MUNARI, Bruno, Arte Come Mestiere, Milano, Laterza, Universale Laterza, 1966.
MUNARI, Bruno, L’art du design, Paris, PYRAMYD, coll. : T, 2012.
Dans L’art du design, Bruno Munari cherche à répondre aux problèmes de créations de son époque, en se demandant dans quelle mesure le design et l'art impactent la conception d'objets industriels.
Il débute son livre par la notion de « machines inutiles », une création personnelle constituée d’éléments mobiles qui sont inutiles parce qu’ils ne remplissent aucune fonction reliée à la consommation de produits. Puis il compare ces mobiles avec les peintures et les sculptures contemporaines pour introduire le concept d’objets industriels versus œuvres d’art. L’introduction de ce concept sert à la formulation de sa thèse. En effet, Bruno Munari se demande jusqu’à quel point l'artiste qui ne crée que des chefs-d'œuvre peut encore être utile dans la conception d'objets dans une société tournée vers les productions de masse. Il répond en détruisant le mythe de l’artiste vedette et en substituant à ce dernier le personnage du designer1.
Pour asseoir sa thèse, Munari critique les productions de son époque qui sont uniquement esthétiques sans aucune fonction ou finalité bien précise2 . Il décrit d’autre part le profil du vrai « concepteur industriel » qui est « le designer ». Il s’agit d'un concepteur qui, doué techniquement, use des moyens les plus adaptés pour résoudre les problèmes de la société 3. Il précise que le designer renoue le « contact, autrefois perdu, entre art et grand public4 », contrairement à l’artiste classique. Enfin, il évoque plusieurs théories du design qui s’opposent à celles de l’art classique, comme par exemple la notion de la « cohérence formelle ». Munari assume que « ce n’est plus la beauté mais la cohérence formelle qui prime5 ». Il conclut sur ce point : « Le “beau” est la conséquence de la “logique”. D’une conception logique résulte un bel objet. Mais ce n’est pas sa ressemblance avec une sculpture, même moderne, qui le rend beau, il est beau en soi6. »
Chemin faisant, Munari forge ou retravaille certains concepts. Il s’agit de notions clés comme « Le Styliste » qui se sent très proche des artistes des chefs-œuvre du passé selon Munari, car il « puise son inspiration dans les formes et la mode7 », « l’idée étrange » et « la science-fiction », sans tenir compte de la finalité du produit8. Un autre notion clé employée par Munari est la « simplicité » qu’un artiste, avec ses techniques révolues, n'aura aucun intérêt à utiliser, contrairement à un bon designer. Le « designer » assure la « simplicité » au stade de la conception d’un objet, pour ne pas occuper trop de volume lors du stockage en magasin et permettre d’abaisser les coûts d’un produit afin d’augmenter ses ventes.9
On conclut alors que l’intérêt de Munari est de montrer l’importance du design dans la conception des objets, que l’art seul ne peut pas couvrir. Dans ce livre des années 1960, Munari fait évoluer les idées datant du Bauhaus même s’il cherche, lui aussi, comme Gropius, à former un « type d’artiste utile à la société afin que celle-ci retrouve son équilibre ». Munari présente ce type d’artiste sous l’appellation d’un « designer » qui conçoit des objets industriels en pensant la forme, la fonction et le coût du produit.
Patricia LAYOUN, Master 1, « Design, Arts, Médias », Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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Bruno MUNARI, L’art du design, Paris, PYRAMYD, :T, 2012, p. 18 ↩
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« On juge désormais les objets d’après leur cohérence entre forme et fonction, entre matériaux, possibilités de construction et coûts de production, d’après une structure logique des pièces. »
Bruno MUNARI, L’art du design, op. cit, p. 27 ↩ -
« L’artiste doit renoncer au romantisme pour devenir un actif comme les autres, au courant des techniques actuelles, des matériaux et des méthodes de travail et, sans brider son sens esthétique inné, répondre avec humilité et savoir-faire aux demandes de la société. »
Ibidem, p. 18 ↩ -
« À l’heure actuelle, le designer rétablit le contact, autrefois perdu, entre art et public ; entre art vivant et public vivant. On ne parle plus de tableaux accrochés dans le salon, mais d’électroménager pour la cuisine. »
Ibid. p. 18 ↩ -
Bruno MUNARI, L’art du design, Paris, PYRAMYD, :T, 2012, p. 23 ↩
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Ibidem., p. 27 ↩
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Ibid., p. 38 ↩
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«[…] Lors de n’importe quelle conception ; (…) l’unique préoccupation est d’arriver à une solution selon les paramètres de l’objet en lui-même, sa finalité, etc. »
Bruno MUNARI, L’art du design, op.cit, p. 38. ↩ -
« Ôter au lieu d’ajouter : cette règle signifie simplifier en éliminant le superflu pour élaborer l’objet essentiel, si simple qu’il est impossible de faire plus simple. »
Ibidem, p. 127 ↩