REMAURY, Bruno, Marques et récits. La marque face à l’imaginaire culturel contemporain, Paris, édition de l’institut français de la mode, 2004.
Dans Marques et récits, Remaury Bruno traite des marques, plus exactement des discours inhérents aux marques, de leur construction et de leur évolution. C’est une analyse formelle qui se base sur divers exemples marquants de l’histoire des messages de marque en France. L’auteur observe les liens qui unissent cette dernière aux grands récits culturels, d’où elle tire sa légitimité. En effet, toute la force d’une marque, ce qui la caractérise et ce sur quoi elle va travailler, va se construire sur une histoire ayant pour but de la définir et de créer des liens forts avec le consommateur. Cette histoire se base sur une rétrospection et sur une analyse du public visé d’où émergent des perspectives qui vont définir un récit culturel, stratégique. Pour l’auteur, il s’agit de mesurer les conséquences de l’institution croissante d’une culture de la consommation sur notre culture contemporaine. Il propose ainsi une lecture des formes de récits de marques à partir de différents exemples (d’Air France à Evian ou à Marlboro) à quoi succède l’analyse des récits culturels (Chanel, Dior et Saint-Laurent).
Cet ouvrage vise à poser la question des conditions d’apparition et de développement des formes d’adhésion à la marque par l’examen de la façon dont celle-ci emprunte des récits culturels qui la dépassent et du coup la transcendent1.Cette notion est la réflexion clé de cet ouvrage, celle sur laquelle l’auteur construit son discours. Le pouvoir de la marque et son efficacité résident en un équilibre entre distances suffisantes pour susciter le désir et proximité suffisante pour permettre l’achat2. De ce fait, la marque induit différentes formes de désirs liés à la reconnaissance d’un récit qui la dépasse et la transcende, rendant possible l’expression de toutes les croyances, le développement de toutes les mythologies.
Bruno Remaury construit son discours en trois temps. Il analyse d’abord les types de récits que mettent en place les marques. Ceux liés au temps, aux lieux, aux états, aux personnages, aux savoir-faire ou encore à la matière. Après une analyse poussée de Chanel, Dior et Saint Laurent, il étudie les récits de marque face à l’imaginaire culturel.
Marques et récits développe des concepts clés dans la compréhension du discours de marque. L’ouvrage traite du « dispositif narratif », de la projection du consommateur et par conséquent de son identification. Le dispositif narratif va construire une histoire en assemblant une série de faits ou d’évènements reliés soit directement à la marque, soit à un produit en particulier, en y appliquant un arc narratif. Ce sont ces particularités auquel le consommateur va s’identifier. Il traite bien évidemment du « récit », cœur de l’argumentation du discours de la marque, dont découlent les imaginaires culturels et la construction de son identité.
Le récit dans le design peut aussi permettre de transcender l’objet. Sans forcément parler de la marque, le produit peut être destiné à un type de consommateur et donc s’appuyer là-dessus dans son discours. Le récit de l’objet est un intermédiaire fort entre le designer et son client. C’est un outil immatériel mais très efficace. Selon cette efficacité, la culture en vient à « faire » la marque, elle va pleinement participer à son établissement. Si le système qui entoure l’objet de consommation fonctionne par association et/ou évocation, il va finir par croiser un récit plus large. Un exemple concret, la couture arrière des jeans Levi’s évoquerait les ailes de l’aigle des Rocheuses ; récit qui va finir par évoquer aux gens la conquête de l’Ouest. C’est à ce moment-là que la marque s’établit sur des récits culturels qui la dépasse, récit sur lequel elle va tout de même se fonder.
Emmanuelle ALENE, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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REMAURY Bruno, Marques et récits. La marque face à l’imaginaire culturel contemporain, Paris, édition de l’institut français de la mode, 2004. p. 19. ↩
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REMAURY Bruno, Marques et récits. La marque face à l’imaginaire culturel contemporain, op. cit., p. 17. ↩