LE BŒUF Jocelyne, Jacques Viénot (1893-1959) : Pionnier de l’Esthétique Industrielle en France, Rennes, éd. Presses Universitaires de Rennes, coll. « Arts et société », 2006.

Dans Jacques Viénot (1893-1959) : Pionnier de l’Esthétique Industrielle en France, Jocelyne Le Bœuf part du constat selon lequel Jacques Viénot a été un personnage majeur dans la France industrialisée du début du XX^e siècle alors qu’il est aujourd’hui un peu oublié. Elle se demande par quels moyens cette figure a voulu exposer et imposer ses théories de l’esthétique industrielle face aux idées pré-existantes de la modernité.

Jocelyne Le Bœuf détaille le parcours de Jacques Viénot, rappelle les contacts qui, établis tant avec le milieu artistique de l’époque qu’avec le milieu industriel, ont contribué à développer son engagement humaniste et sa conviction de faire valoir un design français.

L’ouvrage retrace chronologiquement la vie de Jacques Viénot. La première partie : « Les Années Art déco¹ », aborde les débuts de Viénot au sein de l’entreprise DIM² et Les Grands Magasins du Printemps. On découvre ses choix professionnels jusqu’à La République des Arts, un texte écrit sous la forme d’un dialogue philosophique qui met en scène sept personnages inspirés d’artistes et de l’entourage de Jacques Viénot.

La seconde partie, « La défense de l’Esthétique industrielle (1943-1959) ³» raconte comment cette discipline s’est instaurée avec la création de l’Institut d’Esthétique Industrielle, la fondation des éditions de Clermont en 1945 et le lancement de la revue Art Présent. Dans cette partie, Jocelyne Le Bœuf développe la lutte de Viénot afin d’imposer un regard français au stylisme. De nombreuses références iconographiques accompagnent le texte et illustrent des moments clés du parcours de Viénot.

Dans Jacques Viénot (1893-1959) : Pionnier de l’Esthétique Industrielle en France, Jocelyne Le Bœuf aborde les concepts suivants : esthétique industrielle, beauté utile, art du machinisme, esthéticien industriel, stylisme/style, arts impliqués, mauvais goût, bon goût, éthique fonctionnaliste et fonctionnalisme esthétique.

Le concept d’ « esthétique industrielle » est un mouvement qui s’est développé dans la France de la Reconstruction, Jacques Viénot en est le pionnier. C’est un concept clé qui défend l’idée que l’on peut trouver de la beauté dans le milieu industriel en France (machines, outils, objets) et que l’industrie est capable de produire de beaux objets. L’esthétique industrielle est un synonyme de design industriel, un terme que l’on utilise de nos jours. Un autre concept important est celui de « beauté utile », Paul Souriau est à l’origine de ce terme. Il signifie que la beauté d’un objet se trouve dans la fonction même que produit cet objet.

Dans le design aujourd’hui, des machines très performantes révèlent une forme d’esthétisme tant elles sont sophistiquées par leurs apparences. Et nous remarquons aussi de plus en plus le souci d’inscrire des valeurs éthiques au sein de la production industrielle. En ce sens, Jacques Viénot anticipe les questions que Vilém Flusser se pose dans Petite philosophie du design⁴, notamment celles qui relèvent de la concurrence possible entre esthétique et l’éthique que nous pourrions synthétiser ainsi : le designer, entant qu’il est responsable de l’objet qu’il conçoit, doit-il fixer des normes d’utilisation de sa production ?

Marie GOUSSOT, Master 1 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.