WALTER, Aarron, Designing for Emotion, Eyrolles, A Book Apart, 2011 ; rééd. Design émotionnel, Paris, Eyrolles, traduit par Charles ROBERT, 2012.
Dans Design émotionnel, Aarron Walter tente d’expliquer par des méthodes psychologiques, tels que la pyramide des besoins de Maslow et des stratégies de marques, le moyen d’inclure et d’engager le visiteur d’un site web afin que celui-ci en ait une expérience positive. La question transversale de ce livre pourrait être : de quelle manière les designers peuvent-ils susciter l’engagement émotionnel d’un visiteur de site web dans le but qu’il devienne un utilisateur satisfait ?
Pour répondre à cette question, l’auteur explique la relation étroite entre la psychologie, qui serait potentiellement l’un des piliers de l’expérience utilisateur, et le design émotionnel. Certains principes basiques de la psychologie — et notamment ceux qui régissent mécanisme de la mémoire et des émotions — deviennent alors le fondement de cette façon de concevoir un design. Il en est ainsi de la pyramide de Maslow qui a pour vocation de donner une échelle des besoins physiologiques qui servirait à l’homme pour vivre convenablement.
Aarron Walter expose alors deux grandes étapes argumentatives pour convaincre le lecteur, et plus particulièrement le designeur, d’utiliser le design émotionnel dans la conception d’un site web. Dans un premier temps, il évoque la perte de l’utilisation de la main en lien avec l’industrialisation. Les créateurs des Arts and Crafts, eux, cherchent à préserver l’artisanat et « la main humaine1», car « préserver la touche humaine et montrer sa personnalité dans son travail n’était pas accessoire. C’est essentiel2». L’auteur entend montrer l’importance de la personnalité et donc de la singularité de l’être humain y compris dans le domaine du numérique. Ainsi, selon lui, la personnalité « se fonde sur les qualités et les perspectives uniques que nous possédons tous3 » : il explique par la suite que la personnalité influence nos décisions, car elle nous permet d’affirmer ou non ce que nous aimons ou détestons par rapport aux objets qui nous entourent. Elle fait donc appel à nos émotions. Par conséquent, chaque personnalité est unique, et il est difficile de concevoir un site qui provoque une émotion positive. Toutefois, nous sommes tous régis par des mécanismes psychologiques tels que le mode d’activation des émotions qui fonctionne relativement de la même manière ; il faut donc provoquer une émotion et une expérience qui soit positive pour que le consommateur puisse avoir un souvenir agréable de son expérience.
Afin de comprendre l’intégralité de ce livre, il faut comprendre les concepts clés dont l’auteur se sert pour soutenir sa thèse. Nous avons vu le concept de « personnalité » au travers de l’argumentation. La personnalité va permettre d’introduire la notion d’engagement émotionnel. « La personnalité est une manière puissante d’engager votre public4», elle permet de donner le ton et l’esthétique d’une interaction, en l’occurrence avec un site web. Pour engager émotionnellement, il faut donc susciter une émotion et cela peut passer par plusieurs registres tels que la surprise ou encore l’anticipation. Ces moyens psychologiques vont pouvoir amener un potentiel client à en devenir un. L’interaction entre le produit et l’utilisateur doit alors être forte.
Ainsi, le design émotionnel découle du design d’interaction qui porte sur l’étude des comportements des objets numériques. Il faut donc penser le design de la relation entre le produit et l’utilisateur. Donald Norman dans Design émotionnel : Pourquoi aimons-nous ou détestons-nous les objets qui nous entourent ?, « défend la thèse que l’aspect émotionnel et affectif du design participe davantage au succès d’un produit que son caractère pratique5». Aarron Walter est proche de Donald Norman puisqu’il travaille essentiellement autour des émotions qui vont susciter un engagement. Toutefois certains de ses exemples, comme les interfaces d’Apple, utilisent l’affordance concept cher à Don Norman — tout en la combinant avec une esthétique singulière. L’affordance est la capacité d’un objet à parler de lui-même, c’est-à-dire que le potentiel utilisateur va comprendre son fonctionnement et son utilité quasiment instantanément, uniquement en l’observant et en interagissant avec lui, et n’aura pas besoin d’explication poussée. C’est ce juste-milieu qui crée une interface de site web accessible et intéressante.
Ysaline FORGE, Licence 3 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.