MUNARI, Bruno, Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 1963 ; rééd. Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 2023.

Dans Good Design, Bruno Munari porte sa réflexion sur les différentes facettes de l’objet industriel. Son ouvrage suggère essentiellement une critique du design industriel et des designers qui créent des objets inutiles. Ainsi, il se questionne sur comment un objet peut être relever d’un « bon design » et, au contraire, ce qui en fait un mauvais.

L’auteur défend qu’un objet parfait, c'est-à-dire un objet qui constitue un « bon design », doit être cohérent dans sa forme, son usage et sa consommation. Pour asseoir sa thèse, Bruno Munari décrit, analyse et critique, d’après ces notions, trois objets de la nature (nous y reviendrons). On peut souligner que ce qui est intéressant ici est que, à l’inverse de la plupart des designers qui utilisent des exemples d’objets de design pour appuyer leur propos, on peut penser à Don Norman dans son livre Emotional Design Why we love (or hate) everyday things1, qui se réfère à la théière « basculante2 » de Ronnefeldt, Bruno Munari utilise des objets de la nature avec humour, mais aussi pour garder une objectivité dans sa critique du design industriel et pour assurer à son propos une forme de pérennité. En effet, les « objets » de la nature ne seront pas modifiés à l’inverse des objets industriels qui seront rapidement changés : son propos, datant de 1963, est donc toujours d’actualité en 2023.

L’auteur divise son ouvrage en trois parties, plus particulièrement en trois objets : l’orange3, le petit pois4 et la rose5. Il décrit ces objets, leurs formes, leurs usages et leur conception pour expliquer en quoi ils sont ou ne sont pas de bons objets de design. Premièrement, il qualifie l’orange comme étant un objet quasiment parfait. En effet, sa structure est simple et bien étudiée, il n’y a pas d’ajout esthétique superflu. Il a été conçu pour que l’on comprenne tout de suite son usage par sa forme. De plus, le designer se préoccupe du consommateur, notamment avec un pépin offert qui lui permet de créer ses propres oranges. Deuxièmement, l’apparence et l’utilisation du petit pois sont simples, en plus d’un travail de conception minutieux, très détaillé et « calculé avec une simplicité sévère6 ». Cet objet a été pensé pour le consommateur et l’usage qu’il en fait, même si sa production en différentes séries ne répond pas aux besoins du consommateur et crée une surconsommation. Enfin, contrairement aux deux autres objets, l’auteur insiste sur le fait que la rose est inutile. Cet objet est futile et difficile à utiliser (en raison de ses épines et de son arrosage quotidien). Bien que son esthétique soit plaisante, il s’agit là de sa seule qualité.

Tout au long de son ouvrage, Bruno Munari montre dans quelle mesure un objet peut être considéré comme un bon design. Selon lui, plusieurs caractéristiques sont à prendre en compte : la forme, la fonction, l’usage, la consommation et la production. Tout d’abord, l’usager de l’objet doit comprendre son utilisation juste par sa forme. Il doit également être simple. En effet, toute esthétique ajoutée qui n’a pas de fonction est inutile et ne sert en rien l’utilisateur dans sa consommation ou son utilisation de l’objet. Ensuite, l’objet doit être utile, facile et intuitif d’usage. La consommation de l’usager doit être réfléchie. Le designer doit avoir une réflexion constante en ce qui concerne les besoins mouvants et évolutifs de l’utilisateur, pour avoir une production de l’objet adéquate. En effet, celle-ci doit répondre aux besoins des consommateurs et doit faire preuve d’une « conscience de conception7 » qui évitera une surproduction et une surconsommation.

Cet ouvrage est important pour le champ du design car Bruno Munari amène une critique du design industriel. En effet, les designers ajoutent de l’esthétique sur les objets, ce qui ne participe pas à leur utilité. Or ce n’est pas l’objectif du design, qui doit contribuer à l’habitabilité du monde. L’auteur estime que l’esthétique inutile, encombre l’objet qui, en fin de compte, n'en a pas besoin. Ce livre permet de remettre en question le rôle des designers. Selon Bruno Munari, il s’agit de créer des objets utiles, simples et faciles d’usage, tout en ayant conscience de leur impact autant sur les consommateurs, que sur l’industrie, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, cela attire l’attention sur les répercussions du design, principalement sur l’environnement, la surproduction et la surconsommation dans notre société. Comme Bruno Munari, de nombreux designers s’intéressent aux problèmes de la surconsommation et de l’impact du design sur l’environnement. Par exemple, Victor Papanek, amène la question de l’éco-design ou encore du design durable, qui est un processus de design qui prend en compte les principes du développement durable dans la création et l’usage de ses objets. Il questionne, dans Design pour un monde réel8, le métier de designer, son impact sur l’environnement et le but du design.

Lucie BOULETIER et Margaux JOKIEL, Master 1 « Design, arts, médias », Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2023-2024.


  1. NORMAN, Don, Emotional Design Why we love (or hate) everyday things, New York, édition Basic Books, 2004. 

  2. NORMAN, Don, « Three Teapots », Emotional Design Why we love (or hate) everyday things, op. cit., p. 3-13. 

  3. MUNARI, Bruno, « Arancia », Good Design, Mantova, Corraini Edizioni, 2023, p. 8-10. 

  4. Ibidem., « Piselli », p. 16-18. 

  5. Ibid., p. 24-27. 

  6. Id., « Piselli », p. 18. 

  7. Id., « Arancia », p. 10. 

  8. PAPANEK, Victor, « Design pour un monde réel », Dijon, Éditions Presses du Réel, traduit par Rober Louit et Nelly Josset, 2021.