LANTENOIS, Annick, Le Vertige du Funambule – Le design graphique entre économie et morale, Paris, B42, coll. essais, 2013 (2010).

Partant du constat que, depuis les années 80, l’évolution du design graphique est marquée par un changement de paradigme, une oscillation entre dépouillement et ornementation, qui reflète les changements des institutions sociales selon les époques, Annick Lantenois s’interroge sur la façon dont le designer graphique contemporain doit redéfinir son rôle.

L’auteure montre que le designer graphique doit faire du numérique son nouveau paradigme en exploitant l’essor des nouvelles technologies afin de transmettre une écriture graphique traduisant l’immatérialité des contenus numériques.

Pour asseoir sa thèse, l’historienne Annick Lantenois procède sous forme chronologique, en quatre temps. Elle introduit d’abord son discours en évoquant la transformation des blasons des villes en logos qui, dans les années 1980-1990, a entraîné une disparition des identités passées propres à chaque ville. Partant de ce constat, l’auteure déduit que ce nouveau discours de communication, dont le but est de rendre la ville attractive, plus présente, suggère que l’organisation du temps interagit avec l’organisation sociale et publique1.

L’auteure explique ensuite cette corrélation pour la mettre en lien avec l’apparition du « graphisme d’utilité publique » qui, lui, correspond à l’écriture d’une institution s’adressant à un public de masse. Le graphiste, suivant ce paradigme, est perçu comme le détenteur d’une vision objective lui permettant la transmission fiable d’un message simple et lisible2.

Arrive les années 90 qu’Annick Lantenois évoque dans un troisième temps. Il s’agit de la rupture avec ce mouvement graphique épuré par une volonté de brouiller la lisibilité. Ce retour à l’ornementation s’interprète selon l’auteure comme une opposition à l’uniformisation des styles imposée par l’utilisation de logiciels de composition dont les conséquences tendraient à un formatage esthétique mondialisé3.

Dans une dernière partie, l’auteur se concentre sur les années 2010 et leurs enjeux propres. Elle constate que dans notre contexte hyper-moderne où le numérique qui s’étend à toute la société, il existe une toute nouvelle organisation sociale et du temps. Elle évoque ainsi la nécessité du designer à s’y adapter4.

L’auteur développe plusieurs concepts clés, à savoir « le design graphique », qui correspond à une pratique de conception de communication visuelle investissant image et texte, « la culture numérique », qui renvoie à un ensemble de connaissances et de pratiques liées aux technologies informatiques, et « l’hyper-modernité » qui représente le schéma d’une société caractérisée par la vitesse.

L’ouvrage met en lumière le moyen pour le designer d’adopter un nouveau paradigme par rapport à notre hyper-modernité. Ce nouveau paradigme, lié à la vitesse de circulation de l’information, des produits, tend à valoriser la fonction, qui est évolutive et nécessite un apprentissage, plutôt que l’esthétique qui, elle, est fixe et peut être choisie, modifiée, par n’importe qui5.

Line SOMMIER, Master 1 « Design, Arts, Média », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. LANTENOIS, Annick, « Crise du temps, 1. Blasons des cités. Logos des Villes », dans LANTENOIS, Annick, Le Vertige du Funambule – Le design graphique entre économie et morale, Paris, B42, coll. essais, 2013, p. 15-23. 

  2. LANTENOIS, Annick, « Crise du temps, 2. Expérience du temps et organisation sociale », dans LANTENOIS, Annick, Le Vertige du Funambule – Le design graphique entre économie et morale, op. cit.,* p. 23-33. 

  3. LANTENOIS, Annick, « Crise du temps, 3. Récit historique et design graphique : le statut du texte en question », dans LANTENOIS, Annick, Le Vertige du Funambule – Le design graphique entre économie et morale, op. cit., p. 33-41. 

  4. LANTENOIS, Annick, « Habiter l’Hyper-modernité », dans LANTENOIS, Annick, Le Vertige du Funambule – Le design graphique entre économie et morale, op. cit., p. 43 -75. 

  5. CARON, Gérard, Homo Designus. L'homme et le design de Lascaux à Google, Paris, Designfax, 2019.