1. Définition

Le « design thinking », en français « démarche design » ou « conception créative », désigne une « méthode de conception de produits qui inclut des processus créatifs intégrant l’utilisateur final de l’objet produit1 ». Néanmoins, le terme demeure le plus souvent non traduit. Les origines de cette notion remontent aux années 1960-1970 aux États-Unis avec les travaux d'une première génération de chercheurs qui ont élaboré un nouveau champ de recherche : « la recherche en design ».

Le design thinking est plutôt un ensemble de principes, c’est pourquoi il est difficile de le définir de manière concise. On peut tout de même retenir que le design thinking consiste à « [...] décloisonner les modes de pensée pour progresser et aboutir efficacement à l’achèvement d’un produit, d’un service2. »

L'une des définitions les plus utilisées aujourd'hui, qui expose également les trois critères qui participent à la validation d'une idée, à savoir la désirabilité, la faisabilité et la viabilité, est celle proposée par Tim Brown. Il s’agit d’« une discipline qui utilise la sensibilité, les outils et les méthodes des designers pour permettre à des équipes multidisciplinaires d’innover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs, faisabilité et viabilité économique3. »

Par conséquent, il faut retenir que le « design thinking » est un processus complexe composé de plusieurs étapes, qui vise à innover des produits en fonction des désirs des utilisateurs.

2. De l’anglais au français

Le terme design thinking a été importé de la langue anglaise, étant composé de design (design/conception) et thinking (pensée), où le design vise l’ « esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et adaptées à leur fonction4.» Une des traductions françaises de cette notion est : « démarche inspirée du design5 ». Pour mieux saisir la notion, on peut remonter à son origine. Il semble que le terme design thinking est apparu cependant écrit pour la première fois en 1987, comme le note Tiphaine Gamba :

« En 1987, Peter Row  emploie pour la première fois ce terme dans son ouvrage Design Thinking pour désigner les méthodes et les approches utilisées par les architectes et les urbanistes afin de donner forme à des idées de bâtiments et d’espaces publics. À la même période, Donald Norman formalise la notion de «design centré sur l’utilisateur » (« user-centered design ») qui constitue l’un des fondements du design thinking. »

Tiphaine, GAMBA, D’où vient la « pensée design » ? , I2D - Information, données & documents 2017/1 (Volume 54), p. 30-32.

Le design thinking est donc centré sur l’humain, c'est en quelque sorte une étude complexe, voire empathique, pour créer un produit le plus efficace possible. Idée que l'on retrouve dans les propos de Tim Brown :

« Design thinking begins with skills designers have learned over many decades in their quest to match human needs with available technical resources within the practical constraints of business. By integrating what is desirable from a human point of view with what is technologically feasible and economically viable, designers have been able to create the products we enjoy today » .

Tim, BROWN, Change by Design, Introduction, Interaction Design Foundation, consulté le 13 novembre 2022. https://www.interaction-design.org/literature/article/what-is-design-thinking-and-why-is-it-so-popular

3. Explication du concept

Le processus de design thinking, collaboratif par nature, comporte cinq étapes importantes : observation, définition, brainstorming , prototypage rapide, implémentation. Mais ces étapes ne doivent pas nécessairement être suivies dans un certain ordre, le design thinking étant un processus itératif, c’est-à-dire : répétitif, permettant de revenir plusieurs fois sur une ou plusieurs étapes. Une autre caractéristique importante de ce concept est l'accent mis sur les intérêts de l'utilisateur ou, en d'autres termes, le fait d’être centré sur l'humain, comme l'ont noté Tim Brown et Donald Norman, qui a même utilisé le terme d’ « user-centered design » ou comme l’on retrouve chez Alain Findeli et Rabah Bousbaci dans l’article «L'éclipse de l'objet dans les théories du projet en design », où ils traitent des trois types principaux des modèles théoriques d'éclipse de l'objet. De leur réflexion l émerge en effet l'idée que le design d'objet n'est plus prioritaire pour le domaine du design et, qu’au contraire, les designers acteules se préoccupent de faire du design sur et pour les gens, ça veut dire le design centré sur les acteurs.

Dans son ouvrage Design, form, and chaos, Paul Rand n'utilise pas le terme design thinking en soi, mais il met en évidence les étapes caractéristiques du processus de création d'un design de qualité, notamment dans les chapitres où il explique la création des logos pour Next, The Limited, IBM, etc . Ses explications démontrent une fois de plus que le processus de création d'un design est particulièrement complexe et implique une multitude de facteurs dont il faut tenir compte.

Notons que l’idée n’est peut-être pas nouvelle. Les critères poursuivis par le design thinking se trouvent déjà chez Jacques Viénot dans « La Charte de l’esthétique industrielle ». Par exemple, la viabilité pourrait correspondre à la loi d’évolution et de relativité ; la faisabilité à la loi de hiérarchie ; la finalité ou à la loi commerciale ; la désirabilité à la loi d’harmonie entre l’apparence et l’emploi.

4. Problématisation

Le facteur qui distingue cette méthode et la rend innovante est exactement ce qui est aussi bouleversant : la caractéristique d’être centrée sur l’humain et pas sur l’objet. D'une part, cette méthode peut offrir des résultats inattendus et originaux, d'autre part, cette focalisation sur l'expérience humaine peut être instable et donner des réponses contradictoires. De plus, le design thinking a un caractère collaboratif, qui peut disperser les opinions. Paul Rand, lui aussi critique en quelque sorte le travail de l'équipe, étant d'avis que : « Le design est une créativité individuelle, dont la source est l'impulsion créative de l'individu. Le travail en groupe, bien que parfois utile, prive le designer du plaisir de faire les choses personnellement et de se réaliser. Il peut même être préjudiciable au processus de réflexion, car le travail se déroule dans un environnement non naturel et tendu - il se peut qu'il n'y ait pas assez de temps pour développer une idée, ou que l’idée n'émerge pas du tout ».

De cette façon, l'avantage d'être en équipe peut se transformer en désavantage au niveau individuel.

Design_thinking

Figure 1. Cinq étapes du processus de design thinking, Daniela Vrabie.

Daniela VRABIE, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.


  1. https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/design-thinking, consulté le 11 décembre 2022. 

  2. PERRIER, Jérôme, « Qu’est-ce que le design thinking ? », Commentcamarche.net, septembre 2017. 

  3. Tim, BROWN, Change by Design, Introduction, Interaction Design Foundation, consulté le 13 novembre 2022, cf.https://www.cairn.info/revue-i2d-information-donnees-et-documents-2017-1-page 30.htm#:\~:text=1Les%20origines%20du,recherche%20%3A%20la%20recherche%20en%20design. 

  4. Le Robert, https://dictionnaire.lerobert.com/definition/design : consulté le 13 novembre 2022. 

  5. Vocabulaire de l'éducation et de l'enseignement supérieur (liste de termes, expressions et définitions adoptés), Légifrance, consulté le 13 novembre 2022

    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038736904