1. Définition

Un ersatz, au sens propre, se dit de quelque chose qui remplace une autre. C'est un «produit de remplacement, employé à défaut du produit normalement ou traditionnellement employé.» Dès lors, sa qualité sera souvent inférieure par rapport à un produit original qui est de qualité supérieure ou devenue rare, comme dans le domaine alimentaire. Au figuré, « ersatz » signifie un substitut qui peut être réalisé sans le valoir. Un ersatz est aussi appelé « succédané », un synonyme peu flatteur, qui lui aussi repose sur le remplacement par un objet de qualité secondaire1.

Dans le champ du design, l’ersatz semble proche du Kitsch. Comme l’indique Jean-Pierre Keller :

« En proposant à une vaste clientèle de bourgeois, petits-bourgeois et nouveaux riches des ersatz d'objets et de meubles précédemment réservés à la noblesse ou à la grande bourgeoisie, le grand magasin, dit Moles, ‘’sera le premier et le plus grand serviteur du kitsch’’. »

Jean-Pierre KELLER, « KITSCH », Encyclopædia Universalis [en ligne], URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/kitsch/, consulté le 12/11/2022

L'ersatz, étant une marchandise à moindre coût, il devient plus accessible, plus facile à acquérir pour les populations moins aisées, mais il témoigne ainsi d’un certain mauvais goût.

2. De l’allemand au français

Ersatz2, datant de 1916, est un mot d'origine allemande qui signifie au sens propre ou littéral « remplacement ». À l’origine, il remplace en effet un produit alimentaire rare ou peu abondant voire inexistant. Ce terme est apparu en France bien après la Première Guerre mondiale. Son orthographe est identique dans les deux langues mais, en allemand, le périmètre de la notion est plus vaste. Ersatz s'emploie autant pour un produit, une personne ou un objet exprimant ainsi, un remplacement de moindre qualité ou importance, un substitutif.

3. Explication du concept

Si, à son origine, un ersatz dont sa fonction première est né pour pallier une absence d'un ou des produits alimentaires, de nos jours, cette expression est parvenue dans plusieurs domaines, dont celui des arts et du design. En effet, l'industrialisation3 et l'automatisation de la production industrielle ont provoqué la standardisation des produits artistiques et de design, entraînant ainsi des répliques identiques d’un même produit, mais de moins bonne qualité. La société de consommation pousse à la surproduction de produits réalisés à la chaîne, par des machines qui ont remplacé le savoir-faire de l'artisan.

Beaucoup de penseurs tels que William Morris4 ont critiqué l'automatisation des machines et des mouvements humains répétitifs, comme les produits qui en découlaient. D’après lui, l'artisan devient alors le remède à l'ersatz dans la mesure où il vise toujours l’authenticité de ses réalisations dans des matériaux choisis et de qualité supérieure.

Mais l'ersatz ne répond-il pas aussi aux besoins d’un consommateur de la classe populaire ? Pourquoi critiquer l’obtention d’objets convoités d’une classe plus aisée que la sienne ?

4. Problématisation

Nous devons en effet nous demander ce que l'ersatz a de moins que le produit dont il est la substitution. Mis à part sa qualité inférieure, l’ersatz remplit aussi une fonction de substitution, de remplacement qu'elle soit ornementale, décorative ou pratique. Il permet d’acquérir à moindre coût et de compenser une chose qui a priori serait plus chère et inaccessible. Dans la Charte de l'esthétique industrielle dont Jacques Vinot est à l’initiative5, l'économie des matières et de la fabrication est fortement conseillée afin d'engranger des coûts de réalisation réduits pour une production dense, et ce afin de répondre à cette forte demande. Et sans que cela soit péjoratif.

Cette première question en appelle une autre : pourquoi l'ersatz est-il souvent perçu de manière négative, et par qui ? Pourquoi l’authentique, est-il souvent privilégié ? Le concept de propriété intellectuelle marque nos sociétés actuelles, notamment dans le domaine de la culture, des arts et du design, l'authenticité et l’originalité sont dès lors prônées. N’est-ce pas ce type de propriété qu’il faudrait remettre en question ?

Jennifer TCHEUTCHEMI, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.

https://dictionnaire.lerobert.com/definition/ersatz, consulté le 11/11/2022

https://www.cnrtl.fr/definition/ersatz, consulté le 11/11/2022


  1. Dictionnaire Le Robert illustré 2020, éd. Le Robert, coll. Nouv.petit Robert, 2019, consulté le 11/11/2022. Voir aussi : 

  2. Etymologie « ersatz », CNRTL [en ligne], URL : https://www.cnrtl.fr/etymologie/ersatz, consulté le 9/11/2022 

  3. « Processus complexe qui permet d'appliquer à un secteur, à une branche de l'économie, des techniques et des procédés industriels qui apportent rationalisation et hausse de productivité », Lexicographie, « industrialisation »,  CNRTL [en ligne], URL : https://www.cnrtl.fr/definition/industrialisation 

  4. Il écrit par exemple : « Si le XVIIIe siècle a rabaissé l’homme au rang de machine, le nôtre l’a rendu esclave de celle-ci ». William MORRIS, « Architecture et histoire », dans L'âge de l'ersatz, Paris, éd. de l’Encyclopédie des Nuisances, 1996, p. 50. 

  5. « Loi d’économie : l’économie des moyens et des matières employées (prix de revient minimum) dès lors qu’elle ne nuit ni à la valeur fonctionnelle, ni à la qualité de l’ouvrage considéré, est condition déterminante de la beauté utile. » : Jacques VIENOT, « La Charte de l’esthétique industrielle », publiée dans la revue Esthétique industrielle, 1952.