BOSQUÉ, Camille, Open Design, fabrication numérique et mouvement maker, Paris, B42, Collection Esthétique des données, 2021.
Dans Open Design, fabrication numérique et mouvement maker, Camille Bosqué nous propose de re-questionner nos modèles industriels, selon une logique de décentralisation et d'open design, impliquant des enjeux de collaboration et de participation des usagers dans la conception et la fabrication de leurs objets.
Elle propose de valoriser la fabrication numérique et les mouvements makers, afin de réfléchir en « design ouvert ». Cette logique s'appuie sur la collaboration de différents individus, que ce soient les futurs usagers, concepteurs ou bien ingénieurs, et la fabrication d'objet par des machines et des systèmes numériques, utilisant des plateformes partageant publiquement et gratuitement des fichiers et informations. Il s'agit de faire émerger « des pratiques dérivées, qui ont pour objectif de simplifier l'accès à des mondes techniques complexes1 ».
Pour soutenir sa thèse et engager ce type de pratiques, Camille Bosqué commence par contextualiser et explorer les trajectoires de projets possibles fonctionnant en open design en définissant l'émergence des mouvements makers et des FabLabs, nouveaux tiers-lieux. Elle traite de leurs impacts dans la modification de nos systèmes de production et de consommation, mais aussi dans nos rapports entre designers et utilisateurs.
Dans un second temps, elle questionne les transformations que connaîtrait notre monde si nos objets étaient réparables à l'infini2, en s'appuyant sur des exemples comme le Jerry, serveur informatique montable à partir de composants électroniques récupérés ou bien l'Increvable machine à laver réparable par l'usager3. En adoptant cette posture de projets ne s'inscrivant pas dans un système capitaliste de production, nous nous opposons donc à l'obsolescence programmée4 et nous nous inscrivons dans une démarche dans laquelle l'utilisateur devient « maker ». La production devient donc « standardisée ouverte » : les méthodes de financement et de rétribution s'adaptent selon de nouveaux critères comme la complexité et la difficulté des pièces.
Dans un troisième temps, elle traite de l'éthique du hacker, à l'origine du maker, non pas soumis à un devoir financier ou moral mais passionné par le fait de s'inscrire en dehors des marchés de la société. En favorisant des systèmes ouverts, les individus trouvent des réponses à des situations déjà existantes, mais en devenant cette fois-ci des « opérateurs » et non des consommateurs. Le mouvement maker est ainsi spatialité dans les FabLabs, tiers-lieux neutres, libres d'accès dont les intentions sont le partage, l'expérimentation et l'appropriation des techniques, l'autonomie et la coopération, afin de s'écarter des institutions établies.
Elle conclut en affirmant que ces pratiques en réseaux restent en transition. Or, les FabLabs sont porteurs d'inclusion et d'apprentissage numérique, assurant aux usagers la capacité de produire des projets non futiles mais bien pensés par eux-mêmes, dont les enjeux de réparabilité et de cycle de vie doivent être pris en compte. L'open design permet une mutation du design par un changement de rapport entre concepteur, usager et méthodes de fabrication et de distribution.
Camille Bosqué traite de trois concepts essentiels tout au long de son ouvrage. Tout d'abord, celui de « décentralisation » pour parler de la diffusion et de l'ouverture aux méthodes de production des objets, pour tous les individus. C'est ce que sous-entend l' « open design », second concept, impliquant directement, dans la fabrication d'objets, les utilisateurs avec notamment les FabLabs, systèmes Open-Source, accessibles à tous. Cette implication met les individus dans une position de « maker », troisième concept, en les faisant prendre part à des projets techniques afin qu'ils adaptent les objets à leurs besoins et envies.
L'open design et le mouvement maker peuvent être perçus comme un prolongement numérique des principes du DIY et du bricolage, illustrés par des projets comme le manifeste Proposta per un'Autoprogettazionne d'Enzo Mari en 1974, visant à court-circuiter les schémas classiques de production, ou bien avec ceux du studio Droog Design dans les années 90. Le savoir de conception et de fabrication est partagé, incitant ainsi les individus à expérimenter des matériaux et techniques, non pas dans un souci de rentabilité, mais bien dans un désir d'émancipation face aux méthodes de productions standardisées. Ces notions peuvent aussi se lier à la culture numérique, par les problématiques en communs qu'ils soulèvent autour des nouvelles compétences techniques matérielles et intellectuelles liées à l'apparition des nouvelles technologies et d'Internet, générant ainsi de nouvelles pratiques, de nouveaux modes de pensée et de nouvelles valeurs.
Florie SOUDAY, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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BOSQUÉ, Camille, Open Design, fabrication numérique et mouvement maker, Paris, B42, Collection Esthétique des données, 2021, Introduction, p. 27. ↩
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BOSQUÉ, Camille, Open Design, fabrication numérique et mouvement maker, op. cit., Chapitre 2, p. 55. ↩
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Ibidem, Chapitre 2, p.60 et p. 70. ↩
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Ibid., Chapitre 2, p. 67. ↩