MALDONADO, Tomás, La speranza progettuale, ambiente e società, Turino, Giulio Einaudi editore, piccola biblioteca einaudi,1970.
MALDONADO, Tomás, Environnement et idéologie, Union générale d’édition, 10/18, 1972.

Dans Environnement et Idéologie, ouvrage entre le traité et l’essai, Tomás Maldonado traite de la recherche méthodologique dans le domaine de l’aménagement de l’environnement et essaye de délimiter la sphère dans laquelle pourra être localisée l’alternative à la situation angoissante du monde mise en lumière par ce qu’il nomme « la révolte des jeunes ».

Tomás Maldonado soutient qu’une alternative à la situation de chaos social et écologique actuelle est nécessaire et qu’elle doit relever de la projétation (terme relevant de la conception, préparation du projet et en même temps de sa réalisation), ayant pour auxiliaire une conscience critique technique, écologique et sociale et allant de pair avec la révolution ou du moins l’action politique.

L’ouvrage peut se découper en trois parties, visant principalement à définir le contexte1, puis à analyser les positions allant à l’encontre de sa thèse pour les critiquer et prouver la nécessité de ce qu’il défend2, et enfin à analyser les erreurs à ne plus reproduire3. Ainsi Tomás Maldonado vient d’abord préciser les terminologies et le contexte qu’il entend traiter, à savoir la notion de projétation et la situation écologique alarmante de l’environnement dans lequel évolue l’humanité. Il essaye ensuite d’examiner de façon critique le nihilisme « projectuel » qui conteste la situation mais refuse la rationalité par réaction préventive car ce nihilisme l’associe à la « froideur bourgeoise » et aux horreurs qu’elle a pu permettre. Puis Maldonado continue avec les utopistes refusant de proposer des hypothèses de réalisation par refus du compromis, puis avec ceux pensant pouvoir remplacer la révolution et la politique par la projétation. Tomás Maldonado essaye alors de nous montrer la nécessité de la projetation face à la situation écologique catastrophique. Il tente enfin de caractériser les erreurs à ne plus commettre dans la projetation, commencant par les projets faisant abstraction de conscience critique sociale, écologique et technique et donnant des exemples de ces types de projétations s’avérant être des aberrations, comme notamment le projet de « Dome over Manhattan » de R. Buckminster Fuller qui bien que faisable techniquement dans l’absolu n’a aucune cohérence écologique. Il insiste ensuite sur la nécessité de la gestion du processus et de l’anticipation des risques. Il revient ensuite sur des courants nihilistes, qu’ils soient politiques, comme certains révoltés anti-projétation préférant la destruction de l’ordre établi à la construction du prochain, à un autre acceptant l’ordre établi, celui de Las Vegas de Venturi qui ne la perçoit qu’en tant que spectateur et ne comprend pas que les signes de cette ville sont pauvres et leur nombre induisant une satiété sensorielle vient en même temps provoquer un manque sensoriel. Enfin, il conclut en rappelant l’importance de la rationalité appliquée et précisant que le débat quant au rapport entre la projétation et la révolution reste ouvert mais ne doit pas retarder pour autant la mise en marche de l’action nécessaire.

Les concepts clefs de l’ouvrage sont la projétation, l’environnement, l’espoir et la conscience critque. Les notions d’utopie et de nihilisme sont également abordées. La projétation renvoie à une idée de planification, de processus, cheminement du projet, et doit pour Tomás Maldonado découler de la rationalité appliquée et assumer le processus de gestion pour fonctionner.

Concernant le champ du design, un certain rôle de l’urbanisme caractérisé par une conscience critique aussi bien sociale qu’écologique ou technique est prôné, et le concept même de projétation peut servir à décrire le design en tant qu’activité. Tomás Maldonado indique cependant que si la tâche du projeteur-designer (il n’emploie pas le terme design) est cruciale, elle ne doit pas prétendre remplacer la révolution contre l’ordre établi mais l’accompagner. Un exemple effectif du type d’alternative suggérée par Maldonado pourrait être le programme cubain d’agriculture biologique à forts rendements au sein de la capitale mettant gratuitement des terrains à la disposition d’agriculteurs citadins, alliant urbanisme et politique avec la mise en place d’institutions permettant la recherche et l’enseignement des techniques d’agroécologie.

Cependant, les réalisations de Tomás Maldonado, bien que centrées sur l’usager, ne semblent pas s’inscrire complètement dans la sphère d’action proposée par son ouvrage. En effet ses productions n’ont pas vocation de jouer le jeu de la société de consommation, mais ne vont pas non plus dans la perspective de son renversement, d’une projétation transformant l’environnement et résolvant la situation critique qu’il dénonce.

Paul FLOUTIÉ, Licence 3 « Design, Arts, Médias, Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2021-2022.


  1. MALDONADO, Tomás, Environnement et idéologie, Union générale d’édition, 10/18, 1972, p.14-29. 

  2. MALDONADO, Tomás, Environnement et idéologie, op. cit., p.30-76. 

  3. Ibidem, p. 77-115