FOSTER, Hal, Design and Crime (and Other Diatribes), London, Verso, 2002 ; rééd. Design & crime, Paris, Éditions Amsterdam/Les prairies ordinaires, traduit par Christophe JAQUET, Laure MANCEAU, Gautier HERRMANN, Nicolas VIEILLESCAZES, 2019.

Design & crime, écrit par le critique et théoricien Hal Foster, se présente sous la forme d’un recueil de huit articles, son titre faisant écho au pamphlet Ornement et crime d’Adolf LOOS (1908) qui se positionnait en tant que contempteur de l’Art nouveau. À travers cet essai, l’auteur questionne les rapports qu’entretiennent aujourd’hui la culture et le capitalisme en analysant tour à tour les activités culturelles telles que le design et l’architecture ou encore l’art et la critique. En s’appuyant sur cette analyse, Foster interroge la place du design en tant qu’allié d’une société industrielle.

En effet, selon lui, il convient de montrer que « […] l’art et la marchandise en viennent à se confondre sous le signe du design1 », ce qui le mène à théoriser l’idée d’une indistinction entre utilitaire et esthétique, rendant caduc le travail de la critique artistique.

Au départ de son raisonnement, l’auteur dresse tout d’abord le constat de l’avènement d’une culture commerciale marquée par l’indistinction des valeurs2. Celle-ci serait engendrée par la pénétration du design dans la vie quotidienne prenant la forme d’un design total au service de la société capitaliste actuelle3. En suivant le développement de cette idée, il s’attardera sur la relation entre les disciplines et les institutions4, notamment via l’art et les musées, les tribulations conceptuelles de l’histoire de l’art ou encore l’évolution de la critique d’art qui se ferait de plus en plus ardue, ne sachant plus délimiter ses contours du fait de l’élargissement de ses possibilités. Enfin, il aborde la question d’une « fin de l’art » contemporaine et propose différentes stratégies afin de dépasser cette dernière et redonner à l’art tant une consistance qu’une place définie5.

Plusieurs idées sont centrales dans cet écrit et sont représentées par des termes apparaissant à plusieurs reprises au fil du raisonnement de Hall Foster. La notion d’ « indistinction » (nommée Nobrow par l’auteur américain John Seabrook), faisant référence à « la disparition des anciennes distinctions culturelles6 », est placée en tant que partie intégrante d’un système relevant du capitalisme qui, lui-même, est associé à la notion d’une société consumériste mettant la production et la consommation au centre des enjeux sociétaux. Au sein de cette société, l’auteur mentionne le concept de Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale) apposée au design en tant que « design total » qui serait présent dans toutes choses et au service du marketing, notion définie en tant que stratégie commerciale poussant à la consommation.

Cet ouvrage constitue une balise dans le champ de la critique de la culture, de l’esthétique et du design. En effet, il permet de penser la relation entre le design et une esthétique industrielle sous la coupe de la société contemporaine. Il permet également d’ouvrir la réflexion à propos de l’impact du design industriel sur la place de l’art et sa définition. Il se place en prolongement de la critique de nombreux penseurs, artistes et designers au sujet du design industriel. Nous pouvons citer par exemple William Morris et John Ruskin reprochant à la démocratisation de l’industrie de venir gâcher le paysage urbain comme social7, ou encore Victor Pananek qui envisage un design à finalité non pas économique mais sociale, faisant preuve d’une réflexion éthique8. Dans cette réflexion sur les valeurs que doit poursuivre le créateur, le design devient alors l’instrument d’une évolution de la société vers une meilleure prise en compte des réalités humaines, sociales et environnementales, impliquant la nécessité pour le design de redéfinir sa place au sein de la société actuelle.

Emilie HUC, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.


  1. FOSTER, Hal, Design & crime, Paris, Éditions Amsterdam/Les prairies ordinaires, traduit par Christophe JAQUET, Laure MANCEAU, Gautier HERRMANN, Nicolas VIEILLESCAZES, 2019, p. 9. 

  2. FOSTER, Hal, Design & crime, op. cit., p. 33-45. 

  3. Ibidem, p. 47-60. 

  4. Ibid, p. 101-170. 

  5. Ibid, p. 173-196. 

  6. Ibid, p. 34. 

  7. MORRIS, William, L’Art et l’artisanat, Paris, Éditions Payot & Rivages, traduit par Thierry GILLYBOEUF, 2011. 

  8. PAPANEK, Victor, Design pour un monde réel, Éditions Mercure de France, Paris, 1971.