Titre du livre en langue française (seconde parution)

Siza, Álvaro, Imaginer l’évidence, Marseille, Parenthèses, préfacé par Vittorio Gregotti suivi de Marc Barani, traduit du portugais par Dominique Machabert, 2012.

Titre du livre en langue italienne (première parution)

Siza, Álvaro, Immaginare l’evidenza, Rome, Laterza, coll. « Città architettura design », 19981.

Dans le livre Imaginer l’évidence, l’architecte Álvaro Siza interroge la place du passé dans le projet architectural contemporain. Il propose une réflexion autour de la question suivante : penser un projet nécessite-t-il une recherche de l’invention absolue située hors de tout contexte ?

Dès ses premiers mots, Álvaro Siza soutient la thèse selon laquelle l’architecture se doit de révéler l’existant et non pas de l’ignorer. Il ne faut pas se projeter contre le temps, mais dans le temps, habiter le déjà-là sans le modifier. Cela nécessite de prendre en considération les choses existantes mais aussi évidentes, c’est-à-dire « considérer la réalité telle qu’elle est2. » Par exemple, nous devons réapprendre à utiliser nos outils présents voire passés, non pas pour chercher à inventer, mais pour actualiser nos connaissances. Nous devons porter un nouveau regard sur ce qui nous entoure.

Pour défendre cette posture, Álvaro Siza décrit, dans un premier temps, l’importance de l’observation de la topographie du lieu d’implantation : ses caractéristiques, ses qualités3… Dans un second temps, il met en lumière l’importance du dialogue, dans des projets comme l’habitat social entre acteurs du projet et architecte, pour correspondre au mieux aux attentes sociales, amenant l’émergence de projets participatifs4. Dans un dernier temps, il souligne la nécessité de la recherche par le dessin qui donne cours à une créativité sans faille, permettant ensuite de se recentrer sur l’essentiel5.

Álvaro Siza, au cours de sa réflexion, esquisse quatre concepts clés essentiels. Tout d’abord, la notion d’« évidence » semble faire écho tout au long de son écrit. Il la définit comme la requalification de notre histoire, nos instruments du quotidien, nos environnements6. Ce n’est pas une quête de l’« invention absolue7 », au contraire, c’est la condensation de découvertes antérieures. L’idée de « parcours » renvoie à un élément spatio-temporel permettant la connexion qui se fait entre l’usager et le lieu qu’il traverse8. La « continuité », pour Álvaro Siza, fait écho à une réflexion esthétique où le passé doit se placer au cœur du projet. C’est la rencontre entre deux dessins, un naturel déjà présent, puis un nouveau, qui viennent se superposer pour n’en créer qu’un9. Le « dessin » au sens primaire est, selon cet architecte, un outil proche de celui de l’écriture. Ce processus de conception, allant de l’esquisse de la première hypothèse jusqu’à la dernière proposition, permet la libération d’idées pour « atteindre un point de perfection dans la réalisation qui touche à la poésie10 ».

Cet ouvrage met en lumière une nouvelle posture vis-à-vis du design. En effet, le design au sens large de discipline de conception doit introduire la requalification des techniques existantes. Ainsi, l’homme doit-il (ré)apprendre à utiliser les outils pour se reconnecter avec ce qu’il a trop longtemps oublié et mis de côté. Le designer ne doit plus dépendre de la machine, mais seulement s’en accommoder. En somme, l’apport majeur que nous offre ce livre est la nécessité pour le designer de se reconnecter à l’évidence de ses connaissances. Aujourd’hui, le designer, qu’importe sa discipline, semble dépendant voire assujetti à ses outils technologiques tels que son ordinateur ou encore les logiciels qu’il utilise. Álvaro Siza appelle ces outils des « instruments11 ». Dans cette continuité, Anthony Masure, jeune designer et chercheur, invite à l’expérimentation de nos « instruments » pour nous détacher de leur fonction d’usage qui entraîne des résultats mimétiques12. Cette mise à distance permet ainsi de laisser libre cours à une créativité nouvelle pour mettre en lumière un design acentré. En définitive, nous ne laissons pas les outils de côté, nous les utilisons autrement.

Marina RICCI, Master 2 « Design, Arts, Médias », Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021-2022.


  1. Transcription et traduction du témoignage d’Álvaro Siza, en portugais, réalisé au cours de trois sessions d’enregistrements dans son agence de Porto. Sa première édition, en langue italienne, ne stipule aucune traduction antérieure d’un possible ouvrage portugais. 

  2. SIZA, Álvaro, Imaginer l’évidence, Marseille, Parenthèses, préfacé par Vittorio Gregotti suivi de Marc Barani, traduit du portugais par Dominique Machabert, 2012, p. 141. 

  3. SIZA, Álvaro, Imaginer l’évidence, op. cit., p. 21-78. 

  4. Ibidem, p. 79-121. 

  5. Ibid., p. 123-134. 

  6. Id., p. 142. 

  7. Id., p. 141. 

  8. Id., p. 17. 

  9. Id., p. 35. 

  10. Id., p. 133. 

  11. Id., p. 142. 

  12. Anthny MASURE, Design et humanités numériques, Paris, B 42, coll. Esthétique des données, 2017.