1. Définition
Comme en témoigne une recherche rapide sur Internet, il est courant d'admettre que :
« Le terme affordance est un néologisme formé à partir du verbe anglais “to afford”. Plusieurs traductions sont possibles : “s’offrir quelque chose” , “avoir les moyens de faire quelque chose” , ou “fournir l’opportunité de/offrir” (un service, notamment). »
« Qu’est-ce que l’affordance ? », Usabilis [en ligne], URL : https://www.usabilis.com/definition-affordance/, consulté le 20 mars 2022.
Nolwenn MAUDET et Emeline BRULÉ précisent la notion d’affordance dans le domaine du design, ou plutôt du design d’objet. Elles écrivent en effet :
« L'usage commun d'affordance par les designers fait généralement référence aux aspects matériels ou visuels indiquant les usages possibles d'un objet et permettant de le rendre plus facile d'utilisation. »
Nolwenn MAUDET, Emeline BRULÉ, « Concepts du design d'interaction : les affordances », Carnet Nolwenn Maudet [en ligne], URL : https://carnet.nolwennmaudet.com/home/concepts-du-design-d-interaction-les-affordances, consulté le 20 mars 2022.
2. De l’anglais au français
Pour mieux saisir le terme, car en français la richesse sémantique se perd, il convient de retourner aux sources et à l'anglais. Voici ce qu'on peut lire :
« The affordances of an environment are what It offers the animal, what it provides or furnishes, either for good or ill. The verb to afford is found in the dictionary, but the noun affordance is not. I have made it up. I mean by it something that refers to both the environment and the animal in a way that no existing term does. It implies the complementarity of the animal and the environmen1. »
GIBSON, James J., The Ecological Approach to Visual Perception, Boston, Houghton Mifflin Harcourt (HMH), 1979, p. 127.
On comprend que l'affordance a été forgée en relation avec l'éthologie. L'environnement offre des possibles à l'animal, les objets doivent par conséquant offrir des possibles pour l'action humaine, c'est-à-dire l'usage. Pour Gibson, l’affordance est basée sur l'action, dynamique et nécessairement relationnelle. La perception est une relation de disposition directe entre les objets et les sujets dans laquelle les possibilités d’action sont le moteur. « Ce que nous percevons quand nous regardons des objets, ce sont leurs affordances, pas leurs qualités2 », explique Gibson. C'est en ce sens que Don Norman écrit :
« Affordances specify the range of possible activities, but affordances are of little use if they are not visible to the users. Hence, the art of the designer is to ensure that the desired, relevant actions are readily perceivable3 ».
NORMAN, Donald A., The Design of Everyday Things, New York, Doubleday, 1990, p. 41.
Gibson et Norman parlent de la relation entre l’objet et le sujet. Cependant, une différence existe entre Gibson et Norman existe entre donner la priorité à l'objectivité (Gibson) et à la subjectivité (Norman).
3. Explication du concept et problématisation
D’un côté, la notion d’affordance de Gibson est un concept direct et basé sur l'action. Elle est donc dynamique et inévitablement relationnelle entre l’objet et le sujet. Pour Gibson, l’affordance est l'opportunité d'agir dérivée de la relation entre les attributs de l'objet et les attributs du sujet. En effet, l’affordance de Gibson n'est pas basée sur l'utilisation, mais sur un sujet en position sociale d'utilisation. Donc, l’objet et le sujet coexistent, et l’affordance est un comportement qui se produit dans la relation entre les deux. Par ailleurs, cette opportunité d'action n'est pas nécessairement réalisée. Elle est objective car elle repose sur les caractéristiques essentielles de l’objet et la relation avec le sujet.
D’un autre côté, Norman a distingué l’affordance réelle qui utilise les comportements induits par l'environnement et l’affordance perçue des comportements qu'adoptent les utilisateurs. De plus, Norman a affirmé que le designer devrait se concentrer sur l’affordance perçue. D’après lui, le designer compétent est un psychologue perspicace qui crée des objets de façon à ce qu'il conduisent l'isage qu'en feront les utilisateurs. Ainsi, l’affordance de Norman revêt des caractéristiques subjectives et demeure à la limite de ne pas prêter suffisamment attention aux caractéristiques matérielles autres que celles que le sujet perçoit.
À partir de ces deux concepts, le concept d'affordance s'est étendu en anthropologie, en ingénierie, en communication et en éducation (l’affordance de Norman s'applique encore aujourd'hui dans le domaine de l'Interaction Homme-Machine. En effet, l'affordance s'est développée dans le but de présenter différentes méthodes pour décrire le plus clairement la dynamique entre l’objet et le sujet. Cependant, la notion d’affordance est critiquée sous trois aspects, à savoir une définition confuse, une application réelle binaire et le fait qu’elle ne considère pas divers sujets et contextes4. Toute la question est à présent de savoir comment relever ce triple défi.
4. Illustration
Figure 1. Affordance, JinUk Kim
JinUk KIM, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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Ce qui donne, en français : « Les affordances d’un environnement sont ce qu’il offre à l’animal, ce qu’il fournit ou fournit, pour le meilleur ou pour le pire. Le verbe afford se trouve dans le dictionnaire, mais le substantif affordance ne l’est pas. Je l’ai inventé. J’entends par là quelque chose qui se réfère à la fois à l’environnement et à l’animal d’une manière qu’aucun terme existant ne fait. Elle implique la complémentarité de l’animal et de l’environnement ». ↩
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GIBSON, James J., The Ecological Approach to Visual Perception, Boston, Houghton Mifflin Harcourt (HMH), 1979, p. 134. ↩
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En français : « Les affordances précisent l’éventail des activités possibles, mais les affordances sont de peu d’utilité si elles ne sont pas visibles par les utilisateurs. Par conséquent, l’art du concepteur est de s’assurer que les actions souhaitées et pertinentes sont facilement perceptibles ». ↩
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DAVIS, JENNY L., HOW ARTIFACTS AFFORD : the power and politics of everyday things, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, 2020, p. 41. ↩