1. Définition

Le terme « designer » est défini dans le Dictionnaire historique de la langue française comme suit :

« n. (1969) Le mot signifie proprement "dessinateur" en anglais, et a développé aux Etats-Unis le sens spécial de "personne qui crée les formes nouvelles de design" ».

Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey, Marianne Tomi, Tristan Hordé, Chantal Tanet, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1992, p. 587.

Étymologiquement, le terme « designer » proviendrait de l’ancien français et du latin « designare » qui signifie « marquer, indiquer, décrire, concevoir », avant d’être utilisé en anglais. Le mot design proviendrait de la contraction de « dessein » et « dessin », la conception et la mise en forme de l’œuvre.

Dictionnaire étymologique du français, Jacqueline Picoche, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1994, p. 452.

Dans la pratique, Jacques Kooijman donne une définition du designer plus complète :

« Qui veut bien se rappeler la double postérité du mot "design" - dessein et dessin – comprend la nature intime et, pour ainsi dire, la double postulation du designer : proche de l’ingénieur, proche de l’artiste, et de surcroît souvent associé, désormais, aux équipes marketing et de vente. De l’ingénieur, il conserve la technicité, l’analyse fonctionnelle ; de l’artiste, le sens du beau, conciliant le beau et l’utile dans les cas meilleurs. Il travaille cependant, le plus communément, sur le rendement marginal et optimise les coûts comme un chef de produit. […] Le designer est-il un artiste ?
Oui assurément, mais son industrie n’est plus un art, mais un art dit souvent
abusivement : "appliqué", et la production de masse ne requiert plus que de l’efficace et des produits dont l’image ductile évoluera au gré des rendements acquis. […] Il n'est libre que dans la démarche d'un projet de design (qui vise le progrès), mais ne le vit dans la mise en œuvre de ce projet (qui impose les contraintes, installe que le possible, la faisabilité). L'un ouvre l'avenir et l'évolution, l'autre regarde la sécurité du passé. »

Jacques KOOIJMAN, « Préface », in Sophie Sanchez et Jean-Jacques Urvoy, Le designer de la conception à la mise en place du projet, Paris, Eyrolles, Design & marques, 2009, p. 16-17.

Cette définition permet en effet de comprendre la pluralité de compétences techniques et pratiques d’un designer. Elle évoque aussi la relation du métier avec l’artiste.

2. De l’anglais au français

Dans le champ qui nous intéresse, la langue d’origine du terme est l’anglais. La notion s’éclaire à travers son usage, comme en témoigne la référence suivante:

« Every human being is a designer. Many also earn their living by design – in every field that warrants pause, and careful consideration, between the conceiving of an action and a fashioning of the means to carry it out, and an estimation of its effects. […] Designers whose work help to give form and order to the amenities of life, whether in the content of manufacture, or of place and occasion. […] Not, obviously, a full description, and perhaps a somewhat negative one, but making the fact plain that a designer works through and for other people, and is concerned primarily with their problems rather than his own. […] It must be clearly realized that designers work and communicate indirectly, and their creative work finally takes the form of instructions to contractors, manufactures and other executants1

Norman POTTER, What Is a Designer: things. places. messages, Londres, Hyphen Press, 2002, p. 10-16.

Potter montre en effet le designer est avant tout quelqu’un qui se met au service d’autrui… Mais ne pourrait-il pas être traduit autrement ? Après tout, on insiste aujourd’hui sur le design de service, par exemple. En français il pourrait s’agir de « styliste » ou de « concepteur », car ce sont les termes qui se rapprochent le plus de la fonction technique d’un designer. En allemand « gestaltung » et en italien « progettista » insistent sur le lien avec les arts visuels et appliqués, le projet. Ainsi, d’un pays à l’autre, le cœur du métier de designer ne recouvre pas forcément, semble-t-il, la même fonction et les mêmes champs d’activités.

3. Explication du concept

Traditionnellement, dans la pratique du métier, le designer peut être spécialisé dans un domaine particulier : le design de produit, le design industriel, le design de création, etc.

Le rôle du designer est d’obtenir une concrétisation réelle de son idée abstraite en accordant critères esthétiques et fonctionnels. Il se doit d’avoir une vision du projet dans sa globalité en visualisant les volumes et formes. Le designer ne se limite pas au produit lui-même mas il doit penser à l’entièreté de l’environnement de celui-ci.

Le métier de designer comprend également une dimension sociale dans le but d’apporter un mieux-être et un mieux-vivre. Il tente de mettre l’utilisateur au cœur du projet.

Aujourd’hui la dimension écologique prend une large part dans le métier. Le designer doit choisir ses matériaux, ses modes de production ou encore à réfléchir sur le cycle de vie de l’objet.

Le designer ne travaille jamais seul, il est bien entouré. Il collabore avec des entreprises au sein d’une équipe d’ingénieurs, de chefs de projets, de marketing, etc.
Dans un groupe, il peut parfois avoir l’occasion de prendre la place d’un créatif en proposant des innovations de formes, de fonctionnalités ou d’ergonomie. Il est en réalité un mélange d’artiste et d’ingénieur comme l’explique Jacques Kooijman dans la préface de l’ouvrage de Sophie Sanchez et Jean-Jacques Urvoy, Le designer de la conception à la mise en place du projet2.

4. Problématisation

La proximité qu’a le designer avec les autres métiers avec lesquels il travaille nous amène à nous demander s’il exerce les mêmes missions. En effet, les professions proches peuvent être amenées à travailler sur les mêmes projets (artisan, architecte, ingénieur, etc.). Il peut parfois y avoir une frontière poreuse entre ces métiers.

Ainsi pour être un véritable designer il faudrait répondre à toutes les conditions requises pour exercer ce métier.

Le métier de designer soulève également la question de la place de l’art dans sa profession. Le designer prend appui sur un cahier des charges afin de réaliser l’objet d’une commande. L’artiste quant à lui répond à l’intuition ou la sollicitation d’un commanditaire dans la création d’une pièce unique.

Prétendre que chaque être humain est un designer, comme le suggère Potter, nous amène à nous demander si tout le monde peut vraiment exercer ce métier. Mais, si le design consiste à « faire le bien » comme l’évoque Ruedi Baur, lors d’une conférence tenue à la Sorbonne3, tout le monde n’est-il pas capable d’être designer ?

Juliette, SOUBIEUX, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne 2021-2022.

5. Illustration

Figure 1. Schématisation du terme Designer, Juliette SOUBIEUX

Juliette SOUBIEUX, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. Proposition de traduction : « Chaque être humain est un designer. Nombreux sont ceux qui trouvent également dans le design une façon de gagner leur vie, dans tous les domaines garantissant à la fois un délai et la possibilité d’une mûre réflexion entre la conception d’une action, l’élaboration des moyens nécessaires à sa réalisation et l’évaluation de ses effets. […] Les designers dont le travail permet de donner forme aux aménagements de la vie quotidienne et de les coordonner, que ce soit dans le cadre d’une production industrielle ou pour un lieu et une occasion spécifique. […] Une définition bien évidemment incomplète et peut-être même quelque peu négative, mais qui démontre clairement qu’un designer travaille par et pour les autres, et qu’il s’intéresse davantage à leurs problèmes qu’aux siens. […] Ce qu’il faut bien comprendre c’est que les designers travaillent et communiquent de façon indirecte, et que leurs créations prennent au final la forme d’instructions qui s’adressent à des entrepreneurs, des fabricants et d’autres exécutants. » (Traduction de Gilles Rouffineau et Damien Suboticki.) 

  2. Sophie SANCHEZ et Jean-Jacques URVOY, Le designer de la conception à la mise en place du projet, Paris, Eyrolles, Design & marques, 2009. 

  3. « Frictions entre sciences du design ? », une des 8 séances des conférences du cycle Design, Arts, Médias (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), a réuni Claire Azéma, Ruedi Baur et Bernard Darras, en 2019-2020. Disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=kIDDPoXVu6E&list=PLtE9R3ItS4J4YslQUERhwBNb7SMSrn2Yb&index=3, consulté le 1é décembre 2021.