BÉGOUT, Bruce, Le concept d'ambiance - Essai d'éco-phénoménologie, Paris, Seuil, Ordre Philosophique, 2020.

Dans Le concept d'ambiance - Essai d'éco-phénoménologie, Bruce Bégout cherche à éclairer le concept d' « ambiance », en le différenciant d'autres concepts, comme celui d'atmosphère, ainsi que d'autres définitions utilisées par les professionnels du marketing ou du spectacle, comme les scénographes urbains et les nudge marketers .

Selon l’auteur, plutôt qu’une « atmosphère conviviale qui confère à un moment et à un lieu une animation joyeuse et entraînante », que l'on peut produire et manipuler en agençant des éléments sensibles, l'ambiance ne se produit pas et ne se décrète pas. Les hommes créent des ambiances partout et tout le temps, sans le savoir, car l'ambiance — phénomène qui n'a ni cause ni fin — transcende les conditions de sa production. Contrairement à l'atmosphère, qui est fluctuante, transitoire, et multiple, l'ambiance révèle l'unité supérieure du monde, l'ambiance est primitive, stable, fondamentale.

Le concept d'ambiance de Bégout s'inspire de la notion de Stimmung, (tonalité affective), qui vient de la phénoménologie. Il compare l'ambiance au pneuma (πνεῦμα), l'air ou l’esprit que l’on respire et qui nous enveloppe, devenu un Éco-phénomène, un milieu qui nous entoure mais aussi une caractéristique interne de l'environnement. L'ambiance enveloppe et incorpore, et pourtant n'est pas un objet avec lequel l’on interagit : c'est directement le résultat de l’expérience du sensible. L’ambiance de Bégout n'est pas comme la rencontre entre une humeur, un monde et leur entrelacement, mais comme la manifestation affective non-dualiste.
Il clarifie également le rôle de l'espace dans le concept d'ambiance, en se référant à la philosophie de la perception et à la Gestalt, qui nous a montré que nous n'expérimentons pas les sensations séparément, mais les significations dans leur ensemble, un tout. Il nomme flair cette compréhension intuitive des tons. En tant que telle, l’éco-phénoménologie de l'ambiance prend le sens primitif et intuitif de l'espace : une tonalité par les essences. Par conséquent, sans espace objectif, l'espace de l'ambiance n'a pas de limite, il est fluide et insaisissable, mais très local, car il est spécifique et inséparable de la situation. En tant que structure locale de l'essence, l'ambiance est éphémère, modulaire, et hétérogène.
Dans la deuxième partie du livre, il parle de la dynamique de l'ambiance. Sans ajout d'éléments artificiels, comme les lumières ou les odeurs, la subjectivité des personnes apporte l'ambiance elle-même, manifestant une empathie universelle, ou unipathie. Il ne s'agit ni d'une réunion d'ambiances individuelles (aura), ni de l'unité traditionnelle d'un collectif, mais d’un commun, d'une contagion affective, où chaque individu est intégré, mais pas synthétisé. Ce processus ne se fait pas par une socialisation active, mais c’est un fond affectif partagé et inconscient. Cette ambiance devient le cadre dans lequel nous vivons, nous donnant des impulsions et des suggestions d'actions.
Pour conclure, l'auteur interroge la fabrication des ambiances. Selon lui, créer des ambiances est impossible. S’il est possible de les préparer, il y aura toujours un écart décevant : l'ambiance créée artificiellement restera au niveau esthétique et non à la profondeur réelle de l'ambiance organiquement constituée.

L'ambiance se détourne du spectacle et du marketing, et se tourne davantage vers l'implication sociale. Pour étudier l'ambiance, il faut tenir compte des expériences immédiates des gens et surtout de leurs expériences émotionnelles. Comme avec la théorie du design social, il s'agit de vivre ensemble et de participer à la vie sociale, en se concentrant sur la fonction sociale d’un service plutôt que sur la valeur esthétique d’un objet.

Angel SUN, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.