1. Définition

D’après le Larousse, le terme d’ « objet » possède un grand nombre de significations, mais nous pouvons en retenir trois. Premièrement, il s’agit d’une définition physique, « toute chose concrète, perceptible par la vue, le toucher1. » Deuxièmement, c’est une « chose solide considérée comme un tout, fabriquée par l'homme et destinée à un certain usage2. » Il est question ici d’une définition concernant sa création. Enfin, un objet est également caractérisé par sa fonction, c’est-à-dire une « chose définie par son utilisation, sa valeur, etc., ou chose de nature diverse, utilisée à des fins décoratives, de collection, etc3. » Il est intéressant de retenir qu’un objet est principalement déterminé par deux facteurs : l’homme et l’usage. Comme l’énonce Denis Woronoff :

« Il [l’objet] est aussi porteur du sens qu’on lui donne, des regards successifs qui l’enrichissent ou le dépouillent. Il vit simultanément l’histoire de son temps et celle des autres. »

Denis, Woronoff. « “L'objet”. Journée d'étude de l'École doctorale », dans Hypothèses, vol. 2, n°1, 1999, p. 181.
URL : https://www.cairn.info/revue-hypotheses-1999-1-page-179.htm, consulté le 22 novembre 2023.

La subjectivité du regard humain va rendre un objet, sa valeur et son utilisation totalement différents selon les individus qui le possèdent au fil des années. Un objet est marqué par le temps et la vie de chaque personne qui, un jour, en a fait l’usage.

Ainsi, le sens et l’utilité de l’objet varient selon les propres besoins, perceptions et expériences sensibles de chaque personne. Le designer doit penser l’objet pour qu’il puisse s’adapter à tout le monde et l’utilisation qu’il peut en faire.

2. Du latin au français

Le mot objet vient du latin objectum qui signifie « ce qui est placé devant ». Cette traduction joue sur l’idée de la perception. L’objet apparaît aux sens. C’est une chose perceptible par la vue de l’individu. Dans Good Design, Bruno Munari appréhende cette notion dans le champ du design en prenant pour exemple l’orange, décrit comme l’objet de design par excellence, pour définir l’objet, notamment de consommation. Sa forme simple et épurée et son utilisation facile le rendent utile à l'usager, ce qui en fait un bon design. Il écrit :

« L’arancia quindi è un oggetto quasi perfetto dove si riscontra l’assoluta coerenza tra forma, funzione, consumo4. »

Bruno, Munari, « Arancia », Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 2023, p. 10.

Selon lui, un objet est une chose caractérisée par l’harmonie entre sa forme, sa façon d’être utilisé et de répondre aux besoins de son consommateur. Son utilité sert un usage destiné à un usager.

Grâce à ces traductions, on comprend qu’un objet est avant tout défini par sa relation avec son utilisateur puisqu’il se révèle à ses sens et qu’il en fait un usage.

3. Explication du concept

Dans Good Design, Bruno Munari explique dans quelles mesures un objet est un « bon design5 ». Sa forme doit être simple, sans esthétique ajoutée superflue et doit refléter son utilisation. Il doit être utile et facile à utiliser. Le point le plus important de l’objet issu du design industriel, d’après l’auteur, serait alors l’utilité. Un objet sert son utilisateur et ses besoins. Cela doit être la fondation de sa conception, sinon, sans fonction et sans usage, il s’agit d’un mauvais design. Pour lui, l’aspect esthétique injustifié, c’est-à-dire inutile à l’objet et à l’individu, est donc à bannir du design de l’objet. L’utilité de l’objet étant la véritable essence du design de celui-ci.

4. Problématisation

D’après l’auteur de Good Design, l’esthétique sur l’objet est futile puisqu’elle ne sert en rien l’utilisateur. Le designer doit donc concevoir des objets utiles, autant dans son usage que dans sa forme. Cependant, la fonction de l’esthétique étant d’habiller un objet, de le rendre agréable et harmonieux à la vue, elle ne doit pas nécessairement être mise de côté, qu’elle soit utile ou non à l’objet et à son usager (comme les objets à but purement décoratif). En effet, l’expérience sensible du consommateur face à l’objet est vitale car le besoin esthétique est primordial dans notre société. Cela amène à se questionner sur le rôle créatif du designer. Peut-on être libre de création en tant que designer, particulièrement dans l’industrie, si l’esthétique est inutile à l’usage de l’objet ? Nous pouvons répondre à cela par une citation de Jacques Viénot : « [...], il n’y a jamais conflit, mais toujours harmonie entre la satisfaction esthétique qu’en ressent le spectateur désintéressé et la satisfaction pratique qu’il donne à celui qui l’emploie. Toute production industrielle doit être génératrice de beauté6. » Dans le domaine du design, l’utile et l’esthétique sont nécessaires à la conception d’un objet pour contenter le consommateur autant dans son utilisation que dans sa perception de l’objet, l’un ne va pas sans l’autre.

5. Illustration

Figure 1. Le bon objet de design, Lucie Bouletier, Margaux Jokiel.

Lucie BOULETIER et Margaux JOKIEL, Master 1 « Design, arts, médias », Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2023-2024.


  1. Dictionnaire Larousse, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/objet/55366, consulté le 16 novembre 2023. 

  2. Ibidem

  3. Ibid

  4. Traduction en français : « Une orange est donc un objet presque parfait dans lequel se retrouve la cohérence absolue de la forme, de l'usage, de la consommation. » 

  5. MUNARI, Bruno, Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 1963 ; rééd. Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 2023. 

  6. VIÉNOT, Jacques, « La Charte de l’esthétique industrielle », dans Esthétique industrielle, Paris, PUF, 1952.