1. Définition
La notion de « dispositif » est définie comme suit :
Le Robert, consulté en ligne le 16/12/2012, https://dictionnaire.lerobert.com/definition/dispositif.
On remarque que même si le mot dispositif peut être employé dans différents contextes, en des sens plutôt voisins pour les deux dernières acceptions : le dispositif renvoie à l’idée d’agencement.
Quelques citations permettant de mieux appréhender la notion :
« Concevoir l’exposition comme un dispositif, c’est considérer qu’une exposition n’est pas seulement un rassemblement d’objets sur lesquels est tenu un discours ; c’est souligner le fait qu’une exposition, qu’elle soit d’art, d’histoire ou de sciences, est aussi et surtout une structure architecturale et institutionnelle qui encadre le comportement physique et mental du visiteur d’exposition, le fait agir dans un certain cadre et un certain sens. »
Clémence IMBERT, « Un dispositif dans le dispositif. Les expositions de design graphique contemporain », Marges, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, n°20, 2015, p. 87.
« [...] on ne peut que s’interroger sur le fait que le dispositif fonctionne rarement tout seul puisqu’on lui adjoint la plupart du temps un prédicat : il est médiatique, communicationnel, managérial, télévisuel, numérique… »
Violaine APPEL, Hélène BOULANGER, Luc MASSOU, « Chapitre 1. Dispositif[s] : discerner, discuter, distribuer », Les dispositifs d’information et de communication, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, Culture & Communication, 2010, p.11.
« [...] j’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, [...] les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. »
Giorgio AGAMBEN, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot et Rivages, 2007, p.31.
À travers l’emploi que Giorgio Agamben en fait, nous comprenons que la notion de dispositif vise le caractère coercitif d’un agencement. Les dispositifs sont plus que jamais d’actualité, selon lui : ils nous entourent, font partie intégrante de nos vies mais ils sont aussi et surtout des moyens de nous formater et de nous contrôler.
2. De l’italien au français
Dans sa langue d’origine Giorgio Agamben indique par exemple :
« Tutti gli iPhone sono dispositivi, ma non tutti i dispositivi sono iPhone – deo gratias. Oppure, detto in altre parole: i device sono un sottoinsieme dei dispositivi, e questi non si lasciano in nessuna maniera ridurre a essi1. »
Amos BIANCHI, « Che cos’e’ un dispositivo », Adversus, 2014, p. 222 en ligne http://www.adversus.org/indice/nro-25/notas/X-25-12.pdf consulté le 05/11/2021.
« Il fatto è che secondo ogni evidenza i dispositivi non sono un incidente in cui gli uomini sono caduti per caso, ma essi hanno la loro radice nello stesso processo di “ominizzazione” che ha reso “umani” gli animali che classifi - chiamo sotto la rubrica homo sapiens. »
Giorgio AGAMBEN, Che cos’è un dispositivo ?, Milan, Nottetempo, 2006, p. 352.
Ici, on ne voit pas de grande différence dans l’appréhension du concept de «dispositif », on peut expliquer cela par le fait que les différents auteurs, dont Agamben, basent leurs propres écrits sur ceux d’un français : Foucault.
3. Explication et problématisation du concept
La notion de dispositif trouve son origine dans la religion comme l’explique Agamben. Dans l’usage commun trois significations existent. Il s’agit des dispositifs juridiques avec notamment la mise en place de lois pour encadrer les populations ou même les prisons pour surveiller les personnes qui n’ont pas respecté celles-ci. Les dispositifs militaires où des plans d’actions sont instaurés et enfin des dispositifs plus subtils, les technologiques (par exemple les téléphones portables, les ordinateurs, les caméras de vidéo-surveillance...). Ces derniers concernent tout le monde, ils se sont insérés dans nos vies et en font maintenant partie intégrante. Les dispositifs gouvernent les gens en leur privant de libertés, ils peuvent être des instruments de répression comme l’indique Foucault dans son livre Surveiller et punir3 : nous pouvons en effet voir dans l’architecture — prisons, hôpitaux, par exemple — et dans les agencements spatiaux en général des dispositifs.
Aujourd’hui les objets contemporains peuvent devenir des dispositifs. Il en est ainsi des appareils-photos qui sont des appareils ayant une fonctionnalité propre (prendre des photos), mais qui deviennent des dispositifs quand ils manipulent les photos, les retouchent et changent la réalité pour propager des fausses informations.
Même si nous admettons que les dispositifs sont nocifs pour nous et que nous pourrions nous en séparer, nous sommes assujettis à eux, le plus souvent de notre propre chef. Avec ceux-ci nous ne sommes plus des êtres humains mais des «profils», mais ces « outils » sont tellement ancrés dans notre quotidien que nous ne pouvons plus nous passer d’eux à moins de nous priver de toute vie sociale.
Quel est le lien entre design et dispositif ? De toute évidence le design a servi les dispositifs en participant à leur création. Pour mettre en lien le design et la notion de dispositif au sens du contrôle, nous pouvons prendre l’exemple des nouveaux portiques à la gare Saint Lazare4. Ceux-ci servent à première vue à renforcer la sécurité des usagers mais ces portiques électroniques permettent de connaître et de conserver les habitudes de déplacements des usagers et enregistrent même quel type d’usager passent les portiques (adultes, enfants, avec bagage ou sans bagage...) De même que le design influence la société par le biais de dispositifs, les dispositifs influencent les designers. En effet, les méthodes de travail des designers ont changé avec et grâce (ou à cause) des dispositifs : même pour trouver l’inspiration, il suffit à présent de taper un mot clef dans notre moteur de recherche pour trouver une idée facilement, là où nous pourrions aller chercher ailleurs dans notre environnement. Le résultat est que nous trouvons la même chose que des millions d’autres designers. En somme, sans même que nous nous en rendions compte, nous mettons en place un design linéaire et dépourvu de personnalité.
Lauriane GIRARD, Master 2 « Design Arts et Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022
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« Tous les iPhones sont des dispositifs, mais tous les dispositifs ne sont pas des iPhones - Dieu merci. Ou, en d'autres termes : les appareils sont un sous-ensemble de dispositifs, et ceux-ci ne se laissent nullement réduire à eux. » (Traduit par mes soins). ↩
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« Le fait est que, d'après toutes les preuves, les dispositifs ne sont pas un accident dans lequel des hommes sont tombés par hasard, mais ils trouvent leur origine dans le même processus d"homogénéisation" qui a rendu "humains" les animaux que j'appelle homo sapiens. » (Traduit pas mes soins). ↩
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Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975. ↩
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Malignej.transilien.com, consulté en ligne le 16/12/2021, https://malignej.transilien.com/2017/04/06/projet-nouveau-systeme-de-validation-a-paris-saint-lazare/ ↩