1. Définition
Le DIY, ou « Do It Yourself » en anglais, est très peu présent dans les dictionnaires français. Nous retrouvons néanmoins dans Le Robert une brève définition de ce terme considéré alors comme: « une pratique qui consiste à créer, fabriquer et réparer soi-même des objets, des produits du quotidien1 ». Le DIY ne se réduit cependant pas qu’à une simple pratique. Il inclut certains principes tels que les valeurs du partage et de la créativité, la confection de seconde main, la recherche identitaire, le désir d’émancipation et nous questionne sur notre propre consommation. L’usage du terme dans cette citation nous le montre bien :
« Si l’appellation Do it yourself – “ fait soi-même” ou “fait maison” –, bien connue grâce à sa forme abrégée DIY, désigne assez largement un mouvement de résistance face à nos habitudes de consommation, elle réfère aussi à une contre-culture liée au développement des nouvelles technologies et, par extension, aux arts médiatiques. Le terme serait apparu en Amérique du Nord dans les années cinquante, en lien avec l’esprit d’autonomie alors activement valorisé, écho en boucle d’un certain idéal américain, celui du self-made man, qui consiste non seulement à se faire soi-même, mais aussi à faire les choses par ses propres moyens, qu’il s’agisse de réparer la toiture, d’isoler le garage, d’engraisser le potager – ou de construire un circuit électronique. Le DIY représente autant une manière de réaliser et de concevoir les événements qu’une économie - économie de moyens, notamment. Il s’agit aussi d’une forme d’autonomisation, de prise de pouvoir sur et par ses propres moyens : on n’attendra pas après les autres ; on va prendre ses affaires en main, les fabriquer soi-même à sa façon. Parce que c’est aussi beaucoup ça : une forme de bricolage qui, bien que parfois fort complexe, demeure néanmoins liée à une conception artisanale et exploratoire des choses »
Nathalie, BACHAND, Do it yourself (DIY) : entretien avec Alexandre Castonguay, Inter, (109), 30–34, 2011, Do it yourself (DIY) : entretien avec Alexandre C… – Inter – Érudit (erudit.org) consulté le 27/03/2023
Le DIY est également connu dans le champ du design pour sa pluridisciplinarité (open design, fablabs). Il est néanmoins généralement perçu comme une culture, voire un regroupement de sous cultures relatives à différentes époques et philosophies généralement en opposition à certains dogmes de la société. Alain Mueller reprend Fabien Hein et l’explique à travers le passage suivant :
« Le Do It Yourself (DIY), littéralement « fais le toi-même », qui participe d’une forme d’autodétermination et de débrouillardise revendiquée visant à échapper au contrôle du système « dominant » de production des biens culturels, notamment à celui des majors. »
Alain, MUELLER, “Fabien Hein, Do It Yourself ! Autodétermination et culture, édition Le Passager Clandestin, 2012”, paru dans Volume ! [En ligne] , 10 : 2 | 2014, 233-235.
Concluons, avec Étienne Delprat, sur l’omniprésence de cet esprit DIY ainsi que son influence au sein de la société et de ses communautés :
« L’état d’esprit D.I.Y a traversé de nombreux projets et mouvements —certains devenus fameux, d’autres restés dans l’ombre— pour lesquels il pouvait constituer tant une éthique de vie, une pratique du quotidien, qu’une tactique de combat et de revendication sociale et politique. »
Etienne, DELPRAT, Système DIY « Faire soi-même à l’ère du 2.0 », Paris, éditions Alternatives, p. 12.
2. De l’anglais au français
La quasi-absence du terme DIY des dictionnaires français s’explique en partie par son origine anglo-saxonne. C'est une abréviation de l’expression « Do It Yourself » signifiant en français « Faites-le vous-même ». La traduction de ce terme dans le langage populaire français est similaire à ce que nous qualifions de « système D » soit « système de débrouillardise ». Nous passons de la signification anglaise démontrant cette volonté de fabriquer, changer un objet par envie avec ce que l’on trouve autour de nous à une signification française insistant sur le besoin de réparer ou de concevoir un objet dans une situation de dernière minute avec très peu de matériaux à disposition. Le passage d’une langue à une autre ne change cependant pas le sens premier du DIY qui s’attache plutôt au bricolage, à la fabrication et à la réparation. De plus, cette notion n’est pas définie en détail du côté de l’anglais. le terme possède plusieurs interprétations données par ses mouvements et domaines d’utilisation. Dans certains cas, il englobe non seulement le bricolage mais la scène médiatique, la littérature, la technologie ou bien encore la politique.
3. Explication du concept
Riche par sa multitude de sens, le DIY surgit dans les années 60 autour du bricolage ou bien encore de la retouche manuelle, la construction de mobilier ou la rénovation de ce dernier par le biais de modes d’emplois ou revues promouvant cette première valeur du « do it yourself ». Le concept du DIY est en outre lié aux années 80 et 90 et à l’essor des mouvements punk et hippie/yippie. Le DIY passe alors de la pratique à un mouvement d’émancipation et d’autonomisation ; il développe ainsi une volonté de partage et de collaboration à travers ses sous cultures. Les membres de ces sous cultures s’efforcent de rompre les frontières entre le créateur et le consommateur à travers divers formes et moyens comme la mode, la musique, les fanzines.
4. Problématisation
Le DIY est associé de prime abord au bricolage, à une forme d’activité créative pouvant être pratiquée par tous. De sa définition récurrente, le « do it yourself » est considéré comme une pratique courante privilégiant la seconde main. De nos jours, il est en lien étroit avec les loisirs créatifs partagés en ligne ou bien dans des magazines. Les différents principes du DIY ont permis la création de nouvelles méthodes de travail et de fabrication notamment avec les fablabs ou bien encore l’open design. Cependant la valeur et le sens du DIY s'étendent désormais dans plusieurs domaines notamment la science (DIY science) ou bien encore l’urbanisme (Spatial Urbanism DIY). Le problème que l’on pourrait se poser ici est jusqu'où repoussera-t-on les limites du DIY ? Le DIY est une manière de communiquer et de travailler mais aussi de créer. Utiliser ce terme dans des domaines qui ne le concerne point retire toute son essence. Ne faudrait-il pas retrouver sa pureté originelle ?
Figure 1. Le DIY, ses sens et enjeux, Nour Dhraief
Nour DHRAIEF, Licence 3, « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.
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Teal TRIGGS, Fanzines: La révolution du DIY, Paris, éditions Pyramyd, traduit par Claire REACH, 2010 : voir Chapitre 1, p. 6 et Chapitre 6, p. 204. ↩