1. Définition
La notion de « créativité » est définie par Le Robert comme un « Pouvoir de création, d'invention. »
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/creativite, consulté le 12 décembre 2021.
Cette question de « pouvoir » n’étant pas très claire, elle peut se préciser, pour ce qui concerne le design, à travers son usage comme le montre la citation suivante :
« Lors du processus de conception, la créativité joue un rôle crucial dans les étapes initiales ou conceptuelles (conceptual design), au cours desquelles le concepteur définit, dans les grandes lignes, les caractéristiques du produit qu’il doit élaborer. »
Nathalie BONNARDEL, Le Travail Humain, Vol. 72, Paris, Presses Universitaires de France, 2019, p. 5.
La créativité n’a rien d’occulte, le pouvoir de créer ou d’inventer s’apprend et s’exerce à travers la pratique du projet et à propos d’objets précis.
2. Du français à d’autres langues
Le mot français de créativité a son équivalent dans d’autres langues. En anglais, creativity, qui vient lui-aussi du mot latin creare. Create est apparu dans la langue anglaise à partir du 14ème siècle pour décrire la création divine. Par contre, sa définition moderne comme acte de création humaine n’est apparue que pendant le Siècle des Lumières1. Là encore, comme en français, c’est la question un peu mystérieuse du pouvoir qui affleure, y compris dans des manuels qui s’en défendent dans la mesure où il sont censés expliquer comment l’acquérir. On trouve par exemple:
« The study of creativity has always been tinged – some might say tainted – with associations to mystical beliefs. Perhaps the earliest accounts of creativity were based on divine intervention. The creative person was seen as an empty vessel that a divine being would fill with inspiration. The individual would then pour out the inspired ideas, forming an otherworldly product2. »
Robert J. STERNBERG, Handbook of Creativity, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 4-5.
3. Explication du concept
En s’appuyant sur la citation de Bonnardel et celle de Sternberg, on peut dire que la créativité met en évidence la capacité d'un individu à imaginer, à construire et mettre en œuvre un nouveau concept, un nouvel objet, ou à découvrir une solution originale à un problème.
On retrouve la créativité dans divers domaines comme le design, la musique, le cinéma, l’architecture, la peinture et même dans des domaines moins évidents comme les mathématiques, la médecine, la psychothérapie et l’humour. Les critères de la créativité sont souvent le nombre de solutions, le temps de réponse, la vitesse de production et l’originalité. La question, dans le champ spécifique du design, tient peut-êtreà la distinction entre créativité et innovation, la seconde renvoyant au carctère utlitaire, finalisé, de ce qui est imaginé, construit, découvert, etc. Mais toute innovation ne remplissant pas forcément ces attendus, se pose le problème d’un troisième terme entre créer et innover.
4. Problématisation
Les innovations significatives ou les nouveaux concepts de design sont souvent présentés comme résultant d'inspirations soudaines ou de bonds créatifs. On peut considérer ces bonds créatifs comme un élément central du processus de conception. En effet, la capacité d'expérimenter, d'apprécier les erreurs et d'en tirer des leçons, ainsi que de tirer parti de l'expérience acquise, est la marque d'un individu véritablement créatif et performant, quel que soit son domaine et donc, a fortiori, dans le champ du design. On peut alors noter que les artistes qui réussissent suivent généralement le même schéma pour développer leurs idées créatives. Dès lors, quest-ce qui différencie l’art du design ? Peut-on supposer que ces derniers sont moins conscients du processus qu'ils suivent ? Moins soucieux de le formaliser?
On pourrait définir le pouvoir créatif des designers comme l’accumulation de leurs expériences et connaissances liées au design. Cette accumulation serait ainsi une boîte à outils dont ils peuvent se servir, ouvrir à volonté pour résoudre un nouveau problème. La créativité prend donc un rôle moins mystique et plus matériel, peut-être, qu’en art.
La créativité n’est sans doute pas grand chose hors d’un contexte. On peut relier ce dernier point au fait que chaque époque est contemporaine d’un ou plusieurs styles qui passent de mode au fur du temps pour accueillir une nouvelle époque avec des nouveaux styles. On pourrait donc dire que la créativité des designers et architectes (et sans doute aussi des artistes) est à l’origine de ces nouveaux styles mais on peut aussi soutenir l’inverse : que leur créativité est influencée par l’air du temps. Les œuvres de Ricardo Bofill jouent avec cette tension : le quartier d’Antigone, à Montpellier, semble appartenir à une autre époque avec ses structures néo-classiques. On peut qualifier cette œuvre comme un exemple de créativité anachronique qui n’est pas influencée par son époque. Pourtant, on peut aussi dire que Bofill est influencé par son époque puisqu’il fait exprès d’aller contre le style de celle-ci. En somme, le pouvoir de la créativité tient peut-être à ce qu’il inflence et est influencé par son contexte.
Lorenzo PALACIO, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.
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John DACEY, Concepts of Creativity: A history, Encyclopedia of Creativity, Vol. 1, Millbrae, California Academic Press, 1999. ↩
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« L'étude de la créativité a toujours été teintée — certains pourraient dire entachée — d'associations avec des croyances mystiques. Peut-être que les premiers récits de créativité étaient basés sur une intervention divine. La personne créative était considérée comme un vase vide qu'un être divin remplirait d'inspiration. L'individu répandrait alors les idées inspirées, formant un produit venu d'un autre monde». Traduit par nos soins. ↩