Explication du concept et problématisation

Jean-Charles Lebahar constate, dans Le design industriel : sémiologie de la séduction et code de la matière 4, une réelle synergie entre le marketing et le design industriel dans le développement du produit fabriqué en série. Pour l’expliquer, l’auteur se concentre sur les différentes missions du marketing dans cette création industrielle. Tout d’abord, le marketing analyse les caractéristiques « socio-économiques et psychologiques du comportement d’achat5 ». Cette étude passe par l’identification des besoins des consommateurs : besoin effectif et réel, objectif ostentatoire, ou simple désir d’acquisition. Le marketing s’attarde également sur « l’attitude » du consommateur, ainsi que les représentations symboliques du produit étudié ; le but étant d’établir une stratégie d’occupation du marché et d’adaptation à la diversité des besoins. De ces analyses, résultent la conception du produit. Le « marché potentiel total [du] produit6 » est alors segmenté de sorte à faire apparaître « une typologie socio-économiques7 », c’est-à-dire une cible. Des hypothèses de fabrication voient le jour, toujours sous le contrôle de la réalité économique (prix de revient, rapport qualité-prix) et des variabilités du marché (tendances, concurrences). Enfin, la commercialisation du produit s’organise, et ce, en trois étapes. Il s’agit notamment de sa promotion, publicité et vente compris ; de sa spatialisation, mise en valeur face au public ; et enfin, de son prix.

Le designer et le marketing envisagent les mêmes attributs du produit, à savoir ses caractéristiques physiques, fonctionnelles et symboliques, son entretien, ainsi que sa durabilité sur le marché. Afin que le produit de design industriel ne soit pas obsolète, tous les aspects symboliques et opérationnels sont décortiqués. La conception du produit constitue donc une étape cruciale pour les deux professionnels. Par ailleurs, designer et marketing se complètent : l’un en fournissant des analyses de marché stratégiques permettant de faire face à la concurrence, l’autre en fabriquant un produit à la fois intime et universel, capable de défier les codes de la mode et l’instabilité des tendances. Cette synergie permet d’atteindre une grande efficacité technique, une excellence créative, et surtout, la création d’un produit durable. Cette complémentarité est déjà relevée dans les écrits du XXe siècle. Ainsi, Jacques Viénot juge « l’esthétique industrielle » compatible avec le commerce et la vente, et l’inscrit même dans sa charte Les Lois de l’esthétique industrielle8, notamment sous la onzième loi intitulée « loi commerciale ». Dans cette loi, celui-ci donne la primauté à la conception. La commercialisation du produit industriel est certes primordiale et en accord avec les objectifs du design industriel, mais la beauté et la fonctionnalité du produit gardent la primauté. La conception prévaut sur le commerce.

Marketing

Figure 1. Le marketing dans la conception, production et commercialisation du produit de design industriel, Célia OUTEMZABET

Célia OUTEMZABET, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.


  1. RICHARD, Ernest, « Histoire du marketing » dans L’Actualité économique, vol. 41 n°3, Paris, 1965, p. 461. 

  2. « Le marketing est l'activité commerciale qui consiste à découvrir les besoins des consommateurs, à utiliser ces informations pour concevoir des produits et des services, et à les vendre efficacement » ; traduit par nos soins. 

  3. « Le marketing, par ses études et ses recherches, établirait pour l'ingénieur, le concepteur et le fabricant ce que le client veut dans un produit donné, quel prix il est prêt à payer, et où et quand il le voudra. Le marketing aurait autorité sur la planification des produits, la planification de la production et le contrôle des stocks, ainsi que sur la distribution des ventes et l'entretien du produit » ; traduit par nos soins. 

  4. LEBAHAR, Jean-Charles, Le design industriel : sémiologie de la séduction et code de la matière, Marseille, éd. Parenthèses, 1994. 

  5. LEBAHAR, Jean-Charles, Le design industriel : sémiologie de la séduction et code de la matière, op. cit., p. 90. 

  6. Ibidem, p. 91. 

  7. Ibid., p.91. 

  8. VIENOT, Jacques, « loi commerciale » dans Les lois de l’esthétique industrielle, 1952.