1. Définition
Le « ProDesign » est un concept proposé par Jacques Bosser. Il l’introduit comme substitut au mot « design », qui selon lui est désormais usé, et soutient que cette notion s’applique à une nouvelle catégorie réservée au design d’innovation et d’invention. Dans son ouvrage intitulé Prodesign, éloge du design utile, il le définit comme « une démarche, une attitude de création axée sur l’innovation1 ». De façon plus précise, il énonce que « est ProDesign un objet qui répond à un certain nombre de critères de qualités concrètes, aisément appréciables, dont chacun et en particulier l’utilisateur peut juger2 ». L’objet doit donc être utile, durable, bien conçu et réparable, innovant, accessible, ergonomique et facile à utiliser. L’esthétique de l’objet ne doit pas être plus importante que son honnêteté et sa fonctionnalité.
Bosser souligne la responsabilité morale du designer à concevoir un objet Prodesign en indiquant que :
« entre le designer et le consommateur devrait exister ce type de contrat quasiment moral : ce que vous achetez est ce que l’on peut faire de mieux dans l’état actuel des techniques et en fonction de son prix. En d’autres termes, le Prodesign est une recherche d’excellence, au service non pas du luxe mais de tous3».
BOSSER, Jacques, ProDesign éloge du design utile, Paris, Editions de la Martinière, coll. DesignDeco, 2007, p. 114 et 192.
2. Du français à d’autres langues
La notion est proposée par Jacques Bosser qui est un artiste contemporain français. Aucune étymologie n’est expliquée et il s’avère que ce mot peut être repris en anglais vu que le mot « design » et le préfixe « pro » sont quasiment utilisés de façon similaire dans plusieurs langues.
Etant donné que la traduction du terme ne pose pas problème, il peut être important de signaler que l’enjeu de ce concept n’est pas linguistique mais tient à l’influence recherchée : la proposition du concept du « ProDesign » émane essentiellement d’un point de vue subjectif sur la consommation du XXIe siècle.
3. Explication du concept
Le concept du ProDesign est jusqu’à aujourd’hui une proposition de Jacques Bosser : il n’a pas été théorisé et utilisé par ailleurs. Il est présenté dans ProDesign éloge du design utile comme étant un néologisme qui reprécise les frontières du design. Bosser s’appuie sur une citation de Jean Luc Godard qui dit que « quand un mot a perdu son sens, il faut en changer » et c’est parce qu’il voit que le mot «design» est devenu usé et qu’il lui incombe de réagir contre le « tout design » qu’il fallait lui trouver une nouvelle dénomination.
Pour Bosser, le ProDesign ne s’appliquerait qu’au design d’innovation et d’invention, et à la réinterprétation d’un produit et de ses usages. Il écrit en effet : « cette approche s’applique à des produits qui représentent une novation absolue ou un progrès par rapport à des produits existants4 ».
Donner place au ProDesign c’est dès lors une manière de penser la création responsable, inventive et sociale dans la mesure où celle-ci répond à un certain nombre de critères et de qualités concrètes tels que l’utilité, la sécurité, la durabilité, le coût et la facilité d’emploi, voire l’esthétique, l’ergonomique et « un modèle d’écologie ».
Le concept du ProDesign s’inspire du manifeste du « Good Design ». Initié dans les années 1950, ce concept-là peut servir de base à celui de ProDesign. Bosser stipule que le « Good Design » ne comptait pas l’écologie vu que ce n’était pas une réelle préoccupation à l’époque. Ainsi, en ajoutant cette dimension écologique, il met l’accent sur notre environnement du XXIe siècle et sur la responsabilité des designers grâce à la sensibilisation à un fort besoin d’objets ProDesign.
Pour Bosser, mettre en avant ce concept démocratisera la pratique des designers, les poussera à innover tout en impliquant leur engagement et leur responsabilité. Il leur apportera une dimension éthique et collective que le Corbusier et les enseignants du Bauhaus tendaient à instaurer en parlant d’honnêteté.
Le ProDesign renouvellerait ou ferait donc émerger de nouvelles problématiques dans le champ du design. Il dévoile la superficialité des exigences du marketing et de la communication qui ont fait du design un effet de mode. En effet, Bosser dans un interview pour le magazine Les Echos explique qu’il est « en guerre contre la dictature de la nouveauté5 ». Le ProDesign invite à repenser le processus de conception et la conduite des designers. Il propose de mettre en exergue le contrat moral qui doit exister entre ces derniers et le consommateur constituant une éthique responsable. Théoriser cette notion et l’appliquer serait de réinventer un cadre de pratique propre au designer pour revenir à des produits qui participeraient à la démocratisation d’un domaine plus noble, plus honnête.
Leila MASMOUDI, Master 2 « Design, Arts et Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
-
BOSSER, Jacques, ProDesign éloge du design utile, Paris, Editions de la Martinière, coll. DesignDeco, 2007, p. 114. ↩
-
BOSSER, Jacques, ProDesign éloge du design utile, op. cit., p. 114. ↩
-
Ibidem., p. 192. ↩
-
Idem., p. 114. ↩
-
Les Echos, « Jacques Bosser ». lesechos.fr, 12 octobre 2007 : http://archives.lesechos.fr/archives/2007/SerieLimitee/00057-042-SLI.htm, consulté le 20 janvier 2021. ↩