1.Définition

La notion de game studies est récente et n'apparaît pas dans des dictionnaires de la langue française. Mathieu Triclot, l’auteur de Philosophie des jeux vidéo, définit les game studies comme « un ensemble de recherches, essentiellement d’origine anglo-saxonne, consacrées spécifiquement aux jeux vidéo ». Il précise que les game studies connaissent « une division entre les approches dites "narratologiques" centrées sur les formes du récit et les approches "ludologiques" centrées sur les formes du jeu. »
Mathieu TRICLOT, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Zones, 2011 ; rééd. Paris, La Découverte Poche, 2017, p. 21.

Quelle que soit l’approche, les jeux restent le sujet exclusif des études qui lerus sont consacrées sous ce terme. L’extrait suivant permet néanmoins de mieux saisir la complexité de ce type d’étude.

« Plusieurs catégories de recherches composent actuellement les game studies. La première, sous la bannière des sciences humaines, réunit les travaux en communication, en sociologie, en anthropologie, en psychologie et, dans une moindre mesure, en économie, en sémiologie et en histoire. La seconde, beaucoup plus opératoire, rassemble tous les écrits des concepteurs de jeux vidéo (et leur étant explicitement dédiés). Enfin, la troisième rallie les études narratologiques et ludologiques sur ces médias numériques. ».

Julien RUEFF, « Où en sont les "game studies" ? », Réseaux, vol. 151, no. 5, 2008, p. 139-166 ; [consultation le 28 octobre 2021]. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2008-5-page-139.htm.

Il faut donc retenir que les études sur les jeux vidéo sont vastes, elles peuvent êtres techniques, spatiales, temporelles ou sociales.

2.De l’anglais au français 

La traduction de l’anglais au français du concept game studies est compliquée. En anglais ce sont deux notions qui se traduisent en français par « science des jeux ». En comparant game studies et sa traduction « science des jeux », on remarque que la traduction n’est pas littérale. Néanmoins, même si cette traduction est celle utilisée en français, je pense que nous pourrions également traduire games studies par « étude des jeux vidéo » ou bien « analyse des jeux vidéo ». Ces deux traductions portent plus l’accent sur un aspect de recherche sur le domaine du jeu. Les extraits des textes anglais suivants évoquent aussi la difficulté de cerner les domaines d'études des game studies. Les champs d’étude étant vastes, il est difficile de se focaliser seulement sur un domaine.

« To make things more confusing, the current pseudo-field of "new media" (primarily a strategy to claim computer-based communication for visual media studies), wants to subsume computer games as one of its objects1. »

Et :

« Some would argue that the obvious place for game studies is in a media department, but given the strong focus there on mass media and the visual aesthetics, the fundamentally unique aspects of the games could easily be lost2. ».

Espen AARSETH, "Computer Game Studies, Year One", Revue Game Studies, vol. 1, no. 1, juillet 2001 ; [consultation le 28 octobre 2021]. Disponible sur : http://www.gamestudies.org/0101/editorial.html.

« Game studies proves itself to be a strong force, especially in its productive use of political economy to analyse games and gaming as a(new) cultural form3. »

Et :

« Game studies is not the study of (the use of) digital media, computers or internet. […] it is more useful to understand game studies as a decade old invention that came into being with electronic, video and computer games as cultural form4. »

David B. NIEBORG, et Joke HERMES, "What is game studies anyway?", European Journal of Cultural Studies, vol. 11, no. 2, mai 2008 ; [consultation le 28 octobre 2021]. Disponible sur : https://doi.org/10.1177/1367549407088328.

Le jeu vidéo présente une dimension culturelle et une interaction avec d’autres genres artistiques. Par exemple, il existe des jeux vidéo d’apprentissage.

3.Explication du concept 

Game Studies est un concept qui émerge à la fin du XXe siècle et qui se développe en même temps que les jeux vidéo. Des revues scientifiques leurs sont entièrement consacrées telle que la revue scientifique Game Studies5 lancée en 2001 par Espen Aarseth. Grâce aux game studies, les jeux vidéo deviennent un véritable sujet de recherche. Les game studies envisagent les jeux vidéo sous un angle pluridisciplinaire et elles se composent de différentes catégories de recherches. Elles analysent les actions effectuées par le joueur, les joueurs et la culture qui les entoure. Les dimensions culturelles, esthétiques, sociales sont importantes, mais l’objet qu’est le jeu vidéo en tant que tel est aussi analysé avec un intérêt pour sa structure et sa spécificité. Les chercheurs qui se consacrent aux games studies viennent par conséquent de diverses disciplines : informatique, mathématiques, économie, sociologie et psychologie. Le champ d’études est un terrain étendu à multiples facettes car le jeu vidéo est un jeu très particulier qui se joue par écran interposé. Par rapport à l’écran : on peut donc étudier de manière concrète la structure du jeu, son mode d’emploi mais également s’attacher à des notions plus compliquées à cerner tels que l’engagement ou bien l’addiction du joueur face aux jeux.

4.Problématisation

Concernant les game studies, la majorité des publications sont anglo-saxonnes. Il y a très peu d’études en français et lorsqu’il y a des publications, c’est le terme anglais « game studies » qui est utilisé et pas la traduction française. Sa définition est difficile à cerner tant les sujets étudiés sont disparates. Même en anglais, les études sur les jeux vidéo sont récentes et les questions abordées sont vastes et pluridisciplinaires. Le terme renvoie à plusieurs domaines : informatiques, sociologiques, linguistiques, économiques… Il faut distinguer les écrits de ceux qui conçoivent les jeux vidéo et les travaux d’universitaires ou scientifiques sur les approches dites « narratologiques » et « ludologiques ». Ces études sont importantes car à travers les jeux vidéo, elles posent un questionnement sur les univers numériques qui pénètrent notre quotidien et se développent avec les avatars6. Les jeux vidéo sont un loisir populaire qui a connu une diffusion spectaculaire renforcée lorsque les jeux ont pénétré dans nos salons mais encore plus depuis que ces derniers sont mobiles et omniprésents sur nos écrans portables. La frontière entre le monde réel et virtuel s’amincit. Les game studies se rapprochent du domaine du design par différents aspects. Tout d’abord, dans l’esthétique des jeux et surtout dans l’engagement des joueurs. Ils vivent des expériences numériques tout comme les consommateurs de marques achètent « une expérience » et pas un simple objet. Deuxièmement, les game studies peuvent être mises en parallèle avec l’ouvrage Design et humanités numériques7 d’Anthony Masure. Il est important de comprendre l’impact des technologies sur l’être humain. Le joueur développe un engagement et parfois une addiction face à l’écran des jeux vidéo qui n’existe pas dans son rapport à des jeux traditionnels sans écran. Il peut jouer à l’infini seul ou en réseau sans jamais penser à s’arrêter.

Viktoria CUELLO, Master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. Proposition de traduction : « Pour rendre les choses plus confuses, le pseudo-domaine actuel des "nouveaux médias" (principalement une stratégie visant à revendiquer la communication par ordinateur pour les études sur les médias visuels), veut inclure les jeux informatiques comme l'un de ses objets. ». 

  2. Proposition de traduction : « certains diront que la place évidente pour les études sur les jeux est dans un département média, mais étant donné la forte concentration sur les médias de masse et l'esthétique visuelle, les aspects fondamentalement uniques des jeux pourraient facilement être perdus. ». 

  3. Proposition de traduction : « Les études sur les jeux se révèlent être une force puissante, en particulier dans son utilisation de l'économie politique pour analyser les jeux et le jeu en tant que (nouvelle) forme culturelle. » 

  4. Proposition de traduction : « Les études sur les jeux ne sont pas l'étude (l'utilisation) des médias numériques, des ordinateurs ou d'Internet. [...] il est plus utile de comprendre les études sur les jeux comme une invention vieille de dix ans qui a vu le jour avec les jeux électroniques, vidéo et informatiques comme forme culturelle. » 

  5. Voir le site : http://gamestudies.org ; [consultation le 28 octobre 2021]. 

  6. L’avatar est un personnage virtuel que l'utilisateur d'un ordinateur choisit pour le représenter graphiquement, dans un jeu électronique ou dans un lieu virtuel de rencontre. Larousse, dictionnaire en ligne, [consultation le 16 décembre 2021]. 

  7. Anthony MASURE, « Dispositifs et appareils », Design et humanités numérique, Paris, B42, coll. « Esthétique des données », chapitre 5, p. 91-109.