1. Définitions

On constate que le terme « Collage » recouvre des définitions différentes en fonction du domaine où il est pratiqué :

« A –

Action de coller des choses quelconques, résultat de cette action.

B –

1. Usage de la colle pour assembler

a) Céramique : Fixation de deux pièces au moyen de barbotine épaisse

b) Peinture : Composition surréaliste ou cubiste exécutée au moyen de diverses matières (le plus souvent papiers découpés) collées sur une toile ou intégrées à une partie peinte

2. Propriétés des colles

a) Œnologie : Clarification des vins et des boissons alcooliques à l’aide de diverses matières collantes qui retiennent les particules (blanc d’œuf, gélatine, colle de poisson, etc.)

b) Papeterie : Action qui consiste à plonger le papier dans une dissolution gommeuse de manière à l’imprégner de colle afin d’éviter les bavures de l’encre lorsqu’on écrit dessus. »

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne], URL : https://www.cnrtl.fr/definition/collage, consulté le 17/09/2021.

Le Larousse complète avec d’autres domaines :

« 1. Action de coller, état de ce qui est collé

2. Populaire : Situation d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble sans être légalement mariés

3. Agroalimentaire : Méthode de clarification du vin, des liqueurs, qui consiste à leur ajouter une substance appelée “colle”, capable de se déposer en entraînant les particules en suspension

4. Art contemporain : Procédé de composition consistant à assembler et coller sur un support des fragments de matériaux hétérogènes ; œuvre composée selon ce procédé. (Lorsqu’il s’agit uniquement de papiers, on dit aussi papier collé)

5. Céramique : Fixation de deux pièces crues au moyen de barbotine épaisse

6. Cinéma : Synonyme de collure [“endroit où se raccordent deux parties d’une pellicule”]

7. Littérature : Composition littéraire formée d’éléments prélevés sur un texte préexistant

8. Métallurgie : Manque de liaison entre le métal déposé par soudage et le métal de base, ou entre deux couches contiguës de métal déposé

9. Industrie du papier : Addition de produits dans la pâte ou sur les surfaces de la feuille de papier ou de carton, afin d’en augmenter la résistance à la pénétration et à l’étalement de liquides aqueux, par exemple l’encre d’écriture. »

Dictionnaire Larousse, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/collage/17141, consulté le 17/09/2021.

Enfin, Le Robert synthétise les différents usages du terme :

« 1. Action de coller. État de ce qui est collé

2. Composition artistique faite d’élément collés

3. Technique : Addition de colle

4. Familier : Concubinage. »

Dictionnaire Le Robert, [en ligne], URL : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/collage, consulté le 17/09/2021.

Dans le domaine de l’art, les occurrences suivantes insistent sur les relations qu’entretient le collage avec le réel et l’ordinaire :

« Le collage naît d’un aveu selon lequel la réalité reste foncièrement “inimitable”. »

ARAGON, Louis, « La peinture au défi », préface au catalogue d’une exposition de collages à la Galerie Goemans, mars 1930. Repris dans ARAGON, Louis, Les collages, Paris, Hermann, 1993, p. 44.

« S’inscrivant dans l’histoire du réalisme pictural, le collage perturbe les procédures classiques de représentation en essayant non pas seulement de figurer l’ordinaire dans le cadre du tableau ou de l’œuvre sur papier, mais aussi de faire d’un geste ordinaire un geste artistique : coller assume une valeur esthétique comparable à l’acte de peindre. »

FORMIS, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 59.

« Ce qui est central est la triple filiation historique allant de l’image peinte imitant l’objet (suivant l’option du réalisme pictural) aux objets réels utilisés en tant que tels (morceaux de bois, mais aussi bouts de journaux, comme dans Violon et Pipe, 1913, de George Braque) en passant par l’objet réel imitant un autre objet réel (la toile cirée suppléant le cannage de la chaise). Le “réel” se détermine ici dans son prosaïsme. L’objet vulgaire, et souvent sale, est récupéré par un travail formel de recyclage et d’agencement, lequel se veut aussi simple et méprisé que l’objet récupéré lui-même. Il n’est donc pas étonnant que le collage devienne une pratique privilégiée des amateurs et des enfants. Le geste produisant l’œuvre est potentiellement ordinaire, là où n’importe qui peut l’apprendre, le perpétuer et l’inventer à sa manière. La technique à laquelle le collage aboutit est une simple intervention, une sorte de non-technique. »

FORMIS, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 61.

« Ainsi, on ne saurait rabaisser le collage à une simple “citation” de l’ordinaire : le collage, tout en critiquant la technique, reste une manière de révéler l’ordinaire par la prise en compte de ses qualités esthétiques. »

FORMIS, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 62.

2. Un terme français emprunté par l’anglais

En français, le terme « collage » recouvre à la fois l’action de coller et la composition graphique qui en résulte. Si l’anglais dispose du terme sticking pour désigner l’action, il emprunte bien au français le terme de collage pour l’œuvre qui en résulte. La prononciation francisée du mot assume cet emprunt de l’anglais au français.

“ʻIt doesn’t have the same clout as fine art or graphic design.ʼ Maybe that’s because collage is an inherently democratic art form, at least in terms of accessibility of mate­rials or due to its popular perception as a rainy-day distraction for kids. But here’s the truth: Like high-quality graphic design, high-quality collage requires an incredible level of artistic skill, in both planning and execution1.”

David Carson teaches graphic design, livret accompagnant la MasterClass de David Carson, mise en ligne en avril 2021, URL : https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 19/05/2021.

3. Explication du concept

Si l’étymologie suggère que la définition du collage repose sur l’emploi de la colle, on constate que, dans les domaines de l’art et du design, « l’emploi de la colle n’est qu’une des caractéristiques de cette opération, et même pas une caractéristique essentielle2 ». Qu’il soit cubiste, surréaliste ou situationniste, le collage est avant tout une technique de composition et d’agencement d’éléments hétéroclites. C’est la confrontation d’éléments entre eux qui est au cœur de la pratique du collage. Dans le catalogue de l’exposition Roman Cieslewicz. La fabrique des images, Amélie Gastaut définit le collage comme le fait « d’agencer des éléments distincts non destinés à être rassemblés3 ». Matière première des collages, ces éléments qui vont être assemblés et confrontés font souvent l’objet d’une collecte préalable. À titre d’exemples, les designers graphique Roman Cieslewicz ou David Carson pratiquent tous deux une collecte foisonnante d’images, qu’ils vont archiver puis réemployer au sein de leurs visuels. Il s’agit alors de décontextualiser des fragments pour mieux pouvoir les détourner. D’une part, le collage est donc une pratique du prélèvement et du réemploi de fragments du réel collectés. D’autre part, par cette extraction du réel et cette recomposition avec d’autres fragments, le collage entend révéler des qualités esthétiques.

4. Problématisation

Le collage est de prime abord associé à une forme d’innocence ou de naïveté. Pratiqué par les enfants dès leur plus jeune âge, il ne semble nécessiter que peu de compétences techniques et être accessible à tous. De plus, le collage est d’abord une pratique artistique avant d’être utilisée par les designers. Dès lors, qu’en est-il de la pratique du collage dans le domaine du design ? D’abord, l’esthétique bricolée des collages permet au designer graphique de renouer avec une pratique plus manuelle et spontanée que les visuels créés sur des logiciels. De plus, il y a bien une compétence indispensable à la pratique du collage que possède le designer : celle d’avoir l’œil. Cette compétence s’avère nécessaire tant lors de la collecte des fragments, que lors de leur réagencement au sein de collages. Enfin, le collage apparaît comme une technique exploratoire : en effectuant plusieurs tentatives, on cherche à confronter les éléments collectés, sans précisément savoir en quoi réside notre quête. C’est alors l’œil qui devient le seul guide du designer lors de ce processus, permettant de juger qu’un collage est abouti. Cette démarche exploratoire, qui part de la matière première que l’on va manipuler jusqu’à obtenir une forme que notre œil juge satisfaisante, remet en question la pratique du design en tant que discipline du projet. En effet, le résultat du collage est imprévisible et dicté par la matière : la forme n’est pas déterminée en amont par un projet qu’il s’agirait de réaliser, mais elle résulte de l’acte de faire lui-même.

Margaux MOUSSINET, doctorante en Arts et Sciences de l’art, spécialité design, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.


  1. Ce passage pourrait être traduit comme suit : « “Le collage n’a pas le même poids en tant qu’art ou que design graphique”. Peut-être est-ce parce qu'il est intrinsèquement une forme démocratique d’art, du moins en termes d’accès aux matériaux et parce qu'il est perçu comme une activité pour enfants les jours de pluie. Mais voilà : tout comme un design graphique de qualité, un collage de qualité requière un haut niveau de compétence artistique, tant lors de la conception que de l’exécution. » 

  2. ARAGON, Louis, « La peinture au défi », préface au catalogue d’une exposition de collages à la Galerie Goemans, mars 1930. Repris dans Aragon, Louis, Les collages, Paris, Hermann, 1993, p. 38. 

  3. GASTAUT, Amélie, Roman Cieslewicz. La fabrique des images, catalogue de l’exposition au Musée des Arts Décoratifs, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 2018, p. 23.