BOSSER, Jacques, ProDesign éloge du design utile, Paris, Editions de la Martinière, coll. DesignDeco, 2007.
Dans son livre ProDesign, éloge du design utile, Jacques Bosser met en crise la définition du design et de son usage aujourd’hui en proposant de traiter la problématique suivante : le design, est-il devenu un vague concept de marketing et de communication ? Présente-t-il vraiment un milieu de produits fonctionnels, écologiquement responsables, attentifs aux besoins réels de l’homme d’aujourd’hui ?
Il défend la thèse selon laquelle la discipline du design traverse une crise conceptuelle et « est devenue une monstrueuse auberge espagnole ». Dans un contexte où tout est design, il est important de signaler qu’il est devenu un label de mode et de style et ne répond plus à son objectif premier dès lors que les designers ne s’adonnent plus à une pratique réflexive et se trouvent dans la plupart des cas biaisés, instrumentalisés, voir rejetés.
Pour soutenir sa thèse, Bosser commence par une contextualisation du propos par un premier chapitre intitulé « tout va bien ou rien ne va plus1 » où il explique que le mot design a pris une signification biaisée et réductrice aux yeux du grand public. Il est alors trop souvent uniquement caractérisé pour ses implications esthétiques et formelles dans la conception d'objet. Il voit que le design en soi est banalisé ou, à l’extrême, surexploité. Il déploie ensuite les différents champs d’utilisation du mot design pour présenter la grande diversité de pratiques qui est contenue dans la notion (design textile, design produit, design industriel, design critique2, …)
Il met plus particulièrement en lumière le fait que le design traverse une crise épistémologique en s’appuyant sur des entretiens avec des designers3 tels Sadler, Maurer, Fukasawa, Jacques, etc., qui « tracent un portrait complet du design international actuel ». Ensuite, il propose le ProDesign4 qu’il définit comme un accélérateur d’innovation, une démarche qui s’appuie sur la novation absolue et le progrès. Le ProDesign est un concept défini par huit critères : utilité, ergonomie, simplicité, écologie, durabilité, accessibilité, esthétique et innovation. Enfin, il conclut sur des exemples de projets de design qui lui paraissent pertinents au regard des critères de réussite formulés au sein de l’ouvrage (Dyson, E-solex, Bose, Quechua…)
Jacques Bosser plaide ainsi pour que le design retrouve à nouveau sa vocation originelle, à savoir une conception utile, esthétique et responsable, loin des formes de modernité et des caprices de mode à travers trois mots clés. Citons en premier lieu le concept de l’innovation que l’auteur juge important à considérer. En second lieu, nous trouverons le concept du ProDesign qui remplace le mot design et forme une nouvelle manière de penser la création responsable, inventive et sociale. Et finalement le concept de la responsabilité autour duquel l’ouvrage se construit. Bosser voit que le designer est devenu une sorte de gourou à l'affût des tendances. Or il cherche à mettre en valeur que la démarche du design est la responsabilité de ce dernier et qu’il ne faut évidemment pas créer des produits périssables et non durables.
Le livre ProDesign, éloge du design utile, s’inscrit dans le contexte du XXIe siècle. Il vise à proposer des pistes de réflexion pour essayer de « rendre le design au design, designers et utilisateurs5 ». Partant de la prolifération des techniques, ce livre témoigne de la subjectivité de Bosser envers la société de consommation. Il prolonge la réflexion de William Morris sur la déshumanisation liée aux modes de production en masse, le constat de Gunther Anders sur la programmation et le dépassement de l’homme par les produits qui le rendent obsolètes et la proposition de Hans Jonas pour une nouvelle forme de responsabilité qui considère le sujet humain. En dernière analyse, la réflexion portée par l’auteur a un impact dans le champ du design dans la mesure où cette discipline doit retrouver sa juste place et être matière à réflexion pour les industriels, mais aussi pour les designers eux-mêmes.
Leila Masmoudi, Master 2 « Design, Arts et Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.