Typographie

1. Définition

Le terme de « typographie » connaît des définitions voisines. On trouve par exemple :

« A – IMPRIMERIE

Procédé d’imprimerie dans lequel l’impression est réalisée par des caractères en relief assemblés et mis en page.

B – Par métonymie

1. Composition typographique.

2. Manière dont est composé un texte (qualité des caractères, de la mise en page).

3. Atelier où les typographes font la composition et la mise en page. »

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne], URL : https://www.cnrtl.fr/definition/typographie, consulté le 15/04/2021.

Ou encore :

« Procédé de composition et d’impression sur formes en relief (caractères mobiles, gravures, clichés). Quel que soit le procédé d’impression, conception graphique d’un ouvrage en choisissant les caractères, les corps, la présentation, en déterminant la dimension du texte, des illustrations (et leur situation dans le texte). »

Dictionnaire Larousse, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/typographie/80385, consulté le 15/04/2021.

Le Robert semble plus précis :

« 1. Ensemble des techniques permettant de reproduire des textes par l’impression d’un assemblage de caractères en relief (par opposition aux procédés par report : offset, etc.) ; Spécialement les opérations de composition.

2. Manière dont un texte est imprimé (quant au type des caractères, à la mise en page, etc.)

Abréviation : typo »

Dictionnaire Le Robert, [en ligne], URL : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/typographie, consulté le 15/04/2021.

Mais il n’égale pas les dictionnaires spécialisés, tel le Dictionnaire du graphisme qui propose :

« Typographie. Ordonnancement et spécification d’une composition en vue de son impression. Traditionnellement associée aux travaux d’impression typographique, s’applique désormais également aux travaux réalisés avec tout système de composition. »

Alan et Isabella LIVINGSTON, Dictionnaire du graphisme, Paris, Thames & Hudson, 1998, p. 188.

Quelques occurrences mettent l’accent sur la polysémie du terme et établissent un lien avec le design.

« Alors que le format de l’imprimé, la taille et la disposition des colonnes de texte et des illustrations, la hiérarchisation des titres et des légendes font partie de la macrotypographie – agencement de l’espace typographique, mise en page – la notion de “détail typographique” renvoie aux éléments suivants : la lettre, l’interlettrage, le mot, l’espace, la ligne et l’interlignage, la colonne. »

Jost HOTCHULI, Le détail en typographie. La lettre, l’interlettrage, le mot, l’espacement, la ligne, l’interlignage, la colonne, [2005], Paris, B42, traduit de l’allemand par Victor Guégan, 2015, p. 7.

« En français, ce terme est fortement polysémique – il correspond en effet à quatre activités, certes apparentées, mais différentes. C’est d’abord le nom savant de l’imprimerie en caractères mobiles métalliques, la technique de reproduction mécanique du texte inventée par Johann Gutenberg au milieu du XVe siècle. Par extension, il désigne ensuite tous les procédés utilisant des formes imprimantes en relief, c'est-à-dire qui fonctionnent selon les mêmes principes fondamentaux que le système gutenbergien […]. En troisième lieu, c’est l’activité consistant à concevoir la forme graphique de la page imprimée : il s’agit donc d’une discipline relevant du champ du design, même si l’époque classique distingue très rarement la phase de création (choix du caractère, des marges, de la composition globale de la page, etc.) de celle, purement technique, de réalisation de la forme imprimante elle-même. […] Enfin, la création de caractères typographiques, de la gravure de poinçons aux fontes numériques contemporaines, est également de la typographie. »

Stéphane DARRICAU, Culture graphique : une perspective de Gutenberg à nos jours, Paris, Pyramyd, 2014, p. 271-372.

2. De l’allemand au français

Le terme qui advient en Allemagne lors de la naissance de l’imprimerie est typografie. La racine grecque du terme est tuptein qui signifie « faire une empreinte, frapper (une monnaie). » En anglais, il donne lieu à trois terminologies distinctes : typography, type design et typeface, comme en témoignent les trois citations ci-après.

There is no such thing as a bad typeface…just bad typography.

Typographers are always quick to criticise, but it is rare to hear them admit that it is a typeface that makes their typography look good. Good typographers can make good use of almost anything. The typeface is a point of departure, not a destination1.”

Jeffery KEEDY, “The rules of typography according to crackpots/experts”, Eye, n°11, vol.3, 1993, [en ligne], disponible sur : http://www.eyemagazine.com/feature/article/the-rules-of-typography-according-to-crackpotsexp\, consulté le 2 avril 2020.

“For me, typography is a triangular relationship between design idea, typographic elements, and printing technique2.”

Wolfgang WEINGART, “How can one make swiss typography?”, [1972], in Michael BIERUT, Jessica HELFAND, Steven HELLER, Rick POYNIR (dirs.), Looking Closer 3: Classic Writings on Graphic Design, New York, Allworth Press, 1999, p. 224.

“Typography is the art of designing letterforms and arranging them in space and time. Since its invention during the Renaissance, typography has been animated by the conflict between fixed architectural elements -such as the page and its margins- and the fluid substance of written words3.”

Ellen LUPTON, “Fluid Mechanics: Typographic Design Now”, [en ligne], mis en ligne le 29 novembre 2004, disponible sur : https://www.typotheque.com/articles/fluid_mechanics_typographic_design_now>, consulté le 3 avril 2020.

3. Explication du concept

La naissance de la typographie cristallise les différentes définitions de ce terme. Allant de pair avec l’invention de l’imprimerie, la typographie consiste initialement à composer les pages, qui seront imprimées à l’aide de caractères mobiles gravés.

Il convient de distinguer deux activités que recouvrent la typographie : la typographie en tant que dessin de caractères d’une part, et la typographie comme composition d’un texte imprimé d’autre part. Ainsi, la typographie se déploie sur plusieurs échelles. À l’échelle de la lettre, elle consiste à définir la forme des caractères. À cette échelle déjà, il appartient au typographe de décider de paramètres qui vont influer sur la composition des lettres et du texte : la hauteur d’œil (hauteur d’un caractère en bas-de-casse sans les parties ascendantes ou descendantes), la chasse (largeur d’un caractère) ou le crénage (espace ajusté entre deux caractères) par exemple. À l’échelle du texte, la typographie concerne des choix de mise en page d’un texte, et d’optimisation en vue de sa lisibilité : l’interlignage (espace entre les lignes) contribuant au gris typographique (vision d’ensemble que l’œil a d’un texte) ou le ferrage (l’alignement) du texte par exemples. L’emploi du terme « typographie » est donc ambigu, car cette activité recouvre en fait de multiples opérations sur la lettre et le texte.

Enfin, le terme est également employé pour désigner « une » typographie en particulier : dans ce sens, il désigne une famille de caractères, qui regroupe éventuellement plusieurs styles. Une typographie est l’œuvre d’un dessinateur de caractères, et elle est généralement commercialisée par une fonderie, afin d’être utilisée par les designers notamment. Par exemple, le caractère Bely de Roxane Gataud, commercialisé par la fonderie TypeTogether, a été utilisé par l’agence CL design pour le livret de l’exposition « Le sacré de Napoléon » au Musée de l’Armée des Invalides. Ce même caractère a été utilisé par Anette Lenz pour le programme Transmissions du musée des Arts Décoratifs en 2016.

4. Problématisation

En français, seul le terme « typographie » existe pour désigner plusieurs réalités : aussi bien une typographie que la typographie, discipline qui elle-même peut correspondre à plusieurs activités. En anglais, une multitude de termes existe pour distinguer ces différents sens. L’abréviation type serait l’équivalent de typographie : un terme assez vague dont le sens dépend du contexte où on l’emploie.

En anglais une typographie particulière se traduit par typeface, insistant ainsi sur le dessin et la forme d’une famille de caractères. Typedesign correspond à la typographie à l’échelle de la lettre, soit l’activité qui consiste à créer et dessiner cette famille de caractère. Enfin typography, la traduction la plus littérale du terme français, correspond à la typographie à l’échelle du texte, soit à l’apparence d’une page imprimée.

La langue anglaise disposant de trois termes là où le français n’en possède qu’un, il convient de s’interroger sur l’unité de cette activité : le typographe va-t-il intervenir aux deux échelles, celle de la lettre et celle du texte ? D’une part, la typographie à l’échelle de la lettre est plutôt du ressort du dessinateur de caractère, qui va créer des familles de caractères. D’autre part, l’emploi de ces familles de caractères et la définition de l’apparence d’une page imprimée relèvent des compétences du designer graphique. Quelle activité serait donc propre au typographe ? Historiquement, le typographe se confond avec l’imprimeur, en tant que professionnel qui compose les caractères mobiles pour imprimer une page. Mais aujourd'hui, le dessinateur de caractère crée les typographies, que le designer graphique choisit et compose sur un support qui sera par la suite imprimé. Dans cette nouvelle chaîne de conception typographique, peut-on définir une place spécifique qui serait dédiée au typographe ? La question reste ouverte.

5. Illustration

Figure 1. La typographie : trois usages du terme, Margaux MOUSSINET

Margaux MOUSSINET, doctorante en Arts et Sciences de l’art, spécialité design, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne


  1. « Il n’existe pas de mauvaises typographies… seulement de mauvaises compositions typographiques.
    Les typographes critiquent aisément, mais il est rare de les entendre admettre que c’est une typographie qui fait que leur composition est agréable. Les bons typographes peuvent faire bon usage de presque n’importe quoi. La typographie est un point de départ, et non une destination. » : telle serait la traduction du passage. 

  2. Nous pourrions traduire ainsi : « D’après moi, la typographie est une relation triangulaire entre l’idée du design, les éléments typographiques, et la technique d’impression. » 

  3. Traduction possible : « La typographie est l’art de dessiner la forme des lettres et de les disposer dans l’espace et le temps. Depuis son invention à la Renaissance, la typographie a toujours été stimulée par l’opposition entre des éléments architecturaux fixes – comme la page et ses marges – et la substance fluide des mots écrits. »