MIDAL, Alexandra, La Manufacture du meurtre : vie et œuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain, Paris, La Découverte, Zones, 2018.
Dans la manufacture du meurtre, Alexandra Midal se demande si on peut établir une relation entre manufacture et pratique de serial killer. En effet, la révolution industrielle et la production sérielle des abattoirs de Chicago, dans la deuxième moitié du XIXe siècle en particulier, sont apparues en même temps que l'appellation du terme « serial killer », et pour Midal ceci n’est pas une simple coïncidence.
Alors que l'opinion publique considère que les actes du sérial killer H. H. Holmes relèvent de la folie, Midal montre que Holmes serait une victime de l'émergence du design1. Pour défendre sa thèse, l’auteure procède en trois étapes à une comparaison entre le meurtre et la manufacture industrielle. Dans la première étape2, Midal explique en quoi l'évolution de la pratique d’Holmes est parallèle à celle des procédés de production en cours durant la révolution industrielle. Elle compare l'activité meurtrière d’Holmes à un véritable business rort entable. Selon Midal, le parcours d’Holmes « témoigne d’une compréhension fine des technologies de son temps, celui du capitalisme industriel de la seconde moitié du XIXe siècle3 ». L’être humain n’est que matière première pour Holmes, et son activité répond au concept du « plaisir à la destruction et au remplacement d’objets4 ».
Dans la seconde étape5, Midal compare la maison d’Holmes à une usine. Tout business rentable exige un local, et c’est pour cette raison que Holmes a édifié une maison, vite qualifiée de château de par sa taille impressionnante. Telle une tour de contrôle dans une usine, Holmes a équipé son château d’une infrastructure comprenant les technologies les plus avancées de l'époque : « Chaque couloir et chaque trappe étaient ingénieusement conçus pour servir ses crimes6 ». Depuis sa chambre, il lui était possible de tuer ses victimes à l'autre bout de son château, et cela, sans se déplacer. Midal qualifie le château de « machine à tuer7 » qui « regorge d’inventions8 ». Telle une usine qui transforme la matière première en produits de consommation, le château « concourt à la transformation des corps9 » : d'abord être humain, ensuite cadavre, et enfin squelette que Holmes vendait aux écoles de médecines.
Dans la dernière étape10, Midal compare le château à la ville de Chicago. Originaire du New Hampshire et né Herman Webster Mudgett11, Holmes décide activement de s’installer à Chicago, ville connue pour son développement industriel, et notamment pour ses abattoirs. De la même façon que la ville de Chicago était l’épicentre des abattoirs de haute technologie à l’époque, le château fit un épicentre de meurtre.
Dans son livre, l'autrice retravaille plusieurs concepts clé telle l’industrie, la modernité et la machine, qu'elle lie avec l’activité du serial killer H. H. Holmes. La révolution industrielle a engendré l'économie capitaliste, économie basée sur la consommation. En même temps cause et conséquence, cette consommation de plus en plus massive et la « politique du gaspillage12 » ont engendré la modernisation des usines ainsi que des foyers, donc la manufacture en masse des produits pour assurer la demande de plus en plus croissante.
Ces concepts clé ont un point commun, ils visent la cause de l’émergence des techniques et donc du design. Ce n’est qu'après la révolution industrielle, et donc le XIXe siècle que l’on commence à parler de design. Longtemps considéré comme l’opposé de l’artisanat, certains théoriciens, tels que William Morris ou John Ruskin13, ont condamné le design et la production en série de biens dans la mesure où l’ouvrier était inféodé à la machine et les biens produits de médiocre qualité. À ce titre, Holmes demeure le produit du design. Et il faudra attendre Gilbert Simondon pour comprendre que les machines portent une part de notre humanité14.
Célia Géraldine MATTA, Master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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BOURGAULT, Johanna, « La manufacture du meurtre : Vie et œuvre de H. H. Holmes, 1er serial killer américain » YouTube, publié par Éditions La Découverte, 18 octobre 2018, https://www.youtube.com/watch?v=sS5dqxB0aUQ, YouTube, consulté le 11 novembre 2021 ↩
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Ibidem, p. 27-40. ↩
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MIDAL, Alexandra, La Manufacture du meurtre : vie et œuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain, Paris, La Découverte, Zones, 2018, p. 5 ↩
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MIDAL, Alexandra, La Manufacture du meurtre : vie et œuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain, op. cit., p. 61. ↩
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Ibidem, p. 43-62. ↩
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Ibid, p. 43. ↩
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Id. ↩
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Id. ↩
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MIDAL, Alexandra, La Manufacture du meurtre : vie et œuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain, op. cit., p. 60. ↩
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MIDAL, Alexandra, La Manufacture du meurtre : vie et œuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain, op. cit., p. 11 et 27-32. ↩
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Ibidem, p. 27. ↩
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Ibid., p. 61. ↩
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HOTTOIS, Gilbert, La technoscience : entre technophobie et technophilie, p. 3 https://streaming-canal-u.fmsh.fr/vod/media/canalu/documents/utls/download/pdf/190100.pdf, consulté le 11 novembre 2021 ↩
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Jean-Hugues BARTHÉLÉMY, « Glossaire Simondon : les 50 grandes entrées dans l’œuvre », Appareil [En ligne], 16 | 2015, mis en ligne le 09 février 2016, consulté le 04 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/appareil/2253 ; DOI : https://doi.org/10.4000/appareil.2253 ↩