1. Définition

Dans Apprendre à voir l'architecture, ouvrage écrit par Bruno Zevi, l'espace architectural et l’expérience qu’on peut en avoir est considéré comme un concept central en architecture. Il écrit en effet :

« L'expérience spatiale propre à l'architecture se prolonge dans la ville, dans les rues, dans les places, dans les ruelles et dans les parcs, dans les stades et dans les jardins, partout où l'œuvre de l'homme a limité des “vides”, c'est-à-dire des espaces “clos”. Si, à l'intérieur d'un édifice, l'espace est limité par six plans, (plancher, toit et quatre murs), cela ne signifie pas qu'un vide compris entre cinq plans, comme une cour ou une place, ne soit pas aussi un espace “clos”. »

ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l’architecture, Paris, Éditions de Minuit, Collection Forces vives, traduit par Lucien Trichaud, 1959, p. 16.

Cette citation met en évidence comment cette notion organise et structure l'espace à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments, ainsi que les relations entre ces différents espaces. Ainsi, l'expérience spatiale propre à l'architecture ne se limite pas aux espaces strictement définis par les murs d'un bâtiment, mais s'étend également aux espaces ouverts dans l'environnement urbain plus large. Bruno Zevi insiste sur le fait que les vides ou les espaces clos créés par les bâtiments doivent être considérés comme des espaces architecturaux à part entière, qui sont tout aussi importants que les espaces intérieurs. En cela, l’auteur cherche à encourager ses lecteurs à adopter une approche plus holistique de l'architecture, qui prend en compte l'ensemble de l'environnement bâti et sa relation avec l'environnement naturel. L'espace architectural est donc un concept central en architecture, car il permet de comprendre comment les éléments physiques d'un bâtiment sont organisés pour créer un environnement spatial qui répond aux besoins et aux aspirations des individus et des communautés.

2. De l’italien au français

Le mot « architecture » a évolué au fil du temps. Il est attesté pour la première fois dans le français de la fin du XV^e siècle sous la forme archisseture, qui signifie « art de construire des édifices ». Le terme est emprunté au latin architectura, qui signifie « art de construire ». Ce mot est attesté dès l'époque de Cicéron et est utilisé par l'architecte romain Vitruve dans son traité De Architectura. En italien, le mot est attesté au début du XVI^e siècle dans le sens de « art de construire » et au début du XVIII^e^ siècle dans le sens de « ensemble des caractéristiques d'un édifice¹ ».

L'origine latine du mot, architectura, est une expression qui renvoie à l'idée d'art de construire, telle qu'elle était comprise à l'époque romaine. Cet héritage culturel suggère une continuité de sens à travers les siècles, même si le mot a pris des significations nouvelles. Cependant, l'évolution du mot au fil des siècles met en évidence une évolution sémantique. Son sens initial était « art de construire des édifices », ce qui renvoie à une idée de construction et d'élaboration. Au fil du temps, le mot a pris des significations plus larges, telles que « mode de construction », « édifice ou monument d'architecture » et « structure, forme ». Cette évolution suggère une extension du champ sémantique du mot, passant d'une signification plus spécifique à une signification plus large et plus générale.

Dans l'ouvrage Storia dell'architettura italiana de Bruno Zevi, l'auteur explique que l'architecture doit être considérée comme un espace, et non simplement comme un ensemble de formes ou de structures. Il utilise souvent le terme italien « spazio» pour se référer à l'espace architectural, mais il l'utilise également dans un sens plus large pour décrire les relations entre les différents éléments de l'architecture. Le fait que l’auteur soit italien et écrive dans sa langue maternelle est important pour comprendre l'utilisation qu'il fait du terme « spazio ». En italien, ce terme peut être compris dans un sens plus large que la simple traduction française « espace ». Pour lui, « spazio » renvoie à la fois à l'espace physique et à l'expérience sensorielle de cet espace. En d'autres termes, il ne se limite pas à la dimension purement matérielle de l'espace architectural, mais prend également en compte l'expérience émotionnelle et esthétique de celui-ci. Cette nuance est importante pour comprendre l'approche que Bruno Zevi développe de l'architecture. En utilisant ce terme, il met en avant l'importance de l'expérience humaine dans la perception de l'espace. Il ne se contente pas de décrire les caractéristiques physiques de l'espace architectural, mais cherche à comprendre comment cet espace est perçu et vécu par les individus qui y évoluent.

3. Explication du concept

L'espace architectural, qui est un concept fondamental, peut être défini de différentes manières selon les théoriciens et les praticiens. Pour Bruno Zevi dans Apprendre à voir l'architecture², il ne se limite pas à la simple accumulation de volumes, mais doit être conçu comme un ensemble cohérent et dynamique, qui peut être appréhendé à travers différents points de vue et perspectives. En effet, ce concept doit être pensé en fonction de son contexte, de son usage et de ses usagers, de sa dimension émotionnelle, en lien étroit avec les questions de forme, de proportion, de lumière et de matérialité, ainsi que d’environnement. Par exemple, des espaces lumineux et ouverts peuvent aider à réduire le stress et à améliorer l'humeur des usagers du bâtiment, ce qui peut conduire à une meilleure productivité et une satisfaction accrue. Un bâtiment qui utilise des matériaux recyclés, peut quant à lui créer une ambiance écologique et durable qui inspire le respect de l'environnement.

De plus, l'étude de l'espace architectural dans l’ouvrage de Bruno Zevi permet au lecteur de comprendre comment les architectes ont réussi à transformer la matière brute en un espace habité. Un exemple concret de cela est l'utilisation du béton comme matériau brut pour créer une architecture expressive, comme dans le cas du musée Guggenheim à New York conçu par Frank Lloyd Wright. Le musée est conçu avec une forme organique unique qui rappelle un coquillage en spirale. Cette forme a été rendue possible grâce à l'utilisation du béton, qui a été versé sur place pour créer une structure solide et durable. En utilisant le béton comme un matériau brut, Wright a pu créer un espace architectural qui est à la fois fonctionnel et artistique.

4. Problématisation

La notion d'espace architectural est une notion complexe et multidimensionnelle qui pose des problèmes pour l'histoire du design et sa théorisation. En effet, cette notion ne peut pas être réduite à une simple dimension physique ou esthétique, mais doit être comprise dans toutes ses dimensions : spatiales, temporelles, sociales, culturelles et symboliques. De plus, l'histoire de l'architecture est marquée par des périodes de changement radical dans la conception de l'espace. Par exemple, la Renaissance a introduit de nouvelles façons de concevoir l'espace architectural, avec l'importance accordée à la perspective linéaire, la symétrie et la proportion. De même, le mouvement moderne a remis en question les anciennes notions d'espace en introduisant des concepts tels que la fonctionnalité, la flexibilité et l'ouverture. Ces changements dans la conception de l'espace architectural soulèvent des questions importantes pour la pratique et la théorisation du design. Comment peut-on intégrer les nouvelles conceptions de l'espace tout en préservant la richesse de l'héritage architectural ? Comment peut-on concevoir des espaces qui répondent aux besoins des utilisateurs tout en créant une expérience esthétique significative ? À travers sa problématisation de la notion d’espace architectural, Bruno Zevi montre comment l'architecture doit constamment évoluer pour répondre aux besoins de la société tout en préservant la richesse de l'héritage architectural. Il souligne également l'importance de la dimension émotionnelle de l'architecture. Les bâtiments ne sont pas seulement des structures fonctionnelles, mais aussi des lieux où les gens vivent, travaillent et se rassemblent. En prenant en compte ces différents aspects, ce dernier nous montre comment l'architecture peut évoluer tout en préservant sa fonctionnalité, sa beauté et sa signification culturelle.

Figure 1. Espace architectural, Melina Lannak

Melina LANNAK, Licence 3, « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.