Hayles, Katherine Nancy, “Print Is Flat, Code Is Deep: The Importance of Media-Specific Analysis”, Poetics Today, vol. 25, n° 1, 2004, p. 67-90.
Hayles, Katherine Nancy, « L'imprimé est plat, le code est profond : l'importance de l'analyse spécifique par médias ».
Résumé : Plongée dans la torpeur par cinq cents ans d'impression, l'analyse littéraire doit ouvrir les yeux sur l'importance de l'analyse spécifique par médias1. Ce mode d'attention critique considère que tous les textes sont instanciés et que la nature du médium dans lequel ils sont instanciés a son importance. Pour repositionner l’analyse critique, afin qu'elle prenne en compte la spécificité des médias, une notion plus robuste de la matérialité est indispensable. La matérialité est reconceptualisée en tant qu’interaction entre les caractéristiques physiques d'un texte et ses stratégies signifiantes, un mouvement qui entrecroise l'instanciation et la signification dès le départ. Cette définition ouvre la possibilité de considérer les textes comme des entités incarnées tout en gardant l’interprétation en point de mire. Elle fait de la matérialité une propriété émergente, de sorte qu’elle ne puisse être spécifiée à l'avance, comme s'il s'agissait d'une entité prédéterminée. Au contraire, la matérialité est ouverte au débat et à l'interprétation, garantissant que les discussions sur la « signification » du texte prendront également en compte sa spécificité physique.
Des parties de cet essai ont été publiées dans la revue Web Postmodern Culture (janvier 2000) sous le titre « Flickering Connectivities in Shelley Jackson's Patchwork Girl : The Importance of Media-Specific Analysis ». Une première version a été présentée à la conférence Interactive Frictions tenue à l'Université de Californie du Sud en juin 1999. Je remercie les personnes suivantes de m'avoir donné accès à leurs impressionnantes collections de livres d'artistes : Jennifer Tobias, bibliothécaire de référence au Museum of Modern Art à New York ; Joan Lyons, directrice de la Visual Studies Workshop Press à Rochester, New York ; David Platzker à la librairie Printed Matter à New York ; et Nexus Press à Atlanta, Géorgie. Je souhaite remercier Fred et Virginia Brandes d'Atlanta, en Géorgie, pour m'avoir aimablement donné accès à leur excellente collection de livres de codes télégraphiques et pour leur généreuse hospitalité lors de ma visite. Enfin, je remercie Michael Fadden pour son aide dans la préparation du manuscrit et Carol Wald pour les discussions relatives à ce sujet.
Prolongeant l’attention faite à l’analyse spécifique par médias (asm) media-specific analysis , neuf points peuvent être dégagés sur les spécificités de l'hypertexte électronique : ce sont des images dynamiques ; elles comportent à la fois la ressemblance analogique et le codage numérique ; elles sont générées par fragmentation et recombinaison ; elles sont profondes et opèrent en trois dimensions; elles sont écrites en code ainsi qu'en langage naturel ; elles sont mutables et transformables ; ce sont des espaces à parcourir; elles sont écrites et lues dans des environnements cognitifs distribués ; et elles initient et exigent des pratiques de lecture cyborg.
Plongées dans la torpeur par cinq cents ans d'impression, les études littéraires ont tardé à manifester de l'importance à l'analyse spécifique par médias. La critique et la théorie littéraires sont empreintes d’hypothèses non avérées, spécifiques à l'imprimé. Ce n'est que maintenant, au moment où le nouveau médium de la textualité électronique affirme sa vibrante présence, que ces hypothèses apparaissent clairement.
Prenons, par exemple, l'essai célèbre de Roland Barthes intitulé « De l'œuvre au texte2 ». Je suis frappée lors de sa relecture à la fois par sa prescience et, au combien, nous l'avons largement dépassé. Comme Jay David Bolter3 et George Landow4 l'ont souligné respectivement en 1991 et 1997, la description que fait Barthes du « texte », avec sa dispersion, ses auteurs multiples et sa structure rhizomatique, anticipe de façon troublante l'hypertexte électronique. « La métaphore du texte est celle du réseau5 », écrit Barthes. Mais en même temps, il affirme que « le Texte ne doit pas s’entendre comme d’un objet computable6 », « computable » signifiant, dans ce contexte, être limité, fini, lié, capable d'être compté. Écrit vingt ans avant l'avènement du micro-ordinateur, son essai se trouve ironiquement à anticiper ce qu'il ne peut pas anticiper. Il s’écarte des œuvres pour s'orienter vers les textes, un mouvement si réussi que l'omniprésence du terme « texte » a pratiquement supplanté le terme de livre, spécifique au médium.
La vision de Barthes reste cependant ancrée dans une culture de l'imprimé, en ce qu’il définit le «texte » par ses différences avec les livres, et non par ses similitudes avec la textualité électronique. En opposant le texte à l'œuvre, Barthes fait partie de ceux qui ont contribué à initier les approches sémiotiques et poststructuralistes du discours, sans doute une des avancées les plus importantes des études littéraires du XXe siècle. Mais ce changement entraina autant de pertes que de gains. Si le vocabulaire du texte a été utile pour étendre la textualité au-delà de la page imprimée, il a également eu pour effet, en traitant tout comme un système sémiotique, de la mode au fascisme, d’occulter les différences entre les médias. Maintenant, après l'apport de perspectives majeures par le tournant linguistique, il est sans doute enfin temps de se retourner vers un examen attentif des différences que le médium engendre7.
Je ne cherche pas à défendre, lorsque j’appelle à une analyse spécifique par médias, l’idée que les médias doivent être considérés indépendamment les uns des autres. Bien au contraire. Comme Jay David Bolter et Richard Grusin le démontrent dès 1999 dans Remediation8, les médias s'engagent constamment dans une dynamique récursive d'imitation réciproque, introduisant une part de concurrence entre les médias tout en vantant les avantages de leurs propres formes de médiation. La défunte collection d’« Expanded Books » de la société Voyager, par exemple, allait jusqu'à offrir aux lecteurs la possibilité de plier les coins des pages électroniques. Une autre option permettait d’insérer un trombone sur la page écranique, elle-même programmée pour ressembler au mieux au support imprimé. De l'autre côté de l'écran, de nombreux textes imprimés imitent désormais les hypertextes électroniques. D’Underworld9 de Don DeLillo à Remediation de Bolter et Grusin10, ces ouvrages se rapprochent volontairement de l'hypertexte grâce à des flèches servant d'indications visuelles de liens hypertextuels. L’analyse spécifique par médias11 (ASM), s'intéresse à la fois à la spécificité de la forme — le fait que le trombone de Voyager soit une image plutôt qu'un morceau de métal plié — ainsi qu’aux citations et imitations d'un médium dans un autre. S'attachant moins à la similitude et à la différence qu'à la simulation et à l'instanciation, l'ASM passe du langage du « texte » à un vocabulaire plus précis de l'écran et de la page, du programme numérique et de l'interface analogique, du code et de l'encre, de l'image mutable et du signe inscrit durablement, du texton et du scripton, de l'ordinateur et du livre.
L'hypertexte littéraire est un domaine où l'analyse spécifique par médias peut s'avérer particulièrement enrichissante. Certains théoriciens du domaine de la littérature électronique soutiennent que l'hypertexte devrait être réservé aux textes électroniques instanciés dans des médias numériques. À mon avis, c'est une erreur. Lorsque Vannevar Bush, auquel on attribue l'invention de l'hypertexte, imagina un système hypertextuel, celui-ci n'était pas électronique mais mécanique. Son article précurseur12 témoigne de la possibilité de mettre en œuvre l'hypertexte de multiples façons, non restreintes aux commandes « go to13 » qui constituent le lien hypertexte des ordinateurs numériques. Si nous limitons le terme hypertexte aux médias numériques, nous perdons la possibilité de comprendre comment un genre littéraire mute et se transforme lorsqu'il est instancié dans différents médias. La puissance de l'ASM tient du fait qu'elle maintient un terme constant dans tous les médias — dans ce cas, le genre de l'hypertexte littéraire — et que c’est en variant le médium que nous découvrons comment les contraintes et les possibilités spécifiques par médias façonnent les textes. En considérant la littérature comme l'interaction entre la forme et le support, l'ASM insiste sur le fait que les « textes » doivent toujours être incarnés pour exister dans le monde. La matérialité de ces incarnations interagit de manière dynamique avec les pratiques linguistiques, rhétoriques et littéraires pour créer les effets que nous appelons littérature14.
En se préoccupant de la matérialité du médium, l'ASM réfute explicitement le concept d'œuvre littéraire qui a émergé des débats du XVIIIe siècle sur le droit d'auteur (copyright) et qui a conservé une influence considérable depuis, bien que contesté. Comme l'a montré Mark Rose dans son important ouvrage Authors and Owners : The Invention of Copyright15, des théoriciens du droit tels que William Blackstone définissaient une œuvre littéraire uniquement par la constitution de son « style et de son sentiment16 ». « Ces éléments constituent à eux seuls son identité », écrivait Blackstone. « Le papier et l'impression ne sont que des accidents, qui servent de véhicules pour communiquer ce style et ce sentiment à distance17 ». Les commentateurs ultérieurs réalisèrent qu'il n'était pas envisageable de protéger le « sentiment » par le droit d'auteur, en ce que certaines idées sont si générales qu'elles sont inimputables à un seul auteur : par exemple, celle que les hommes sont mortels. Ce ne sont pas les idées en elles-mêmes, mais les moyens par lesquels elles sont exprimées qui en garantiraient la propriété littéraire et donc la protection par le droit d'auteur.
Cette histoire judiciaire, qui s'est déroulée dans un contexte litigieux où les intérêts économiques, politiques et de classe contradictoires se disputaient la priorité, a eu des conséquences importantes pour la littérature, bien au-delà des considérations purement juridiques. Elle contribua à solidifier l'auteur littéraire en tant qu'homme de génie singulier (le genre présumé de l'auteur dans ces discours était invariablement masculin), qui créait de la propriété littéraire par le mélange de son travail intellectuel avec les matériaux que lui offrait la nature, tout comme John Locke avait soutenu que les hommes créaient de la propriété privée en mélangeant leur travail avec la terre18. Dans ces discours, les considérations matérielles et économiques, bien qu'elles aient une force dans le monde réel, furent occultées au profit du renforcement de la propriété littéraire en tant que construction intellectuelle qui ne doit rien au médium dans lequel elle est incarnée. Alors que cette conclusion a été maintes fois contestée devant les tribunaux et dans des mouvements littéraires tels que le futurisme et l'imagisme (« Nul idée, si ce n’est dans des choses19 », déclarait William Carlos Williams), le long règne de l'imprimé facilita l’occultation des spécificités du livre codex pour la critique littéraire, lorsqu'elle discutait de textes littéraires. À quelques exceptions majeures près, la littérature imprimée était largement considérée comme n'ayant pas de corps, mais seulement un esprit parlant20.
Cette scission entre le physique et le verbal a sérieusement entravé la reconnaissance, dans les communautés savantes, de l'importance des qualités physiques et sub-verbales des textes, comme l'ont fait valoir, entre autres, Jerome McGann21, Johanna Drucker22 et John Cayley23. Alors que la textualité électronique se répand progressivement et prend de l'importance dans les études littéraires, une perspective qui insiste sur l'immatérialité des textes complique l'importance significative de l'importation de textes imprimés dans des environnements électroniques24. Elle empêche également le développement de cadres théoriques capables de comprendre la littérature électronique en tant que pratiques médiatiques spécifiques requérant de nouveaux modes d'analyse et de critique. La tentation de concevoir le texte sur l'écran comme étant dans l’essence identique à celui sur une page imprimée, tout simplement parce que les mots sont les mêmes, est d'autant plus séduisante que l'ordinateur est la machine de simulation la plus aboutie jamais créée. Cependant, il est crucial de reconnaître que le succès de la simulation par ordinateur est dû uniquement à ses profondes différences avec l’imprimé, en termes de propriétés physiques et de processus dynamiques. Ces différences sont incidentes de multiples façons et à de nombreux niveaux différents, de l’échelle macroscopique à l’échelle microscopique, et elles le sont d’autant plus que les auteurs de littérature et de textes électroniques exploitent de plus en plus habilement la spécificité du médium.
En insistant sur la matérialité, je ne souhaite pas sous-entendre que tous les aspects des appareils de médiation auront la même importance. Au contraire, la matérialité existe dans une interaction dynamique complexe avec le contenu, apparaissant ou disparaissant en toile de fond, selon les possibles que l'œuvre met en scène. Je pense ici à de nombreuses œuvres électroniques contemporaines jouant de l'interaction entre le langage naturel et le code de l'ordinateur, d’Uncle Buddy's Phantom Funhouse25 de John McDaid à Lexia to Perplexia de Talan Memmott26. Cependant je ne connais aucune œuvre qui expose le câble d'alimentation d’un ordinateur. L'appareil seul ne peut générer l’interprétation, indépendamment de la façon dont il est utilisé dans des œuvres spécifiques (les études cinématographiques ont retenu cette leçon des décennies passées lorsqu'elles subissaient le recours excessif à la « théorie de l'appareil », une expression irritant toujours profondément de nombreux théoriciens du cinéma). La liste des qualités physiques est potentiellement infinie, allant des formules chimiques des polymères utilisés dans les boîtiers d'ordinateurs à la conductivité des composants électroniques. Dans un certain sens, la matérialité a toujours de l'importance, mais elle est d’autant plus signifiante pour les humanistes et les artistes lorsqu'elle est considérée en relation avec les pratiques qu'elle incarne et met en œuvre.
La démarche décisive consiste à reconceptualiser la matérialité comme l'interaction entre les caractéristiques physiques d'un texte et ses stratégies signifiantes. Cette définition ouvre la possibilité de considérer les textes comme des entités incarnées, tout en maintenant l'interprétation en point de mire. En considérant la matérialité de ce point de vue, il ne s'agit pas simplement de collecter des propriétés physiques inertes, mais de collecter une qualité dynamique émergeant de l'interaction entre le texte comme artefact physique, le contenu conceptuel et activités interprétatives des lecteurs et des écrivains. La matérialité ne peut donc pas être spécifiée à l'avance ; elle occupe plutôt une frontière — ou mieux, elle agit comme un tissu conjonctif — corrélant le physique et le mental, l'artefact et l'utilisateur.
L'analyse spécifique par médias ASM est primordiale pour comprendre ces interactions dynamiques. L'ASM vise à galvaniser le néocortex de la critique littéraire en reconnaissant que les courants qui mettent traditionnellement l'accent sur la matérialité ne sont pas exceptionnels mais paradigmatiques de la façon dont les effets littéraires émergent de la matérialité des textes et y sont entremêlés (telle que la critique du manuscrit enluminé, à propos d’écrivains comme William Blake pour lequel l'incarnation est essentielle, dans la riche tradition des livres d'artistes27). L'hypertexte, compris comme un genre implémentable à la fois dans des médias imprimés et numériques, offre une opportunité idéale pour explorer l'interaction dynamique entre les caractéristiques artefactuelles et l'interprétation incarnée par la matérialité. Comme toute littérature, l'hypertexte possède un corps (ou plutôt de nombreux corps), et les riches connexions entre ses propriétés physiques et les processus qui le constituent en tant que chose lisible forment conjointement cet objet insaisissable que nous appelons un « texte » - ce que, dorénavant, je souhaite désormais nommer un livre codex, une brochure, un CD-ROM ou un site Web.
Quel type de corps l'hypertexte possède-t-il ? Pour aborder cette question, permettez-moi de proposer une définition provisoire. À l'instar, entre autres, de Jane Yellowlees Douglas28, je propose de considérer que l'hypertexte possède au minimum les caractéristiques suivantes : de multiples chemins de lecture, un quelconque mécanisme de liaison et du texte fragmenté (c'est-à-dire du texte qui peut être traité comme des unités discrètes et reliées les unes aux autres selon divers arrangements29). En proposant ces caractéristiques, mon intention n'est pas de tracer une ligne de démarcation stricte et définitive distinguant l'hypertexte de tout le reste. Nous considérons plutôt la frontière comme un outil heuristique : c'est-à-dire fonctionnant non pas comme une barrière rigide, mais comme une zone frontalière invitant à des incursions ludiques qui testent les limites de la forme en les modifiant, les élargissant ou les transformant. À partir de cette définition, il apparaît immédiatement que l'hypertexte peut être instancié aussi bien dans des médias imprimés qu’électroniques. Une encyclopédie imprimée, par exemple, peut être qualifiée d'hypertexte parce qu'elle possède plusieurs chemins de lecture, un système de références croisées étendues servant de mécanismes de liaison, et du texte fragmenté dans des entrées séparées typographiquement les unes des autres. Ces caractéristiques hypertextuelles de l'encyclopédie constituent la base d'un hypertexte littéraire imprimé dans le magistral Dictionary of the Khazars: A Lexicon Novel30 de Milorad Pavić. Parmi les autres exemples d'hypertextes imprimés, citons Always Coming Home d'Ursula Le Guin31, où les cassettes audio offrent de multiples façons d'accéder à ce texte multimédia ; le livre d'artiste High Tension de Philip Zimmerman32, où une multiplicité de chemins de lecture est créée par une forme physique inhabituelle qui permet au lecteur de plier des feuilles coupées en diagonale pour obtenir diverses juxtapositions de texte et d'image ; et « The Babysitter » de Robert Coover33, une nouvelle qui tend vers l'hypertexte en juxtaposant des événements contradictoires et non séquentiels, suggérant plusieurs lignes temporelles et déroulements narratifs simultanés.
Si nous admettons que l'hypertexte peut exister autant dans les médias imprimés que numériques, qu'est-ce qui distingue l'hypertexte instancié dans un ordinateur de l'hypertexte sous forme de livre? Pour avancer sur cette question dans l'esprit de l'ASM, je propose le jeu suivant. En utilisant les caractéristiques de l'ordinateur numérique, que peut-on dire de l'hypertexte électronique en tant que médium littéraire ? Le but de ce jeu est d’en faire dériver ces qualités littéraires d'interaction des caractéristiques physiques du médium avec celles des stratégies signifiantes des hypertextes électroniques, afin d’illustrer la manière dont la matérialité du texte fournit des ressources que les écrivains et lecteurs sont en mesure de mobiliser spécifiquement. En se concentrant sur la matérialité du texte, jusqu'où est-il possible d'aller ? Ce type d'analyse est artificiel dans la mesure où il s'interdit l'accès à l'ensemble du répertoire des stratégies de lecture littéraire, mais peut néanmoins nous éclairer sur la différence qu’engendre le médium. Pour clarifier la spécificité du médium, je propose également des exemples de la manière dont ces caractéristiques des médias numériques peuvent être simulées dans des textes imprimés. Il s'agit ici d'explorer ce que Bolter et Grusin appellent la remédiation inversée [reverse remediation], c'est-à-dire la simulation d'effets propres à un médium dans un autre médium, comme lorsque l’éditeur Voyager Expanded Books simule la pliure des coins de page et le marquage de passages avec des trombones. Ma technique revient donc à construire une typologie de l'hypertexte électronique en considérant à la fois le médium en lui-même (son instanciation dans les ordinateurs numériques) et les mesures dans lesquelles ses effets peuvent être simulés dans l'imprimé (la remédiation inversée qui brouille la frontière entre les médias électroniques et l'imprimé). Comme je l'ai suggéré plus haut, l'ASM n’opère pas par un binarisme simple de similarité et de différence, mais plutôt par des considérations d'instanciation et de simulation spécifiques par médias.
En suivant ces règles, je suis en mesure de marquer neuf points, d'abord énumérés, puis discutés en détail.
Premier point : Les hypertextes électroniques sont des images dynamiques.
Deuxième point : Les hypertextes électroniques comportent à la fois une ressemblance analogique et un codage numérique.
Troisième point : Les hypertextes électroniques sont générés par fragmentation et recombinaison.
Quatrième point : Les hypertextes électroniques sont profonds et opèrent en trois dimensions.
Cinquième point : Les hypertextes électroniques sont bilingues, écrits aussi bien en code qu'en langage naturel.
Sixième point : Les hypertextes électroniques sont mutables et transformables.
Septième point : Les hypertextes électroniques sont des espaces à parcourir.
Huitième point : Les hypertextes électroniques sont écrits et lus dans des environnements cognitifs distribués.
Neuvième point : Les hypertextes électroniques initient et exigent des pratiques de lecture cyborg.
Premier point : les hypertextes électroniques sont des images dynamiques
Dans l'ordinateur, le signifiant n'existe pas en tant que signe plat inscrit de façon durable, mais en tant qu'image écranique produite par des couches de code précisément corrélées par des règles de correspondance ; par une suite de corrélations à partir des polarités électroniques au flux de données numériques, des bits aux nombres binaires, des nombres jusqu’aux énoncés de plus haut niveau, comme les commandes, et ainsi de suite. Même lorsque les hypertextes électroniques simulent l'apparition de signes inscrits dans la durée, il s'agit d'images transitoires constamment rafraîchies par le balayage du faisceau électronique qui forme une image sur l'écran donnant l'illusion d'une persistance stable dans le temps. Des innovations telles que la typographie dynamique peuvent mobiliser cet aspect de l'hypertexte électronique, où les mots fonctionnent à la fois comme des signifiants linguistiques et des images visuelles dont les qualités cinétiques sont également porteuses de sens34. Dans le poème « Breathe » de David Knobel35, réalisé en collaboration avec Reiner Strasser, des lignes apparaissent et disparaissent lorsque la souris touche des rectangles colorés, créant un effet similaire à celui de l'inspiration et de l'expiration lors de la lecture d'un poème à haute voix. Dans « 6-String Aria36 » de Bill Marsh, des cordes se plient et se déplient dynamiquement pour former le mot Aria pendant qu'une aria est jouée, produisant une fusion de son, d'image et de texte. « Strings37 » de Dan Waber opère une fusion similaire par le biais de lignes animées qui se transforment en mots et en formes, qui évoquent visuellement et textuellement le début et la fin d'une dispute, un flirt et une étreinte. D'une manière différente, Alan Dunning obtient des effets similaires dans son livre d'artiste Greenhouse38 qui crée une expérience de lecture multicouche en superposant des pages de vélin translucides à des pages opaques. Concrètement, les cinq lignes de texte sur les pages opaques sont tirées de cinq œuvres de critiques littéraires, parmi les préférées de Dunning, chaque ligne représentée dans une typographie distincte et écrite par un auteur différent. En superposant les pages en vélin à ces pages opaques, la critique littéraire, déjà entrelacée avec d'autres textes critiques, forme une sorte d'hypertexte, davantage modifiée par le jeu visuel créé par l'image et les mots de Dunning imprimés sur les pages en vélin.
Une différence importante entre l'hypertexte imprimé et l'hypertexte électronique est l'accessibilité des pages imprimées par rapport, par exemple, aux mots révélés par le clic du curseur dans l'hypertexte électronique de Knobel et Strasser. Alors que tous les mots et toutes les images du texte imprimé sont visuellement accessibles immédiatement, les mots liés dans le poème de Knobel ne deviennent visibles pour l'utilisateur que lorsqu'ils apparaissent par l'action du curseur. Le code comporte toujours certaines couches qui restent invisibles et inaccessibles à la plupart des utilisateurs. Nous arrivons ainsi à un axiome évident mais néanmoins central : l'imprimé est plat, le code est profond.
Deuxième point : les hypertextes électroniques comportent à la fois une ressemblance analogique et un codage numérique
L'ordinateur numérique n'est pas, à proprement parler, entièrement numérique. Au niveau le plus élémentaire de l'ordinateur se trouvent les polarités électroniques, liées au flux de données numériques39 faisant correspondre morphologiquement les formes analogues. Une fois ce flux formé, il opère en tant que code numérique. Généralement cette ressemblance analogique40 apparaît de même au niveau supérieur de l'image écranique, par exemple dans l'icône de bureau représentant une corbeille. Ainsi, les ordinateurs numériques ont une structure semblable à celle d'un biscuit Oreo avec une couche inférieure analogique, un milieu numérique apparemment nuageux41 et une couche supérieure analogique42. Malgré notre habitude de penser au numérique en termes de chiffres binaires, le numérique a un sens plus général : l’opposition entre flux d'informations discret et continu. Les ordinateurs numériques ne doivent pas nécessairement opérer avec un code binaire ; aux premiers temps de l'informatique, les ordinateurs étaient construits à l'aide des codes en base dix couramment utilisés pour compter43. Ces ordinateurs sont numériques non pas parce qu'ils utilisent un code binaire mais parce qu'ils utilisent des flux de données discrets. Les ordinateurs analogiques, contrairement aux ordinateurs numériques, représentent les nombres sous la forme d'une variation continue de la tension électrique. Dans ces ordinateurs analogiques et dans les technologies analogiques en général, la ressemblance entre morphèmes44 [morphological resemblance] relie un niveau de code à un autre. En ce sens, l'écriture iconographique est analogique parce qu'elle présente une similitude entre le morphème linguistique et son référent (bien que de manière très conventionnelle), alors que l'écriture alphabétique est numérique, constituée de quelques éléments qui peuvent être combinés pour former de nombreux mots, précisément parce que la relation entre le signe et le référent est arbitraire45. En revanche, l'écriture iconographique nécessite un ensemble de symboles beaucoup plus important, car ses éléments tendent à être presque aussi multiformes que les concepts qu'ils représentent ; par exemple, le chinois écrit compte plus de quarante mille caractères.
Les livres imprimés et les ordinateurs numériques utilisent tous deux des modes de représentation numériques et analogiques, mais mobilisent ces deux modes différemment. Un exemple de livre imprimé faisant manifestement usage d’un algorithme numérique est The VoyAge46 d'Emmett Williams, dans lequel tous les mots font trois lettres (pour tenir compte de cette contrainte, Williams a souvent recours à une orthographe créative). Williams impose comme condition supplémentaire l’augmentation de l'espacement entre les mots proportionnellement aux numéros de la page. À la page 1, les mots de trois lettres sont séparés par un espace ; à la page 2, par deux, et ainsi de suite. Le livre finit lorsque le nombre d'espaces devant être intercalés avant qu'un autre mot puisse apparaître, surpasse l'espace disponible sur la page. Cet exemple explicite la différence entre l'hypertexte imprimé et l'hypertexte électronique. Elle ne réside pas dans la présence ou l'absence de modalités numériques et analogiques, mais plutôt dans la façon dont elles sont mobilisées en tant que ressources. Dans VoyAge, l'usage d'un algorithme numérique à pour conséquences de créer des motifs visuels par la composition des mots sur la page, de sorte que les mots opèrent simultanément comme image analogique et code numérique. Lorsque l'espacement amène tous les mots dans une seule colonne, par exemple, le narrateur remarque : «now/wee/get/our/poe/emm/all/inn/one/row47 ».
Troisième point : Les hypertextes électroniques sont générés par fragmentation et recombinaison
Parce que la structure de l'ordinateur a un milieu numérique apparemment nuageux, la fragmentation et la recombinaison sont intrinsèques au médium. Ces stratégies textuelles peuvent également être utilisées dans des textes imprimés, par exemple dans Cent mille milliards de poèmes48 de Raymond Queneau, un livre dans lequel chaque page peut être découpée en plusieurs bandes correspondant aux vers d'un poème. Un grand nombre de combinaisons devient alors possible par la juxtaposition de bande découpée d'une page avec celles d'autres pages, comme le suggère Queneau par le titre même. Le livre de Dick Higgins, Buster Keaton Enters into Paradise49 en est un autre exemple. Pour générer ce texte, Higgins joua treize parties de Scrabble, chacune commençant par les mots « Buster Keaton » disposés orthogonalement. Il réemploya ensuite les mots apparaissant dans les parties de Scrabble pour créer treize sketches, chacun correspondant à l'une des parties. La fragmentation est ici réalisée à l'aide des lettres du Scrabble, une technique accentuant la nature numérique de l'écriture alphabétique ; la recombinaison est opérée par les combinaisons aléatoires qui forment les mots, et par la réutilisation d’Higgins des jeux de mots dans ses sketches/parodies.
Avec les textes numériques, la fragmentation est plus profonde, plus omniprésente et bien plus extrême qu'avec les caractères alphanumériques de l'imprimé. En outre, la majeure partie de la fragmentation a lieu à des niveaux inaccessibles à la plupart des utilisateurs. Cet aspect du stockage et de la récupération numériques peut être employé comme une ressource artistique, lorsqu’il réapparaît au niveau de l'interface utilisateur. Par exemple, « Reagan Library50 » de Stuart Moulthrop utilise un algorithme qui insère des phrases pré-scriptées sur l'écran dans un ordre aléatoire. Lorsque l'utilisateur visite une nouvelle fois l’écran, le texte qui s'y trouve devient progressivement plus cohérent, pour se stabiliser dans son ordonnance finale lors d'une quatrième visite, après quoi il ne change plus. Comme pour souligner que le bruit n'est pas simplement une interférence mais une forme d'information, Moulthrop a conçu la pièce de telle sorte qu'un niveau du texte se déplace dans la direction opposée à cette trajectoire. Les écrans de « Notes » offrent des commentaires explicatifs, mais perdent du texte lorsque l'utilisateur les revisite, devenant lors de la lecture de plus en plus cryptiques et énigmatiques.
Quatrième point : Les hypertextes électroniques sont profonds et opèrent en trois dimensions
Le codage numérique et la ressemblance analogique présentent des avantages spécifiques et sont déployés de sorte à en tirer le meilleur parti. La ressemblance analogique permet de traduire l'information entre deux instanciations matérielles de corps différents, tout comme lorsqu'une onde sonore est traduite en mouvement de la membrane vibrante d'un microphone. Lorsque l'information circule entre deux entités matérielles différentes — par exemple, l'onde sonore et le microphone ou bien le microphone et le dispositif d'enregistrement — la ressemblance analogique est susceptible d'intervenir. En effet, elle traduit une forme d'information continuellement variable en un modèle informationnel de forme similaire, dans autre médium. Une fois cette traduction effectuée, le codage numérique est utilisé pour transformer la continuité du morphème linguistique en nombres (ou autres codes discrets). La transformation d'une forme continue en une série d'éléments de code fait partie intégrante de ce processus. Contrairement à la continuité de la forme analogique, le caractère discret du code permet de manipuler et de transmettre rapidement l'information.
Les lecteurs humains, dont les capacités sensorielles ont évolué au cours des siècles par leur interaction avec des environnements tridimensionnels, perçoivent bien mieux des motifs dans des formes analogiques que la réalisation de calculs rapides avec des éléments de code51. Lorsqu'on leur présente un code, les humains ont tendance à le percevoir comme un motif analogue. Bien que la plupart d'entre nous aient appris à lire en utilisant la méthode numérique qui consiste à prononcer chaque lettre, nous avons rapidement commencé à reconnaître les formes des mots et des phrases, modulant ainsi la discrétion numérique de l'écriture alphabétique avec la continuité analogue de la reconnaissance des formes. L'interaction entre l'analogue et le numérique se produit d'une manière différente avec le texte sur écran qu'avec l'imprimé, et ces différences s'avèrent importantes pour la perception humaine. Avec les écrans actuels, la vitesse de lecture à l'écran est généralement d'environ 28 % plus lente que celle de l'imprimé52. Bien que les facteurs à l'origine de cet écart ne soient pas bien compris, ils sont sans doute liés à la nature dynamique des images à l'écran. Le texte à l'écran est produit par des processus internes complexes qui font de chaque mot une image dynamique, de chaque lettre discrète un processus continu.
Pour distinguer l'image que l'utilisateur voit des chaînes de bits telles qu'elles existent dans l'ordinateur, Espen Aarseth53 a proposé la terminologie scripton (l'image de surface) et texton (le code sous-jacent). Dans un ordinateur numérique, le texton peut faire référence à des tensions électriques, à des chaînes de code binaire ou à un code de programmation, en fonction de la personne considérée comme le «lecteur ». Les scriptons comprennent toujours l'image de l'écran, mais peuvent également inclure tout code visible par un utilisateur capable d'accéder aux différentes couches du programme. Les textons peuvent apparaître aussi bien dans des médias imprimés que dans des médias électroniques. La gravure au pointillé, bien qu'elle soit normalement perçue par le lecteur comme une image continue, fonctionne selon la distinction numérique binaire point d'encre/absence de point d'encre ; ici le scripton est l'image et les points d'encre sont les textons54. Dans les médias électroniques, les textons et les scriptons fonctionnent selon une hiérarchie verticale, alors que la gravure au pointillé fonctionne plutôt selon un jeu plat d’échelles microscopique/macroscopique. Avec les textes électroniques, il existe une distinction claire entre les scriptons qui apparaissent à l'écran et les textons du code sous-jacent, qui restent normalement invisibles pour l'utilisateur occasionnel. La page plate de l'imprimé reste visuellement et kinesthésiquement accessible à l'utilisateur, tandis que les textons des textes électroniques ne peuvent être mis en évidence qu'en utilisant des techniques et des logiciels spéciaux.
Dans la remédiation inversée, certains livres jouent avec cette généralisation en rendant les pages imprimées inaccessibles. David Stairs a créé un livre d'artiste rond intitulé Boundless55 avec une reliure en spirale tout autour, de sorte qu'il ne peut pas être ouvert. Maurizio Nannucci dans Universum56 fait usage d’une stratégie similaire, par un livre dont les deux bords verticaux sont reliés de manière à ne pas pouvoir l'ouvrir. Dans son livre d'artiste Lubb Dup57, Ann Tyler joue également avec le présupposé selon lequel les pages sont visuellement et kinesthésiquement accessibles aux utilisateurs. Plusieurs des pages sont partiellement contrecollées, de sorte que l'on ne puisse jeter un coup d'œil à l'intérieur qu'au travers d’un petit cercle en leur milieu ou bien en écartant les deux pages suffisamment pour jeter un coup d'œil par le haut. Ces stratégies formelles ludiques ne remettent pourtant pas en cause le fait que la page reste plate pour ses lecteurs, puisque c'est précisément de cette règle normative que ces jeux sur l'accessibilité nous rendent conscients.
Cinquième point : Les hypertextes électroniques sont bilingues, écrits aussi bien en code qu'en langage naturel.
Les hypertextes électroniques, comme tous les textes électroniques, se composent de plusieurs couches de texte qui combinent le code informatique et le langage naturel. Généralement, le langage naturel apparaît à haut niveau (écran), bien qu'on le trouve aussi fréquemment à des niveaux de codage de bas niveau dans les lignes de commentaires. Plus subtilement, le langage naturel sert de base à la syntaxe et à la grammaire des langages informatiques, qui sont spécifiquement imprégnés, comme l'a soutenu Rita Raley58, des structures linguistiques et de la grammaire de l'anglais. Travaillant par dérivation régressive depuis la textualité électronique, Jerome McGann a récemment défendu que les textes imprimés sont également balisés (par analogie avec le HTML [hypertext markup language], le langage de balisage hypertexte qui formate les documents pour le Web). Il ajoute que les textes imprimés, comme les documents électroniques, sont codés et générés par des algorithmes. Il est aisé d’admettre que tous les textes sont balisés ; par exemple, les lecteurs familiers des conventions de l'imprimerie reconnaissent un alinéa comme signalant un saut de paragraphe et analysent le texte en conséquence. Cependant, considérer ces balisages textuels comme algorithmiques occulte la distinction importante entre les processus mis en œuvre par le lecteur/utilisateur et ceux exécutés par l'ordinateur. Un texte électronique n'existe littéralement pas s'il n'est pas généré par le matériel59 approprié exécutant le logiciel60 approprié. En toute rigueur, un texte électronique est un processus plutôt qu'un objet, bien que des objets (comme le matériel et les logiciels) soient nécessaires pour le produire. Généralement, un algorithme est une procédure définie par des règles explicites qui peuvent être spécifiées avec précision61. Si certaines règles de compréhension humaine des textes peuvent être spécifiées, de nombreuses pratiques littéraires (et plus généralement grammaticales) sont notoirement difficiles à codifier, contrairement à la nature explicite des instructions informatiques.
Le fait que les créateurs de textes électroniques écrivent toujours du code aussi bien que du langage naturel a entraîné un changement significatif dans la façon dont l'écriture est comprise. Loss Pequeño Glazier62 et John Cayley63, entre autres, défendent l’idée que la programmation est une écriture. Ils réfutent la distinction entre l'écriture qui apparaît à l'écran comme le seul «véritable » effort créatif et celle du code, car ils comprennent pleinement, par leurs propres pratiques créatives, que le texte à l'écran et la programmation sont logiquement, conceptuellement et instrumentalement liés. Les auteurs qui travaillent dans les médias électroniques exploitent de plus en plus l'interaction mot/code en créant un langage hybride, visible à l'écran, qui comprend des expressions anglaises et de pseudo-programmation. MEZ (Mary Ann Breeze), par exemple, a formulé un pidgin qu'elle appelle « mezangelle », une pratique bilingue qui rompt le lien conventionnel entre phonème et signe écrit, forgeant de nouvelles connexions entre le code et l'anglais64. Dans Lexia to Perplexia65, Talan Memmott formule un créole qu'il utilise pour articuler une version de la subjectivité cyborg dans laquelle la machine et le soi [self] (qu'il écrit « cell.f » pour suggérer son infection par le computationnel) se rejoignent dans une union à la fois conceptuelle, linguistique et technologique.
Les textes imprimés décrits par McGann en des termes normalement employés pour des textes électroniques peut être perçu comme une (re)mise en œuvre critique de son travail éditorial avec The D. G. Rossetti Hypermedia Archive66, dans lequel il a reproduit les textes imprimés de Dante Gabriel Rossetti sur le Web. Tout en s'efforçant d'envisager les textes imprimés en termes électroniques, il comprend intrinsèquement que la simulation des textes imprimés dans des environnements électroniques implique des matérialités radicalement différentes de celles des textes imprimés eux-mêmes. À l'instar de nombreux écrivains travaillant dans le domaine des médias électroniques, il considère que le travail de production littéraire consiste à fabriquer et à faire, et non pas simplement à débiter des mots perçus en tant qu’entités immatérielles. Ce n'est pas un hasard si McGann, qui a une formation en études bibliographiques, collabore fréquemment avec Johanna Drucker, créatrice de livres d'artistes, historienne et critique de ce genre. Ils partagent une haute estime de la matérialité de la littérature et, par conséquent, de la lecture et de l'écriture en tant que pratiques matérielles. Il est certainement possible de partager ce point de vue sans même toucher à un ordinateur, comme le fait remarquer Loss Glazier67 dans ses réflexions sur la poésie dactylographique, c'est-à-dire la poésie conçue visuellement pour souligner le rôle instrumental de la machine à écrire dans la production du texte. Toutefois, il est pratiquement impossible de créer une œuvre électronique sans saisir la signification de l'œuvre en tant que production matérielle. M. D. Coverley68 illustre ce point en comparant un auteur de presse écrite qui tape une phrase et s'assoit, satisfait, à un auteur de médias électroniques. L'auteur électronique qui tape la même phrase réfléchit ensuite aux comportements et aux animations qui doivent être associées aux mots, à la police de caractères et à la couleur dans lesquelles ils doivent apparaître, à l'arrière-plan et aux couches superposées (ou non), aux autres textes ou structures auxquels ils doivent être liés, et ainsi de suite. Dans toutes ces activités, le matériel et le logiciel sont des partenaires actifs, qui facilitent et résistent, permettent et limitent, mettent en œuvre et subvertissent. Ces effets sont le produit d’un travail nécessaire, lié intrinsèquement au travail de création. Semblable au créateur d'un livre d'artiste découpant délicatement du papier épais Italia blanc à l'aide d'un couteau de précision Exacto et qui, minutieusement, coud les pages ensemble, l'auteur d'un texte électronique est intensément conscient de l'enchevêtrement du travail intellectuel, physique et technologique qui crée le texte en tant qu'objet matériel.
Sixième point : Les hypertextes électroniques sont mutables et transformables
Les multiples niveaux d’encodage des textons électroniques permettent d’amplifier rapidement de petits changements à un niveau de code, en de grands changements à un autre. Ces niveaux de codage superposés agissent ainsi comme des leviers linguistiques, donnant à une seule touche le pouvoir de modifier l'apparence entière d'une image textuelle. La capacité du code numérique à être fragmenté et recombiné est une composante intrinsèque de ce pouvoir de levier. Bien que le texte apparaisse comme une image stable à l'écran, il obtient son pouvoir dynamique de mutation et de transformation par la fragmentation et la recombinaison extrêmement rapides du code binaire. De surcroît, les programmes créent l'illusion de la profondeur dans les images à l'écran grâce à ce traitement rapide du code numérique, par exemples, dans les paysages tridimensionnels de Myst ou les fenêtres superposées de Microsoft Word69. Dans ces cas, les scriptons et les textons sont perçus comme ayant de la profondeur, les textons fonctionnant numériquement par des niveaux de codage et les scriptons fonctionnant analogiquement par la représentation écranique d'espaces tridimensionnels.
Les livres imprimés peuvent simuler la mutabilité des textes électroniques par le biais de diverses stratégies, allant des pages semi-transparentes qui se superposent à d'autres pages à des stratégies encore plus élaborées. Dans le récit visuel Cover to Cover70 de Michael Snow, la séquence commence par l'image réaliste d'une porte, l'image suivante montrant un homme ouvrant la porte pour entrer dans une pièce plutôt ordinaire. À chaque image successive, la représentation photographique précédente se révèle être une mise en scène, par exemple en incluant le photographe dans l'image. À mesure que l'on s'approche du centre du livre, les images commencent à changer d'angle et, à mi-parcours, le lecteur doit retourner le livre pour voir les images restantes à l’endroit. À la fin du livre, l'ordre des images est inversé, de sorte que le lecteur traverse le livre à reculons jusqu'à la couverture, une direction qui est alors implicitement définie comme allant de l'avant. Pour faciliter ce changement de points de vue, le livre est relié des deux côtés, de sorte que l'une ou l'autre couverture peut faire office de « recto ». Ainsi, des aspects aussi fondamentaux du livre que la couverture et la quatrième, le haut et le bas, deviennent des caractéristiques mutables qui changent au cours de la lecture.
Des stratégies similaires sont employées dans Parallax71 de Karen Chance, où les découpages et l'ordre inversé sont utilisés pour créer deux récits, l'un du point de vue d'un homme hétérosexuel qui considère les hommes homosexuels comme des intrusions indésirables dans sa vie, l'autre du point de vue d'un homme homosexuel qui voit sa vie menacée par des personnes hétérosexuelles qui refusent de reconnaître son existence. Une approche différente est adoptée par Tom Phillips dans A Humument : A Treated Victorian Novel72. À partir de l'obscur roman victorien de William Mallock, A Human Document73, Phillips « traite » chaque page en tant qu'image ne laissant apparaître finalement que quelques mots restés intacts. Ces mots sont généralement reliés par des chemins ou des « rivières » d'espace blanc, créés en soulignant les espaces blancs entre les mots et les lignes avec des fonds et des images de couleur. À mesure que ces rivières serpentent sur la page, elles sont pour la plupart disposées de sorte à permettre plusieurs chemins de lecture. D'autres effets hypertextuels émergent de l'interaction des mots dans les chemins, d'autres textes « traités » qui restent partiellement visibles, et des images étonnamment diverses que les pages traitées présentent. Grâce à ces manipulations, le texte de Mallock mute en un récit entièrement nouveau. Phillips (dustcover) écrit : « J'ai pris un roman victorien oublié, trouvé par hasard. Je l'ai pillé, exploité et miné pour lui faire céder les fantômes d'autres histoires possibles, de scènes, de poèmes, d'incidents érotiques et de catastrophes surréalistes qui semblaient se lier à son mur de mots74 ». Bien que ce livre ne soit pas dynamique au même sens que le Java script [sic.], les effets hypertextuels qu'il obtient par mutation et transformation sont complexes et dynamiquement interactifs75.
Septième point : Les hypertextes électroniques sont des espaces à parcourir
Les hypertextes électroniques sont navigables, entendus à minima de deux façons. D’une part, ils présentent à l'utilisateur une interface visuelle qui doit être parcourue par des choix que l'utilisateur fait pour progresser dans l'hypertexte ; d’autre part, ils sont codés sur plusieurs niveaux auxquels l'utilisateur peut accéder en utilisant le logiciel approprié, par exemple, en visualisant le code source d'un navigateur ainsi que le texte de surface. En raison de sa construction en tant qu'espace navigable, l'hypertexte électronique est intrinsèquement plus impliqué dans des questionnements autour de la cartographie et de la navigation que la plupart des textes imprimés.
Le roman Web de M. D. Coverley, The Book of Going Forth by Day76, toujours en cours de rédaction, illustre comment la navigation devient une stratégie significative pour les hypertextes électroniques. Modélisée à partir de la disposition spatiale des hiéroglyphes égyptiens, l'interface utilise des registres horizontaux et verticaux. Les volets horizontaux fournissent le récit, tandis que les volets verticaux donnent des informations linguistiques, historiques et géographiques sur l'Égypte ancienne informée par le modèle des rubriques, qui dans les textes hiéroglyphiques, donnaient des informations sur la manière d'interpréter les événements décrits. Les correspondances entre les hiéroglyphes égyptiens et l'interface suggèrent des liens profonds entre les systèmes d'inscription, les croyances cosmologiques, les ordres temporels et les postulats géographiques. Les inscriptions hiéroglyphiques anciennes étaient écrites dans tous les sens, y compris de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas, de bas en haut, en se déplaçant latéralement dans les marges, ou en spirale dans un cercle, l'ordre de lecture étant indiqué par l’orientation des figures. Going Forth associe l'omnidirectionnalité de cette écriture aux anciennes croyances égyptiennes sur la « géométrie sans fin » du monde, selon lesquelles les personnes du passé franchissent le seuil de la mort pour atteindre le présent et les dieux et déesses se manifestent dans les humains vivant sur terre. Going Forth envisage sa propre surface d'inscription comme une topologie complexe, une surface d'inscription décorée avec opulence et potentiellement infinie permettant des transitions fluides entre l'exposition, le narratif, les cartes, les photographies, les informations linguistiques et le contexte historique. Going Forth suggère l’absence de distinction claire entre l'écriture et l'art dans l'Égypte ancienne. L'art n'imitait pas tant la vie qu'il imitait et était imité par l'écriture, une autre façon de dire que la vision du monde et le système d'inscription étaient intimement liés. Transposées dans un environnement électronique, ces corrélations prennent la forme de relations complexes entre les composants multimédias et les fonctionnalités de navigation, au sein desquelles la signification émerge de leurs interrelations plutôt que de la seule narration verbale.
Lorsque la navigation devient un problème dans un texte imprimé, la réponse est généralement de transformer la séquence linéaire en multiplicité hypertextuelle. Dans Treading the Maze77 de Susan Elizabeth King, le livre est maintenu par une reliure en spirale sur chacun des deux bords latéraux. La reliure de gauche contient des pages présentant des images sur du vélin ; la reliure de droite contient des pages opaques bleues de texte parlé. Ce mélange des pages opaques et translucides crée différents ordres narratifs. L'auteure écrit (sur une page que la plupart des lecteurs ne trouveront qu'à la moitié du livre) que la lecture la plus complète est obtenue en retournant toutes les pages des deux côtés de façon à exposer la quatrième de couverture, puis en intercalant une page opaque avec une page translucide jusqu'à remonter au début. En suivant cette lecture, les deux dernières pages sont des images translucides successives qui superposent un labyrinthe sur un corps de femme, de sorte que le labyrinthe emprunté par le lecteur soit imagé à la fois comme un corps humain féminin, une exploration du labyrinthe en tant que forme visuelle et conceptuelle, et enfin une expérience du livre comme un labyrinthe dans lequel de multiples sentiers peuvent être frayés.
Huitième point : Les hypertextes électroniques sont écrits et lus dans des environnements cognitifs distribués
Les ordinateurs modernes accomplissent des actes cognitifs sophistiqués lorsqu'ils collaborent avec des utilisateurs humains pour créer des hypertextes électroniques. Il s'agit souvent d'actes d'interprétation, comme lorsque l'ordinateur décide comment afficher le texte dans un navigateur indépendamment des choix de l'utilisateur. La question n'est plus de savoir si les ordinateurs sont intelligents. Tout agent cognitif faisant preuve de capacités d'évaluation, de jugement, de synthèse et d'analyse tels que les systèmes experts et les logiciels d'agents autonomes, devrait à première vue être considéré comme intelligent. Les livres créent également des environnements cognitifs riches, mais ils incarnent passivement les cognitions de l'écrivain, du lecteur et du concepteur du livre plutôt que de participer activement aux cognitions elles-mêmes.
Dire que l'ordinateur est un agent cognitif actif ne signifie pas nécessairement sa supériorité au livre en tant que technologie d'écriture. Conserver le livre comme un dispositif passif de stockage et de récupération de la mémoire externe présente des avantages significatifs, qui permet au livre de posséder une pérennité et une fiabilité dépassant les rêves les plus fous d'un concepteur de logiciels. Alors que les ordinateurs peinent à rester viables pendant une décennie, les livres conservent une rétrocompatibilité pendant des centaines d'années. La question n'est pas la supériorité technologique de l'un ou de l'autre médium, mais plutôt les conditions spécifiques qu'un médium instancie et met en œuvre. Lorsque nous lisons des hypertextes électroniques, nous le faisons dans des environnements qui incluent l'ordinateur en tant qu'agent cognitif actif, qui effectue des actes sophistiqués d'interprétation et de représentation. Ainsi, la cognition est distribuée non seulement entre l'auteur, le lecteur et le concepteur (qui peuvent ou non être des personnes distinctes), mais aussi entre les humains et les machines (qui peuvent ou non être considérées comme des entités distinctes).
Les livres imprimés peuvent également être structurés de manière à créer et à mettre en valeur la cognition distribuée. Citons par exemple les livres de codes télégraphiques, qui associaient des phrases et des mots fréquemment utilisés dans les télégrammes à des groupes de codes plus courts, rendant donc la transmission moins onéreuse. Les plus sophistiqués de ces livres de codes comprenaient des table de mutilation78, afin que l'utilisateur puisse effectuer la rétro-ingénierie d'un message brouillé en déterminant quel élément de code aurait dû se trouver à la place de l'élément incorrect. Ainsi, la nature distribuée de la cognition devenait flagrante puisqu’elle résidait pour partie dans l'émetteur, dans l'opérateur télégraphique, dans le livre de codes, dans la table de mutilation et dans le récepteur. Les erreurs introduites à n'importe quel point de cette chaîne de transmission montraient clairement que la compréhension dépend du bon fonctionnement de toutes les parties de ce système cognitif distribué.
Neuvième point : Les hypertextes électroniques initient et exigent des pratiques de lecture cyborg
Étant donné que les hypertextes électroniques sont écrits et lus dans des environnements cognitifs distribués, le lecteur doit être nécessairement considéré en cyborg, raccordé au circuit intégré d'une ou de plusieurs machines intelligentes. (Cyborg est bien sûr un néologisme inventé à partir d'organisme cybernétique, partie d'être organique, partie de machine). Quelque part, être forcé à adopter la posture du cyborg, c'est inévitablement devenir soi-même un cyborg, de sorte que les hypertextes électroniques, qu'importe leur contenu, poussent le lecteur vers une subjectivité cyborg. Cette position de sujet est d’ailleurs évoquée dans le contenu de textes imprimés (par exemple, Neuromancer de William Gibson et Synners de Pat Cadigan), mais les hypertextes électroniques de par la spécificité de ce médium la mettent nécessairement en jeu. De ces neuf points, il est de loin le plus difficile à simuler dans la technologie du livre, qui, malgré toute la sophistication de son contenu et de sa production, reste remarquablement simple à utiliser. Les passionnés du livre évoquent fréquemment cette qualité de l'imprimé, soulignant qu'ils apprécient les livres précisément parce que ceux-ci ne les interpellent pas dans la rapidité, l'obsolescence et la panne constante de la culture électronique. Cette distinction entre les formes imprimées et électroniques est toutefois questionnée par l'arrivée des liseuses électroniques équipées de matériels électroniques, ressemblant à un livre imprimé. Elle fonctionne grâce à la polarisation de pixels de la « page » électronique selon différents modèles, de sorte qu'une page puisse être n’importe quelle autre. (Les chercheurs du MIT Media Lab, entre autres, expérimentent le développement d'une « encre électronique », dans laquelle chaque petit segment informant la forme d’une lettre peut passer du blanc au noir et vice versa lorsque les polarités électroniques changent, permettant ainsi à une lettre donnée de se transformer en une nouvelle lettre ou un nouvel espace. Des polymères sensibles aux charges électriques composent cette encre ; puisque leur couleur change lorsque les polarités changent, ces polymères fonctionnent de manière analogue aux LCD, les écrans à cristaux liquides). Les formes hybrides, telles que la liseuse électronique, montrent la remédiation inversée en action : à mesure que les livres ressemblent davantage aux ordinateurs, les ordinateurs ressemblent davantage aux livres.
Dans la riche écologie de la médialité en littérature contemporaine, les médias se différencient autant qu'ils convergent. Par l'examen attentif des propriétés matérielles, nous améliorons notre compréhension des évolutions d’œuvres numériques selon des trajectoires qui s’écartent progressivement des livres, à mesure qu'elles expérimentent les possibilités nouvelles offertes par les environnements électroniques. Cette différence est particulièrement marquante dans le fossé qui sépare les hypertextes de première génération, comme Afternoon79 de Michael Joyce, des œuvres de deuxième génération, comme Lexia to Perplexia80 de Talan Memmott. Afternoon, exemplaire des premiers hypertextes électroniques écrits avec le logiciel Storyspace, ne comporte pratiquement aucun élément graphique, et la plupart des liens vont d'un mot à l'autre ou d'un paragraphe à l'autre. En cliquant sur un lien, le lecteur passe généralement d'un écran de texte à un autre. Rétrospectivement, il est possible de voir que l’hypothèse de base de ce type de lien provient des livres imprimés. Bien que la structure de liaison électronique diffère de la tournure d'une page en ce qu'elle offre de multiples chemins de lecture, elle reproduit dans les médias électroniques l'expérience du feuilletage des pages. En revanche, les hypertextes de deuxième génération mélangent les mots avec des graphiques, des sons, des images, des animations et une foule d'autres éléments multimédias. De plus, les liens vont dans toutes les directions, du mot à l'appareil, de la navigation à l'image, au survol de la souris aux éléments graphiques animés. Dans ce processus, la métaphore fondamentale de la page en tant que plan bidimensionnel se transforme en une expérience bien différente. Au contraire, l'espace textuel est davantage représenté comme une zone topographique à explorer, avec des strates superposées, des ouvertures cachées, des chemins de traverse, des liens entre différents niveaux de monde et d'autres déploiements spatiaux et temporels intégrant la fonction de l'artefact - ses propriétés matérielles et de processus - avec les représentations imaginatives du monde créé lors de la lecture.
Rétrospectivement, il est possible de considérer que l'approche du texte en tant que construction verbale immatérielle est idéologique. Elle inflige au corpus textuel la scission cartésienne entre l'esprit et le corps, séparant en deux entités fictives ce qui est en réalité une somme d'interactions dynamiques. Enracinée dans la tradition de Descartes, cette idéologie trahit également la séparation de classe sociale et économique opérée entre le travail de création - activité privilégiée de l'auteur en tant que génie inspiré - et le travail de production du livre en tant qu'artefact physique, activité reléguée aux éditeurs et aux libraires. Alors que les moyens de production tombent dans les mains des écrivains et des artistes à la fois pour les médias imprimés et électroniques, avec la publication assistée par ordinateur, les presses à lettres gérées par des collectifs d'artistes tels que la Visual Studies Workshop Press et la publication électronique sur le Web, la séparation traditionnelle entre le travail de création et le travail de production disparaît. Par conséquent, ce changement de circonstances économiques et matérielles dans la production des œuvres littéraires rend d'autant plus urgent le défi de repenser des cadres critiques et théoriques adaptés. Nous ne pouvons plus nous permettre de prétendre que les textes sont immatériels ou que le texte sur écran est le même que le texte imprimé. L'immatérialité du texte a cessé d'être une fiction utile ou même viable.
En appelant à une attention spécifique à la matérialité, j'espère qu'il est évident que je ne défend pas une supériorité supposée des médias électroniques. Je cherche plutôt à définir les spécificités des environnements numériques afin qu'écrivains et lecteurs puissent produire de la littérature électronique et y réagir avec sophistication et espièglerie, en tirant partie des ressources de ces médias. En montrant à la fois comment, dans de nombreux cas, ces effets similaires - mais non identiques - peuvent être obtenus dans des livres imprimés, j’ai inversement décrit les limites de la reproduction d'effets électroniques dans des livres imprimés. Qu'il s'agisse de l'impression ou de l'écran, la spécificité du médium entre en jeu et ses caractéristiques sont exhibées, supprimées, subverties, réimaginées.
De nombreux critiques considèrent que l'ère électronique sonne le glas des livres. A mon sens, ceux qui soutiennent ce point de vue se trompent. Les médias numériques ne rendront jamais obsolètes les livres de par leur robustesse, fiabilité, durabilité et polyvalence. Au contraire, les médias numériques offrent une opportunité que nous n'avions pas eue depuis plusieurs centaines d'années : celle de voir l'imprimé d'un œil nouveau et, par là-même, de comprendre à quel point les hypothèses spécifiques à l'imprimé ont profondément marquées la théorie et la critique littéraire. Tandis que nous persévérons à élaborer des pratiques et théories critiques appropriées à la littérature électronique, nous pourrions en venir à apprécier de nouveau la spécificité de l'imprimé. Dans la toile enchevêtrée de l'écologie de la médialité, un changement situé dans le système stimule un changement du système dans son ensemble. Les livres ne deviendront pas une espèce disparue, mais suivront l’évolution humaine, en changeant comme nous changeons, mutant de manière à continuer, comme le disait un amoureux des livres il y a longtemps, de plaire et d’instruire.
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WABER, Dan, « Strings », Vispo, 2000, Hypertexte électronique disponible sur vispo.com/guests/Dan Waber/index.html, consulté le 26/05/2022.
WATANABE, Satoshi, Pattern Recognition: Human and Mechanical, New York, Wiley, 1985.
WILLIAMS, Emmett, The VoyAge, Stuttgart, Edition Hansjörg Mayer, 1975.
ZIMMERMAN, Philip, High Tension, Rochester, Visual Studies Workshop, 1993.
© N. Katherine Hayles, “Print Is Flat, Code Is Deep,” in Poetics Today, vol. 25, no. 1, pp. 67-90. Copyright 2004, the Porter Institute for Poetics and Semiotics. All rights reserved. Republished by permission of the copyright holder, and the Publisher. www.dukeupress.edu.
© Copyright 2004, the Porter Institute for Poetics and Semiotics. All rights reserved. Republished by permission of the copyright holder, and the Publisher. www.dukeupress.edu.
© Traduction française Collectif DAM
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[Ndt : nous traduisons media-specific analysis par l'analyse spécifique par médias et medium-specific analysis par l'analyse spécifique au médium.] ↩
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BARTHES, Roland, « From Work to Text », dans The Rustle of Language, New York, Hill and Wang, traduit par Richard HOWARD, 1986, p. 56-64. ↩
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BOLTER, Jay David, Writing Space: The Computer, Hypertext and the History of Writing, Hillsdale, Lawrence Erlbaum, 1991. ↩
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LANDOW, George, Hypertext 2.0: The Convergence of Contemporary Critical Theory and Technology, Baltimore, John Hopkins University Press, 1997. ↩
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BARTHES, Roland, « From Work to Text », op. cit., p. 61. ↩
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Ibidem, p. 57. ↩
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À bien des égards, il s'agit d'un retour au programme établi par Marshall McLuhan dans McLUHAN, Marshall, Understanding Media: Extensions of Man, [1964], Cambridge, MIT Press, 1994. L'évolution récente des études littéraires des périodes antérieures vers une prise en compte des caractéristiques physiques des livres est également liée à mes arguments ici, comme le démontre clairement Jerome McGann dans McGANN, Jerome, The Textual Condition, Princeton, Princeton University Press, 1991 et McGANN, Jerome, Radiant Textuality: Literature after the World Wide Web, New York, Palgrave, 2001. Voir également l'essai de Douglas Brooks dans la première partie de ce numéro spécial pour une considération critique du domaine de l'histoire du livre : BROOKS, Douglas, « Gadamer and the Mechanics of Culture », Poetics Today, vol. 24, n°4, 2003, p. 673-694. ↩
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BOLTER, Jay David et GRUSIN Richard, Remediation: Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 1999. ↩
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DE LILLO, Don, Underworld, New York, Scribner, 1998. ↩
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BOLTER, Jay David et GRUSIN Richard, Remediation: Understanding New Media, op. cit. ↩
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[Ndt : nous traduisons media-specific analysis par l'analyse spécifique par médias et medium-specific analysis par l'analyse spécifique au médium.] ↩
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BUSH, Vannevar, « As We May Think », Atlantic Monthly, Juillet 1945, p. 101-108. ↩
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[Ndt : L’instruction go to, ou se déplacer à s’il nous faut la traduire, est une des instructions présentes dans de nombreux langages de programmation. Elle permet le saut vers une autre ligne de code pour l'exécution de l’instruction qui s’y trouve.] ↩
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Pour un autre témoignage d'une pratique de lecture qui négocie avec la matérialité tout en mettant en garde contre la subordination de l'interprétation au matérialisme, voir KNAPP, James et PENCE, Jefferey, « Between Thing and Theory », Poetics Today, vol. 24, n°4, 2003, p. 641-671. ↩
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ROSE, Mark, Authors and Owners: The Invention of Copyright, Cambridge, Harvard University Press, 1993. ↩
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BLACKSTONE, William, cité dans ROSE, Mark, Authors and Owners: The Invention of Copyright, op. cit. ↩
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Ibidem, p. 89. ↩
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Mark Rose établit explicitement une comparaison entre la philosophie économique libérale et la construction de la propriété littéraire : Ibid., p. 121. L'analyse de Locke apparaît dans le Second Traité : LOCKE, John, Two Treatises of Government, [1690], édité par Peter LASLETT, Cambridge, Cambridge University Press, 1988. ↩
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WILLIAMS, Carlos William, Paterson Book 1, New York, New Directions, 1946. ↩
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Parmi ces exceptions figure la longue tradition de la poésie formelle, y compris la poésie concrète au XXe siècle. Loss Glazier propose une excellente étude de la poétique matérialiste dans les médias imprimés et électroniques dans GLAZIER, Loss Pequeño, Dig[iT]al Poet(I)(c)s: The Making of E-Poetries, Tuscaloosa, University of Alabama Press, 2002. ↩
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McGANN, Jerome, The Textual Condition, op. cit. et McGANN, Jerome, Radiant Textuality: Literature after the World Wide Web, op. cit. ↩
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DRUCKER, Johanna, The Visible Word: Experimental Typography and Modern Art, 1909-1923, Chicago, University of Chicago Press, 1996. ↩
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CAYLEY, John, « Literal Art: Neither Lines nor Pixels but Letters », dans WARDRIP-FRUIN, Noah et HARRIGAN, Pat, (éds.), First Person: New Media as Story, Performance, and Game, Cambridge, MIT Press, 1998. ↩
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Par exemple, Peter Shillingsburg soutient qu’« il est possible que le même texte soit stocké dans un ensemble de signes alphabétiques, un ensemble de signes Braille, un ensemble de signaux électroniques sur une bande d'ordinateur, et un ensemble d'impulsions magnétiques sur un magnétophone » dans SHILLINGSBURG, Peter, Scholarly Editing in the Computer Age: Theory and Practice, 3d ed., Ann Arbor, University of Michigan Press, 1996, p. 46.
Son amalgame de médias radicalement différents, tous qualifiés de « même texte », illustre les problèmes qu'engendre une vision désincarnée des textes.
Pour une version plus complète de mon argument selon lequel les textes sont incarnés, voir HAYLES, Katherine Nancy, « Translating Media: Why We Should Rethink Textuality », Yale Journal of Criticism, n°16, 2003, p. 263-290. ↩ -
McDAID, John, Uncle Buddy’s Phantom Funhouse, Watertown, Eastgate Systems, 1993. ↩
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MEMMOTT, Talan, Lexia to Perplexia, 2000, oeuvre en ligne disponible sur : www.uiowa.edu/\~iareview/tirweb/hypermedia/talan memmott/index.html, [Ndt : contenu non disponible à l’adresse originale]. ↩
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Compte tenu de l'importance de la matérialité d'un livre, en particulier des livres d'artistes, où l'aspect matériel et le fonctionnement du livre peuvent être cruciaux, je n'écris qu’à propos de livres que j'ai eu l'occasion de voir et de manipuler. ↩
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DOUGLAS, Jane Yellowlees, The End of Books—or Books without End? Reading Interactive Narratives, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2000. ↩
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Je suis reconnaissante à Jane Douglas d'avoir mis à ma disposition le manuscrit de son livre avant sa publication. ↩
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PAVIĆ, Milorad, Dictionary of the Khazars: A Lexicon Novel, New York, Vintage, traduit par Christina PRIBICEVIC-ZORIĆ, 1989. ↩
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LE GUIN, Ursula Kroeber, Always Coming Home, New York, Bantam, 1987. ↩
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ZIMMERMAN, Philip, High Tension, Rochester, Visual Studies Workshop, 1993. ↩
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COOVER, Robert, « The Babysitter », [1969], dans Pricksongs and Descants, New York, Grove, 2000. ↩
-
HAYLES, Katherine Nancy, « Virtual Bodies and Flickering Signifiers », dans How We Became Posthuman: Virtual Bodies in Cybernetics, Literature, and Informatics, Chicago, University of Chicago Press, 1999, p. 25-49. ↩
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KNOBEL, David et REINER, Strasser, « Breathe », 2000, Poème hypertexte disponible sur http://www.workxspace.de/valentine/, consulté le 23/05/2022. ↩
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MARSH, Bill, “6-String Aria », 1999, Hypertexte disponible sur www.factoryschool.org/btheater/works/6strA/aria.html. [Ndlt : contenu non disponible à l’adresse originale, de par la technique obsolète.
Le site reste accessible à l’adresse suivante : https://web.archive.org/web/20040604154645/www.factoryschool.org/btheater/works/6strA/aria.html] ↩ -
WABER, Dan, « Strings », Vispo, 2000, Hypertexte électronique disponible sur https://www.vispo.com/guests/DanWaber/index.html, consulté le 26/05/2022. ↩
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DUNNING, Alan, Greenhouse, Calgary, Alan Dunning, 1989. ↩
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[Ndt : nous traduisons : « bit stream ».] ↩
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[Ndt : nous traduisons analogue resemblance par ressemblance analogique.] ↩
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[Ndt : nous traduisons frothy par apparemment nuageux.] ↩
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Pour une exploration de ce que cet Oréo structure signifie dans le contexte des récits virtuels, voir HAYLES, Katherine Nancy, « Simulating Narratives: What Virtual Creatures Can Teach Us », Critical Inquiry, vol. 26, n°1, 1999, p. 1-26. ↩
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L'ENIAC, le premier ordinateur électronique à grande échelle, fonctionnait avec un code utilisant la base dix. ↩
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[Ndt : nous traduisons morphological resemblance par la ressemblance entre morphèmes.] ↩
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Mis en évidence dans LOGAN, Robert K., The Alphabet Effect, New York, William Morrow, 1986. ↩
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WILLIAMS, Emmett, The VoyAge, Stuttgart, Édition Hansjörg Mayer, 1975. ↩
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Ibidem. [ndlt : Nous avons maintenant notre poème en une seule ligne]. ↩
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QUENEAU, Raymond, Cent mille milliard de poèmes, Paris, Gallimard, 1961. ↩
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HIGGINS, Dick, Buster Keaton Enters into Paradise, New York, Left Hand, 1994. ↩
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MOULTHROP, Stuart, « Reagan Library », dans Gravitational Intrigue, CD-ROM, Little Magazine, 1999, Hypertexte disponible sur iat.ubalt.edu/moulthrop/hypertexts/RL
[Ndlt : contenu non disponible à l’adresse originale. Disponible partiellement à l’adresse suivante :
https://web.archive.org/web/20051229201335/http://iat.ubalt.edu/moulthrop/hypertexts/rl/ ] ↩ -
Pour une discussion sur la facilité comparative avec laquelle les ordinateurs et les humains reconnaissent les modèles, voir l'analyse légèrement datée mais toujours utile de Satoshi Watanabe: WATANABE, Satoshi, Pattern Recognition: Human and Mechanical, New York, Wiley, 1985.
Pour une évaluation plus récente, voir FRIEDMAN, Menahem et KANDEL, Abraham, Introduction to Pattern Recognition: Statistical, Structural, Neural, and Fuzzy Logic Approaches, Londres, Imperial College Press, 1999. ↩ -
Pour une analyse des facteurs affectant la vitesse de lecture à l'écran, voir MUTER, Paul, « Interface Design and Optimization of Reading of Continuous Text », dans VAN OOSTENDORP, Herre et DE MUL, Sjaak, (éds.), Cognitive Aspects of Electronic Text Publishing, Norwood, Ablex, 1996. ↩
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AARSETH, Espen, Cybertext: Perspectives on Ergotic Literature, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1997. ↩
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Je suis reconnaissante à Robert Essick pour cet exemple, proposé dans le cadre d'une discussion sur la forte aversion de William Blake pour la gravure au pointillé et sa préférence (qui, pour Blake, relevait d’une question d'éthique) pour les technologies d'impression analogiques plutôt que numériques. ↩
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STAIRS, David, Boundless, auto-édition, 1983. ↩
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NANNUCCI, Maurizio, Universum, Rome, Biancoernero, 1969. ↩
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TYLER, Ann, Lubb Dup, Chicago, Sara Ranchouse, 1998. ↩
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RALEY, Rita, « Reveal Codes: Hypertext and Performance », Postmodern Culture, vol. 12, n°1, 2001, revue en ligne disponible sur http://pmc.iath.virginia.edu/issue.901/12.1raley.html, consulté le 23/05/2022. ↩
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[Ndt : à défaut d’un équivalent français, nous traduisons hardware par matériel.] ↩
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[Ndt : à défaut d’un équivalent français, nous traduisons software par logiciel.] ↩
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Pour une discussion approfondie sur l'histoire et le développement de l'idée de l'algorithme, voir BERLINSKI, David, The Advent of the Algorithm: The Idea That Rules the World, New York, Harcourt Brace, 2000. ↩
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GLAZIER, Loss Pequeño, Dig[iT]al Poet(I)(c)s: The Making of the E-Poetries, op. cit. ↩
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CAYLEY, John, « Of Programmatology », Mute, n°11, Automne 1998, p. 72-75. ↩
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Voir, par exemple, MEZ [Mary-Anne Breeze], « The Data ][H][ Bleeding Texts »’, 2001, Hypertexte disponible sur netwurkerz.de/mez/ datableed/complete, consulté le 26/05/2022, qui contient l'explication suivante : « .these t.ex][e][ts r code wurk remnants d-voted to the dispersal of writing that has been n.spired and mutated according 2 the dynamics of an active network. » ↩
-
MEMMOTT, Talan, Lexia to Perplexia, 2000, oeuvre en ligne disponible sur www.uiowa.edu/\~iareview/tirweb/hypermedia/talan memmott/index.html
[Ndt : contenu non disponible à l’adresse originale]. ↩ -
McGANN, Jerome, The D. G. Rossetti Hypermedia Archive, 2001, disponible en ligne sur http://www.rossettiarchive.org//, consulté le 23/05/2022. ↩
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GLAZIER, Loss Pequeño, Dig[iT]al Poet(I)(c)s: The Making of the E-Poetries, op. cit. ↩
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Conversation personnelle de l’auteure avec M. D. COVERLEY, 2002. ↩
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Pour créer l'illusion de paysages tridimensionnels, l'ordinateur prend de fines tranches horizontales qui peuvent être considérées comme bidimensionnelles et les empile. Cela nécessite des calculs massifs et serait impossible sans la fragmentation et la recombinaison très rapides qu'utilisent les ordinateurs contemporains. ↩
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SNOW, Michael, Cover to cover, Halifax, Press of the Nova Scotia College of Art and Design, 1975. ↩
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CHANCE, Karen, Parallax, Atlanta, Nexus, 1987. ↩
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PHILLIPS, Tom, A Humument: A Treated Victorian Novel, 2ème édition revue et augmentée, Londres, Thames and Hudson, 1997. ↩
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MALLOCK, William, A Human Document, [1892], New York, Garland, 1976. ↩
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[Ndt : nous traduisons : « I took a forgotten Victorian novel found by chance. I plundered, mined, and undermined it to make it yield the ghosts of other possible stories, scenes, poems, erotic inci- dents and surreal catastrophes which seemed to link with its wall of words. » PHILLIPS, Tom, A Humument: A Treated Victorian Novel, op. cit.] ↩
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Pour une discussion plus approfondie de la matérialité de A Humument et de la façon dont elle sert de ressource pour la signification, voir HAYLES, Katherine Nancy, Writing Machines, Cambridge, MIT Press, 2002. ↩
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COVERLEY, M. D., The Book of Going Forth by Day, roman en ligne disponible sur http://califia.hispeed.com/Egypt, consulté le 23/05/2022. ↩
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KING, Susan Elizabeth, Trading the Maze: An Artist’s Book of Daze, Rochester, Visual Studies Workshop, 1993. ↩
-
[Ndt : Le terme fait référence à BENTLEY, E. L., Bentley’s Second Phrase Code, [1929], New York, Rose, 1945, cité dans HAYLES, Katherine Nancy, How we Think. Digital Media and Contemporary Technogenesis, Chicago, Londres, University of Chicago Press, 2012, p. 142-144.
Pour plus d'information voir les définitions des termes techniques essentiels utilisés dans le domaine de la transmission télégraphique, éditées par l’Union Internationale des télécommunications. Disponible sur https://www.itu.int/rec/dologin_pub.asp?lang=e&id=T-REC-R.140-198811-I!!PDF-F&type=items, consulté le 26/05/2022.] ↩ -
JOYCE, Michael, Afternoon: A Story, Watertown, Eastgate Systems, 1987. ↩
-
MEMMOTT, Talan, Lexia to Perplexia, 2000, oeuvre en ligne disponible sur www.uiowa.edu/\~iareview/tirweb/hypermedia/talan memmott/index.html
[Ndlt : contenu non disponible à l’adresse originale]. ↩