1. Définition
Le mot « vide » est un adjectif et nom masculin défini par Le Robert comme quelque chose « qui ne contient rien de perceptible » où qui est « dépourvu de son contenu normal ».
Le Robert, [en ligne], URL : "https://dictionnaire.lerobert.com/definition/vide"
Quant au Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, il indique plusieurs sens du mot : en premier, il se réfère à la spatialité « qui ne contient rien de concret » ; deuxièmement, en science physique, il renvoie à quelque chose qui est « inoccupé par la matière. Ce qui est intéressant aussi, c'est de voir la liste des synonymes qui sont associés au « vide » et qui témoignet d'un sens péjoratif du terme : inutile, stérile, abandonné et néant.
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne], URL:"https://www.cnrtl.fr/definition/vide"
En ce qui concerne le champ du design, Kenya Hara nous donne une définition personnelle qui reflète ce qu'est l'esthétique japonaise ; le vide possède une caractéristique inhérente avec le blanc et contient une dimension matérielle et spatiale. Il écrit en effet :
« White can also contain temporal and spatial principles like ma (an interval of space and time)1 ».
Kenya Hara, White, Baden, Lars Müller Publishers, 2008, p. 8.
Il est précieux, pour la compréhension de la notion, d'observer les différentes conceptions du mot en fonction des cultures : l'Occident suggère un espace immatériel dépourvu de potentialité tandis que l'esthétique japonaise entend comme une spatialité matérielle non perceptible.
2. Du Japonais au français
Le terme « vide » en japonais se compose de deux caractères : 空 « kuu », qui signifie la matérialité du ciel associé à l'air vide et 白 « haku », qui signifie la couleur blanche. À travers le bouddhisme zen, le concept permet d'être mieux compris : associé à la création, le vide est la non manifestation d'une chose qui a la potentialité d'être montrée, créée dans le futur.
Dans le livre White, le nom subit plusieurs dégradations, du japonais à l'anglais au français et, par conséquent, une perte dans l'idée du concept original. En Anglais, « emptiness », exprime le contenu d'un volume, ainsi il se distingue du mot « nothingness » qui porte un sens négatif du vide. Quant au mot en français « vide », il a un sens négatif. Au fil des traductions, le terme devient contraire à la pensée de l'auteur. Là où l'anglais et le français demeurent sur l'aspect incorporel du vide, ils négligent sa potentialité à être remplie dans le futur, comme l'auteur l'exprime dans l'occurrence suivante :
« Yet emptiness doesn't mean nothingness or energy less; rather, in many cases, it indicates a condition, or kaizen, which will likely be filled with content in the future2. »
Kenya Hara, White, Baden, Lars Müller Publishers, 2008, p. 36.
3. Explication du concept
Le vide est une notion spatiale et temporelle qui est liée essentiellement au blanc puis à la simplicité. Le vide associé au blanc, « kuhaku » (空白) en japonais, forme un espace matériel ouvert qui agit comme un réceptacle, il est à la fois présent et absent.
La simplicité guide le vide dans cet intervalle dans la mesure où l'esprit de chaque individu y réside et permet d'être étendu à l'intérieur de cet espace. Les arts japonais comme l'art de l'ikebana, le wabi-sabi, les jardins zen et la cérémonie du thé illustrent parfaitement ce concept.
On trouve une illustration du vide dans l'exemple de la maison de thé. L'architecture et la disposition de l'espace permettent de savoir comment atteindre ce niveau de simplicité, mais aussi de voir comment l'espace peut être transformé afin que la conscience humaine puisse s'élever à un niveau métaphysique. En effet, l'espace a été conçu afin de se concentrer sur l'essentiel et de pousser l'imagination et l'interprétation (mitate). Cette simplicité amène à la libération de l'esprit.
4.Problématisation
L'esthétique japonaise questionne notre perception de la simplicité. Influencée par la culture zen traditionnelle, cette esthétique repose principalement sur un vide potentiel que l'on pourrait lier à une épuration des formes.
Cependant, ces origines divergent avec la simplicité telle qu'il est appliquée dans le design industriel. En effet, ce dernier découle d'une rationalisation et d'une réduction des formes.
Nous pourrions essayer de retracer l'histoire de la simplicité à partir du constat de Henry Van de Velde qui souhaite obtenir une beauté sensible et rationnelle grâce à une neutralité des formes conformes à l'usage. Autre point de repère, le designer Raymond Loewy était pour une simplification de la ligne. En revanche, il utilisait cette simplicité pour cacher la laideur des objets industriels car, selon lui, la fonctionnalité seule ne permet pas de produire la beauté. Mais quand on regarde ce que produit Loewy, ces objets montrent plus un voilage du produit par un ornement excessif. On pourrait qualifier cette simplicité d'ingénuité tandis que la simplicité japonaise serait plutôt une épuration des formes dans le sens de la purification, la clarification vers l'apparence.
On pourrait aussi peut effectuer une comparaison entre le design de Kenya Hara et celui du designer industriel allemand Dieter Rams qui a pour objectif d'avoir une esthétique restreinte et une optimisation des fonctionnalités afin d'obtenir un design orienté vers l'utilisateur.
En définitive, la simplicité telle qu'est appliquée dans le design japonais est de l'ordre de l'épure et elle est un moyen de révéler la fonction d'usage d'un objet. Ce design s'attache à la création d'objets qui ont du sens et, grâce à l'emploi du vide, il permet d'atteindre l'imagination des individus.
5.Illustration
Figure 1. Kuhaku, Keiza Ibo
Keïza IBO, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1-Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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« Le blanc peut également contenir des principes temporels et spatiaux comme ma (un intervalle d'espace et de temps). » Traduit de l'anglais, Kenya HARA, White, Baden, Lars Müller Publishers, 2008, p. 36 ↩
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« Pourtant, le vide ne signifie pas le néant ou la diminution de l'énergie ; au contraire, dans de nombreux cas, il indique une condition, ou kaizen, qui sera probablement remplie de contenu à l'avenir. » Traduit de l'anglais, Kenya HARA, White, op.cit, 2008, p. 36. ↩