1. Définition 

Comment définir « l’architecture moderne ? » Le Larousse évoque les caractéristiques physiques et esthétiques de cette architecture : « L'architecture moderne représente un type de construction spécifique et reconnaissable, caractérisé par l'emploi de matériaux industriels – surtout l'acier, le verre et le béton – dépourvus d'ornementation et assemblés de manière à former des volumes géométriques simples, librement disposés dans l'espace1. » Le Corbusier précise quant à lui a caractéristique principale de l'architecture moderne quand il écrit :

« L'architecture moderne est caractérisée par une utilisation créative des formes géométriques simples et des matériaux modernes tels que le verre, l'acier et le béton armé. »

Le Corbusier, Vers une architecture, Paris, G. Crès et Cie, coll. Les Éditions d'art Charles Moreau,1923.

Auguste Perret aborde enfin l'objectif de l'architecture moderne :

« L'architecture moderne a pour but de créer des espaces fonctionnels, répondant aux besoins de la vie contemporaine, en utilisant les matériaux et les techniques les plus avancées. »

Auguste Perret, Ecrits sur l'architecture, Paris, Éditions Vincent, Fréal et Cie, 1929.

Ces différentes définitions mettent en avant l'utilisation de matériaux modernes, la créativité des formes géométriques simples, la fonctionnalité des espaces et la subordination de la forme à la fonction. Retenons que l’architecture moderne est une notion complexe, qui recouvre à la fois une esthétique, une technologie et une philosophie de la construction.

2. Du français à l’anglais

Le terme « architecture moderne » est apparu au XXe siècle pour désigner les nouveaux courants architecturaux qui émergeaient à cette époque. En anglais, il se traduit par « modern architecture », et le sens semble similaire d'une langue à l'autre. D'autres termes tels que « Mouvement moderne » ou encore « Architecture minimaliste » peuvent se rapprocher du concept d'architecture moderne, mais sont inclus dans le terme plus général d'architecture moderne. Bien que la notion d'architecture moderne ne pose pas de problème de traduction, elle renvoie à des systèmes de classification des pratiques architecturales qui peuvent être questionnés. Le terme a été utilisé pour la première fois par l'architecte suisse Le Corbusier dans son livre Vers une architecture, publié en 1923, où il a exposé sa vision d'une architecture nouvelle, fonctionnelle et adaptée aux besoins de la vie moderne. Depuis, le terme est couramment utilisé pour désigner les mouvements architecturaux du début du XXe siècle. Toutefois, dans son ouvrage Walter Gropius et le Bauhaus, Giulio Carlo Argan utilise le terme « architecture moderne » pour se référer spécifiquement au mouvement du Bauhaus, centré en Allemagne dans les années 1920 et 1930.

3. Explication du concept

L'architecture moderne naît au début du XXe siècle dans un contexte de changements techniques, sociaux et culturels liés à la révolution industrielle et en réponse à la destruction massive causée par la Première Guerre mondiale et à la nécessité de reconstruire des villes et des infrastructures. Dès 1923, Adolph Behne et Walter Gropius sont les premiers à formuler l’existence d’une architecture moderne internationale, indépendante des dispositifs locaux ou nationaux, des Académies ou des Écoles2. Ce mouvement architectural entend traduire le dynamisme de l’époque par le rationalisme et le fonctionnalisme. De plus, ce mouvement a également cherché à s'émanciper des styles architecturaux traditionnels pour créer un langage visuel nouveau et progressiste, en accord avec les valeurs sociales et culturelles de son époque. Elle repose donc sur trois principes fondamentaux : fonctionnalisme, rationalisme et originalité de la forme principes propres à l’architecture Bauhaus. Elle a été influencée par des mouvements artistiques tels que le cubisme et le futurisme, ainsi que par les avancées technologiques de l'époque, telles que la production de masse et la construction en série. En effet, l'architecture moderne cherchait à créer une expérience architecturale plus immersive et expressive, qui reflétait mieux la réalité vécue par les individus. Cela impliquait de se libérer des conceptions traditionnelles de l'architecture pour explorer de nouvelles voies et de nouvelles formes d'expression. La notion d'architecture moderne, telle que présentée dans Walter Gropius et le Bauhaus, se réfère à une approche novatrice de la conception architecturale qui est née en Europe et qui a eu un impact majeur sur l'architecture mondiale. Walter Gropius visait à créer un langage visuel universel et à améliorer la qualité de vie des gens à travers l'architecture. Dans une volonté de devenir une norme internationale, l’architecture moderne se caractérise par une approche fonctionnaliste, qui privilégie l'adéquation entre la forme et la fonction d'un bâtiment. Elle était associée à une approche analytique de la fonction des bâtiments, à une utilisation strictement rationnelle des matériaux (souvent nouveaux), à l’innovation structurelle et à l’élimination de l’ornement et des styles traditionnels. Pour les architectes modernes, la fonctionnalité était le critère le plus important dans la conception d'un bâtiment, et la forme devait découler naturellement de cette fonction.

4. Problématisation

Cette notion nous invite à nous interroger sur la volonté d’universalité de l’architecture moderne. La reconstruction dans les années 1920 a été marquée par une tentative de standardisation et d'universalisme, qui visait à rétablir l'ordre et la stabilité après la Première Guerre mondiale. L'universalisme dans l'architecture moderne fait référence à l'approche de l'architecture qui se concentre sur la fonctionnalité, la simplicité et la rationalité. Il s'agit d'une approche qui s'efforce de répondre aux besoins de la société moderne en utilisant des technologies avancées et des matériaux innovants pour créer des espaces de vie et de travail efficaces, esthétiques et accessibles à tous. L’Architecture moderne n’était cependant pas seulement un nivellement des techniques et des formes, mais l'instrument et l'image d'une nouvelle organisation sociale3. Sous couvert de règles et créations «universelles » on vise en réalité à l'époque à éliminer les différences, les aspérités culturelles, toute trace d'humanité voire de vie. Cette idée se répand et traverse une grande partie de l’histoire de l’architecture. Il convient de préciser qu’après la fermeture du Bauhaus en 1933, de nombreux architectes et enseignants ont émigré vers d'autres pays, notamment les États-Unis et l'Angleterre, où ils ont continué à diffuser les idées Modernistes. En effet, l'universalisme architectural est une idée qui suggère que l'architecture doit être comprise de manière universelle, indépendamment des différences culturelles et sociales. Cependant, cette idée paradoxale peut causer l'exclusion, car la véritable universalité n'existe pas. Elle est fantasmée à travers des prismes culturels et sociaux qui créent nécessairement des variations selon les cultures, et elle relève d'un concept fantasmé puisqu'il est impossible de l'atteindre. D'une part, la quête de l'universalisme de l'architecture moderne a été marquée par une approche homogénéisante qui a souvent ignoré les particularités culturelles, régionales et sociales. D'autre part, la véritable universalité ne consiste pas à créer un modèle architectural unique qui s'applique à tous les contextes et à toutes les cultures, mais plutôt à chercher à comprendre les besoins, les préférences et les aspirations des différentes cultures et à créer des espaces qui répondent de manière sensible et appropriée à ces besoins. Cela soulève la question suivante : comment les architectes peuvent-ils concevoir des bâtiments qui répondent aux exigences universelles tout en respectant les spécificités de chaque lieu ?

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Figure 1. Architecture moderne, Bita MALEKIAN

Bita MALEKIAN, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2023-2024. 


  1. Dictionnaire Larousse, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/architecture_styles_et_courants/185954, consulté le 26/03/2023. 

  2. Gérard, Monnier, Une modernité internationale (1918-1940), Paris, Éditions Hazan, coll. Bibliothèque des Arts, 2001, p. 20. 

  3. ARGAN, Giulio Carlo, Walter Gropius et le Bauhaus, Paris, Denoël/Gonthier, traduit par Elsa BONAN,1979, p. 9.