BAYLEY Stephen, Taste : The Secret Meaning of Things, London, Faber and Faber Limited, 1991 ; rééd. Goût : La Signification Secrète des Choses, (Traduction proposée)
Dans Taste : The Secret Meaning of Things, l’écrivain et critique anglais Stephen Bayley traite un sujet délicat et presque insaisissable : le concept même du goût. La raison qui rend cette notion si complexe tient au caractère incalculable et relatif autour de la question du « bon » ou « mauvais » goût. Celui-ci est toujours changeant, que ce soit dans le domaine de l’art, de l’architecture, de la mode ou autre. Cette notion dépend complétement du contexte qui l’entoure, devenant un concept complètement volatile. Stephen Bayley part de cette observation : le goût est éphémère et varie selon les générations et cultures. Et il se fonde sur sa conviction personnelle : l’existence des idées et esthétiques qui transcendent les époques et perdurent dans le temps pour théoriser ce concept. La problématique qu’il élabore pourrait se formuler ainsi: comment définit-on nos préférences esthétiques dans un monde ou les valeurs — dont le goût participe — sont constamment en évolution ?
L’auteur s’appuie sur différentes valeurs pour proposer une réponse, commençant par la question de la fonctionnalité : le goût ne commence pas par l’aspect d’un objet mais par l’intention qui se tient derrière celui-ci. La perception de la qualité et son appréciation dépendent entièrement de ses caractéristiques culturelles, sociales, pratiques et économiques. Ce sont, également, les origines, la classe sociale, l’éducation et la génération de l’individu qui forgent celles-ci. Le goût est aussi l’expression d’un choix et d’une discrimination qui, eux, dépendent d’un contexte comprenant la consommation de masse, les modes éphémères et les manières propres à une classe sociale. Stephen Bayley définit ainsi les « standards » d’une époque et d’un individu. Le goût est une conception industrielle de la civilisation. Il n’y a pas de règles absolues pour les « canons » de « bon » ou « mauvais » goût car ils sont momentanés et relatifs. Ainsi la validité des préférences esthétiques et morales va-t-elle dépendre de la société de consommation d’une certaine époque.
L’auteur compose son analyse en deux grandes parties : la première est intitulée « Imbroglio (Part One) 1 » où il suggère l’idée que le goût est un mécanisme culturel des valeurs et influences prétentieuses susceptible créer de la valeur ainsi que de la supériorité sociale. Stephen Bayley analyse la notion de goût en examinant l’évolution du terme à travers les âges. L’auteur le définit en tant que « the concept of aesthethic discrimination2 », en se référant au goût comme une sensibilité visuelle, c’est-à-dire une notion basée sur la satisfaction esthétique. Cette définition comprend également les conditions et conséquences de ces valeurs et objectifications des préférences esthétiques3, tels que la réputation, le dynamisme et l’incertitude du jugement esthétique. Stephen Bayley se réfère à la simplicité comme beauté qui dégage de l’honnête et de la moralité, donc du « bon goût », ainsi que l’évolution du matérialisme selon les époques et les civilisations.
La deuxième partie de l’essai s’intitule « Scenario » et se divise en quatre parties où Stephen Bayley s’interroge sur le développement moral, social et esthétique du goût dans différents domaines. Les sous-chapitres sont consacrés chacun à un domaine différent lié à la notion du goût et au design : « Architecture : Painting the Lily4, » « Interiors : Vacuums of Taste5 » , « Fashion : Being and Dressing6 » et « Food : Acquired Taste7 ». L’auteur explore la place du goût et du jugement esthétique dans ces quatre domaines et analyse comment le sujet du goût a conditionné les principes fondamentaux du design, proportions, construction et technologie. Bayley appuie sa thèse en mettant en évidence différents formes de ce qui est considéré comme du bon ou mauvais goût, que ce soit dans l’architecture, la mode ou, même, la nourriture (le goût dans un sens « gustatif »). Cette méthode d’analyse permet à l’auteur de décrire l’évolution des goûts d’une civilisation, la forme étant liée à l’intention. Stephen Bayley voit dans le goût une expression du choix qui est important pour les valeurs d’une culture, donc le goût acquis et le goût développé.
Dans Taste : The Secret Meaning of Things, l’auteur s’appuie sur des concepts tels que le « modernisme » et les « avant-gardes » comme reflets d’une société. Ainsi, les valeurs esthétiques d’un individu sont liées à son contexte culturel et son temps. La consommation de masse devient également un acteur majeur pour choisir les standards esthétiques d’une civilisation moderne. Puis, le goût commence à être généralisé et lié à la société de culture de masse, donc les influences populaires et l’économie. L’éphémère des nouvelles vagues dans les courants artistiques et tendances de la mode, ainsi que des habitudes sociales, rendent difficile pour l’individu d’avoir un sens personnel de jugement. Les éléments qui servent à créer un préjugé sur la beauté de quelque chose sont donnés par la société et dépendent des connaissances acquises d’un individu. Dans ce sens, le temps et l’espace jouent un rôle majeur qui prouve que la définition absolue de ce concept est rendue quasi impossible par sa variabilité. Les expressions du goût sont générationnelles, ce qui a été aimé par une génération va être détesté par la suivante.
Ce livre est important dans le champ de l’esthétique et du design car il traite la relation entre le goût et les avant-gardes, permettant une définition de ce qu’est le « bon design ». Le bon design renvoie à la définition de la beauté durable, à une esthétique qui transcende les avant-gardes et dont le fonctionnalisme et la simplicité sont les traits caractéristiques. Stephen Bayley traite le sujet du « bon » ou « mauvais » goût avec objectivité, prenant en considération les qualités d’une esthétique qui revient et les négligences d’une esthétique oubliée. En prenant l’exemple du sublime par rapport au kitsch, il examine ce qui fait que l’un représente un état d’esprit d’extase et de satisfaction visuelle, et que l’autre est considéré comme la définition même du mauvais goût en termes esthétiques. L’histoire de l’art, de l’architecture et du design met en scène une dispute constante sur la notion du goût, car la seule certitude sur le jugement esthétique est sa constante évolution et changement des valeurs. La conclusion que l’auteur en tire est qu’il n’y a pas de vérité sur ce qu’est le bon ou mauvais goût, mais des esthétiques qui reviennent comme évidences de leur valeur pour l’histoire du design. Le goût n’étant qu’un choix et une idée.
Malena MARTINEZ, Master 1 « Design, Arts et Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023.
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BAYLEY Stephen, Taste : The Secret Meaning of Things, London, Faber and Faber Limited, 1991, p. 3-71. ↩
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« La notion de discrimination esthétique » (Traduction par nos soins) BAYLEY Stephen, Taste : The Secret Meaning of Things, cit. p. 12. ↩
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Ibidem, p. 15 ↩
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Ibid., p. 75 ↩
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Ibid., p. 116 ↩
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Ib., p. 142 ↩
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Ib., p. 173 ↩