PERRIN KHELISSA, Anne, Luxe intime : Essai sur notre lien aux objets précieux, Paris, CTHS, coll. Format 83, 2020.

Dans Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets précieux, Anne Perrin Khelissa problématise la compréhension de l’évolution du « luxe intime ». Dans la partie introductive de son ouvrage, l'auteur examine les enjeux entourant la création d'objets de confort et de plaisir : « Jadis réservés aux élites, les objets de confort et d’agrément deviennent progressivement accessibles à des classes intermédiaires. C’est l'enjeu de l’époque : l’augmentation des consommations domestiques répond à un désir d’amélioration du bien-être et de la commodité. Un marché des produits de luxe et de demi-luxe s’organise et se structure pour répondre à ses aspirations1.». À travers cette analyse, l'auteur cherche à comprendre la relation que nous entretenons avec le luxe à partir du XVIIIe siècle et les critères qui définissent ce concept.

Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets précieux d'Anne Perrin Khelissa* explore la relation intime que les individus entretiennent avec les objets de luxe, en examinant leur signification sociale, culturelle et historique à un moment crucial de leur transformation, qui, selon elle, s'est produit au XVIIIe siècle. Perrin Khelissa se réfère à ces objets luxueux comme faisant partie de notre « culture matérielle2 » et incite alors à comparer les différentes époques. L’auteur aborde elle-même la dimension subjective de l'attachement que nous avons aux objets précieux en se concentrant sur la façon dont nos gestes et nos comportements sont influencés par ces objets. Perrin Khelissa explore comment les objets de luxe sont devenus une «possession matérielle3 » unique, et comment leur possession est liée à un certain statut social. En fin de compte, l’auteur offre une réflexion sur la signification et la valeur que nous accordons aux objets de luxe dans notre vie quotidienne.

L'argumentation de ce texte est structurée en quatre parties. La première partie, intitulée « L'objet domestique4 », présente la distinction entre les objets de luxe et ceux de mode. L'auteur souligne ainsi que cette distinction crée un déséquilibre des codes de hiérarchie et conduit à la perte de la notion de luxe, car il n'est « plus besoin de faire cher pour se démarquer des autres5 ». Dans ce contexte, les ornements d'un vêtement deviennent plus importants que la qualité du tissu utilisé. L'auteur examine ainsi comment les objets de luxe sont utilisés dans les espaces publics et privés, en fonction des « règles de civilité6 » qui régissent nos comportements sociaux. Dans une seconde partie, l'auteur présente « l’objet en société7 » : elle met alors en lumière le rôle des objets dans les coutumes et croyances de chaque époque et civilisation. La troisième partie traite de la « fabrication des objets8 » et de l'industrialisation qui a favorisé leur démocratisation. L'auteur décrit les techniques de production, les savoir-faire et l'évolution des Arts et Métiers jusqu'à l'industrialisation. La dernière partie se consacre à « l’objet de notre imaginaire9 » : l’auteur y présente une histoire de l’art pour présenter le langage des concepts clés de l’ouvrage dont l’intimité.

Les concepts clés abordés dans l'ouvrage Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets d'Anne Perrin Khelissa sont « le luxe10 » qui est présent tout au long du livre. Le luxe est associé à des produits haut de gamme, souvent rares et exclusifs, qui sont destinés à une clientèle aisée. Il est représenté comme un art de vivre qui cherche à se distinguer et à procurer du plaisir. Il peut être associé à des objets précieux, à des expériences uniques, mais aussi à un mode de vie qui valorise l'authenticité. Le concept de « précieux11 » est également abordé, caractérisé par le temps et la complexité nécessaires à sa fabrication et sa valeur attribuée en raison de son lien avec des personnes ou des événements importants. L’auteur aborde également le concept « d'intimité12 », qui peut être lié à celui du luxe. L'intime ne se limite pas à la sphère confidentielle, mais s'étend au rapport que l’on détient avec notre quotidien et les autres. Il y a également « le décor13 » qui suggère que l'on peut apprécier la façon dont différents objets se complètent ou se distinguent les uns avec les autres. Ce plaisir même que l'on ressent en pratiquant la décoration peut provenir du fait de tester et de perfectionner son propre jugement esthétique. On retrouve également l’ « industrialisation » qui est définie comme une mécanisation des objets de production et qui favorise une démocratisation des objets décoratifs.

Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets est important pour le champ théorique du design, notamment abordé d’un point de vue esthétique, car il propose une réflexion approfondie sur la manière dont le luxe est créé et perçu dans notre société contemporaine. Alors que les objets précieux sont souvent associés à une haute qualité, à un savoir-faire exceptionnel et à un prestige social élevé, l'esthétique industrielle est centrée sur la création de produits esthétiquement plaisants et fonctionnels pour les masses. Elle cherche à intégrer la beauté dans la production de masse, évitant ainsi la production d'objets de design inintéressant ou de gadgets. Cependant, l'ouvrage aborde également la signification culturelle et historique de ces objets, ainsi que leur rôle dans la construction de l'identité personnelle et sociale. En somme, Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets précieux peut être lu comme une réflexion sur l'esthétique des objets de luxe à la lumière de l'esthétique industrielle, en examinant la signification culturelle et historique de ces objets dans la vie des individus.

Sarah MARGARIDO, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.


  1. PERRIN KHELISSA, Anne, Luxe intime. Essai sur notre lien aux objets précieux, Paris, CTHS, coll. Format 83, 2020. p. 14. 

  2. Ibidem, p. 27. 

  3. Ibid. p. 22. 

  4. Id. p. 19-50. 

  5. Id. p. 24. 

  6. Id. p. 30. 

  7. Id. p. 51-72. 

  8. Id., p. 73-87. 

  9. Id., p. 89-107. 

  10. Id. p. 23. 

  11. Id. p. 55-56. 

  12. Id. p. 28-29 et p. 101-102. 

  13. Id. p. 38, p. 93.