MCDONOUGH, William, BRAUNGART, Michael, Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, New York City, North Point Press, 2002.
MCDONOUGH, William et BRAUNGART, Michael, Cradle to Cradle - Créer et recycler à l’infini, Paris, Alternatives, coll. Manifestô, Alexandra MAILLARD, 2011.
Écrit par l’architecte William McDonough et le chimiste Michael Braungart, Cradle to Cradle - Créer et recycler à l’infini, nous interroge sur nos méthodes de production post-révolution industrielle et pose la question de l’intégration des sciences et du design dans ces procédés pour éradiquer complètement l’idée même de déchet.
Les auteurs nous expliquent que notre conception même de l’écologie par la réduction des dégâts infligés à notre environnement est erronée et en aucun cas viable sur la durée. Il est nécessaire de repenser notre façon de concevoir des objets. Aujourd’hui, le cycle de vie d’un objet se pense encore en grande majorité comme étant créé, consommé ou utilisé et enfin jeté. Dans le meilleur des cas, une partie des matériaux est recyclée mais bien souvent les produits de consommation de masse finissent dans des décharges, abandonnés ou incinérés. Ce mode de production est défini par les auteurs comme « du berceau au tombeau1 ». À l’inverse, ces derniers recommandent l’usage de la philosophie « cradle-to-cradle », du « berceau au berceau », en considérant chaque objet comme une ressource potentielle pour un autre, créant ainsi un cercle vertueux d’éternel recyclage, d’usage d’énergie renouvelable et d’interconnexion entre nombre de domaines de recherches pour rendre cela possible.
McDonough et Braungart soutiennent leur thèse à travers six chapitres. Les deux premiers, « Une question de conception2» et « Pourquoi être ‘’moins mauvais’’ n’est-il pas bon3 ? » reviennent respectivement sur nos modes de fabrications hérités de la révolution industrielle ainsi que sur des écrits de plusieurs économistes et environnementalistes tels que Thomas Malthus ou Fritz Schumacher. Cradle to Cradle nous offre une critique radicale de notre société actuelle, nous expliquant que le temps n’est plus aux concessions ni aux tentatives de minimiser les dégâts faits à notre environnement comme cela a pendant si longtemps été préconisé. Il est temps d’accepter le fait qu’une croissance exponentielle infini n’est pas envisageable sur la durée.
Dans les deux parties suivantes, les auteurs exposent à travers plusieurs exemples comment la philosophie cradle to cradle peut être utilisée pour la conception d’objet ou de bâtiment, et l’importance pour le designer-concepteur de s’inspirer de la nature où rien n’est gaspillé à travers un cycle de renouvellement4.
Les deux derniers chapitres font l’éloge de la diversité et encouragent, à la façon de Victor Papanek, un design adapté à l’environnement dans lequel il prend place, diversifié et responsable5. Pour ce faire, les auteurs nous présentent les cinq grands principes de « l’éco-bénéficience6 ».
À travers cet ouvrage, McDonough et Braungart nous livrent leurs interprétations de plusieurs concepts clefs, le plus important étant sûrement celui d’ « éco-conception ». Ce dernier se définit comme une méthodologie de conception prenant en compte l’impact environnemental de la création d’un objet dans le but d’en réduire les conséquences négatives sur notre environnement. Les auteurs poussent ici à l'extrême ce concept. La notion de « production » en est aussi indissociable : l’action de prendre une matière première pour la transformer en un objet fait partie du processus d’éco-conception et doit être pensée avec le même soin. Enfin, le concept de ressource est ici abordé à travers l’idée de son renouvellement et de sa matérialité.
Si les idées de McDonough et Braungart peuvent être vues comme radicales dans la mesure où elles prennent à contre-pieds les idées soi-disant écologiques des grandes entreprises, il est indispensable aujourd’hui de repenser en profondeur nos façons de créer et consommer. Nous pouvons aisément lier ce discours à celui de Victor Papanek qui, dans Design pour un monde réel, appelle les designers à cultiver « un sens aigu des responsabilités morales et sociales7», et tient un discours dur mais nécessaire sur l’urgence d’un nouveau design.
Axelle ROSE, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022- 2023.
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MCDONOUGH, William et BRAUNGART, Michael, Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, New York City, North Point Press, 2002, p. 33. ↩
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MCDONOUGH, William et BRAUNGART, Michael, Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, op. cit., p. 24. ↩
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Ibidem., p. 49. ↩
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Ibid., p. 70. ↩
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Id., p. 115. ↩
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Id., p. 149. ↩
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Victor PAPANEK, Design pour un monde réel, Dijon/Vienne, Les presses du réel/ Fondation Victor J. Papanek et Université des Arts appliqués de Vienne, traduit de l’anglais par Robert LOUIT et Nelly JOSSET, 2021, p. 24. ↩